Manoel de Oliveira :"Quand on s'arrête tout meurt, quand on bouge tout vit."

Manoel de Oliveira :"Quand on s'arrête tout meurt, quand on bouge tout vit."
Par Euronews
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Catherine Deneuve, John Malkovich, Marcello Mastroianni ou encore Michel Piccoli sont quelques uns des grands noms passés devant la caméra de Manoel de Oliveira.
A quelques jour de son centième anniversaire et en plein tournage d’un nouveau film, “Singularités d’une fille blonde”, le réalisateur portugais a accordé une interview exclusive à euronews. Un entretien au cours duquel le doyen du cinéma mondial évoque la crise financière, l’avenir de l’Europe et, bien sûr, son art.

euronews :
“Au cours des deux dernières décennies, vous avez réalisé plus d’un film par an. Quel est le secret d’une telle vitalité ?”

Manoel de Oliveira :
“Il n’y a pas de secret. Il s’agit de travailler, de faire, c’est une impulsion naturelle. Ma vie est assez compliquée. Je manque d’espace à la maison, j’ai beaucoup de choses et la maison est trop petite. Et je manque de temps dans la vie. Je ne peux remédier ni à l’une ni à l’autre chose. On ne peut pas allonger le temps ni agrandir la maison. Il aurait fallu faire des travaux mais ça coûte cher”.

euronews :
“Le cinéma, qu’est ce que ça représente pour vous?”

MO :
“Un réalisateur mexicain a dit un jour “le cinéma c’est le mirroir de la vie”. C’est le miroir de la vie comme rien d’autre. Le cinéma c’est le seul mirroir de la vie. Et en étant le mirroir de la vie, il est aussi la mémoire de la vie”.

euronews :
“Quels ont été les événements du XXe siècle qui vous ont le plus marqués?”

MO :
“Ce qui m’a le plus marqué du point de vue social et international, c’est sans aucun doute la révolution des oeillets du 25 avril. C’est l’acte qui m’a le plus marqué car ç‘a été un moment extraordinaire. Les militaires qui ont fait le 25 avril ne voulaient pas le pouvoir. Ils ont fait le 25 avril pour donner le pouvoir démocratique au pays. C’est un cas rare, sinon unique. Après le 25 avril, il y a eu le socialisme en France, ensuite le socialisme en Espagne. Et puis le mur de Berlin est tombé et tout semblait s’ouvrir vers un chemin céleste. Mais après il y a eu le Kosovo et le terrorisme et toutes ces saletés. Jusqu’aux problèmes économiques actuels, du capitalisme et des banques. Cette situation est un obstacle pour la vie et la société mondiale. C’est un obstacle assez haut mais nous devons pouvoir le franchir, en tout cas je l’espère.”

euronews :
“Quelle solution voyez-vous face à la crise actuelle?”

MO :
“Abandonner c’est mourir. C’est valable aujourd’hui. Le pire serait de d’abandonner, c’est à dire de ne rien faire, d’avoir peur de faire les choses… Le fait que les gens, face à la crise, se précipitent à la banque pour retirer leur argent par peur de le perdre ne fait qu’aggraver la récession et leur propre situation. C’est une erreur de baisser les bras, de ne pas continuer à faire les choses”.

euronews :
“Comment voyez-vous le futur de l’Europe?”

MO :
“En Europe il y a un mythe historique et religieux. L’Union européenne tend à ceci : un seul commandement et une seule foi centrée sur la démocratie. La religion est un peu mise de côté au profit de la démocratie, qui va se généraliser. L’Union européenne a le même objectif: un seul roi et un seul pape et c’est ce qui sera généralisé avec Bruxelles au centre. Je trouve ça extraordinaire, mais très difficile car il y a des atmosphères différentes dans les régions d’Europe, des idiosyncrasies différentes, des langues différentes. C’est toujours un processus très compliqué que de rendre quelque chose accessible à toute cette diversité”.

euronews :
“Quels sont les grands problèmes de la société contemporaine?”

MO :
“La télévision montre surtout du porno et de la violence. Les femmes travaillent et ne sont pas auprès de leurs enfants qui restent seuls devant l‘écran de télévision. Aujourd’hui il y a une perte énorme de valeurs”.

euronews :
“Certains pensent que le cinéma et les arts ne devraient pas être financés par l’Etat. Que répondez-vous à ces critiques ?”

MO :
“Quand je fais un film je donne du travail à une équipe complète : j’emploie beaucoup d’acteurs, beaucoup de figurants, je donne du travail aux entreprises, et tout ce petit monde paye des impôts. Même si je reçois une aide de l’Etat, je ne sais pas si cette aide n’est pas inférieure à ce que l’Etat va percevoir en impôts. l’Etat gagne toujours. Je fais travailler tout ce petit monde, c’est très intéressant. Quand on s’arrête tout meurt, quand on bouge, tout vit”.

euronews :
“Comment convertir plus de public au cinéma d’auteur ?”

MO :
“Il faut que les gens soient profondément bien éduqués. L‘éducation est fondamentale. Au rang des priorités d’un gouvernement je pense qu’en premier il doit y avoir la santé. Un pays sans santé ne vaut rien. L’Education doit venir en second lieu et ensuite l’Art qui est complémentaire avec l’Education. C’est la condition humaine et sans cela on ne peut pas fonctionner… Le reste vient après”.

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