Franco Frattini : "Le problème de l'exode massif de Libyens n'est pas italien mais européen."

Franco Frattini : "Le problème de l'exode massif de Libyens n'est pas italien mais européen."
Par Euronews
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La crise s’intensifie en Libye et l’Europe suit avec attention ses développements. Les sujets d’inquiétude sont nombreux : les réserves énergétiques et le risque d’une catastrophe humanitaire avec l’arrivée massive de réfugiés depus la zone de conflit. L’Italie, ancienne puissance coloniale en Libye, a des relations compliquées avec le pays. Le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini est notre invité.

Annibale Fracasso, euronews

Monsieur le ministre, le colonel Kadhafi a dit qu’il résisterait jusqu‘à la mort alors que plus de mille personnes sont mortes en Libye tuées par ses mercenaires.

Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a décidé d’adopter une position de non ingérence dans l’attente de la suite des événements alors que le dictateur libyen affirme que l’Italie a armé les manifestants.

Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères

“C’est faux, nous n’avons pas donné d’armes aux manifestants ni aux rebelles. Nous n’avons donné d’armes à personne en Libye.

Et ce n’est pas vrai que l’Italie n’a pas pris position contre la Libye. Nous nous sommes alignés sur la position de l’Union européenne et de la communauté internationale qui condamnent fermement le bain de sang et appellent à un cessez-le feu immédiat.”

euronews

Pensez-vous que le colonel Kadhafi veut sauver son pouvoir en catalysant de nouveau la colère de son peuple avec la réthorique du passé, appelant à la vengeance contre le colonialisme italien, ou même pire utiliser le chantage d’une invasion par l’arrivée massive de Libyens en Italie et en Europe ?

Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères

“Nous rejettons l’héritage d’un passé colonial qui a blessé le peuple libyen. Mais accuser encore une fois l’Italie et les Etats-Unis de s’immiscer dans les affaires libyennes, ce serait mentir.

Nous allons continuer à travailler avec la communauté internationale pour nous assurer que la violence cesse rapidement.”

euronews

“Mais ne pensez-vous pas que le temps est venu d’ignorer les affaires florissantes des entreprises italiennes en Libye et de rompre le pacte d’amitié entre Rome et Tripoli ?

Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères

“La signature de ce pacte a eu comme résultat un traité, massivement approuvé par le Parlement italien et qui est positif pour les intérèts italiens.

Nous verrons ce qui arrivera. J’espère que nous pourrons démarrer un dialogue national et que les demandes du peuple libyen seront entendues et que la violence s’arrêtera.

C’est l’appel de la communauté internationale et ce sur quoi l’Italie travaille.”

euronews

Comment est-il possible que personne n’ait anticipé cette grande révolution qui est en train d’enflammer toute la Méditerrannée, de la Tunisie à l’Egypte, en passant par la Libye et probablement demain en Algérie et au Maroc ?

Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères

“Jusqu‘à il y a deux mois, l’Occident s’est consacré à établir des partenariats satisfaisants, pour améliorer la stabilité et les intérêts économiques.

Peut-être avons-nous sous-estimé les aspects de coexistence sociale. Personne n’aurait pu prédire la rapidité des évènements. Tout a été si rapide qu’aucun gouvernement n’aurait pu se préparer à cela, y compris le gouvernement italien.

Même les experts du monde arabe n’ont pas su le prévoir. Depuis la fin décembre au début du mois de janvier, ils n’ont pas compris ce qui se passait !”.

euronews

Que va-t-il va se passer selon vous, d’ici à 5 ans ?

Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères

“ Je ne sais pas quoi dire sauf que nous apporterons notre aide au processus de transition sans dicter aux pays concernés la conduite à adopter.

Il n’y a que ceux qui ne connaissent pas le monde arabe pour croire que ces pays pourraient suivre aveuglément les directives venant de Rome, Bruxelles ou Washington. Ils ne les suivent jamais !!!

Tous les dirigeants de la Méditerrannée, que je connais très bien, reconnaissent une vertue à l’Italie: celle de ne pas donner de leçons aux autres, d‘écouter et aussi d’aider, c’est la seule façon de faire.”

euronews

Il semble aujourd’hui certain qu’il y aura un afflux massif de réfugiés depuis l’Afrique du Nord.

Umberto Bossi de la Ligue du Nord affirme qu’il faut confier le problème des migrants à la France et à l’Allemagne. Évidemment, c’est une provocation.

Mais l’Italie et l‘île de Lampedusa sont en première ligne, où se situe l’Union européenne dans tout ça ?

Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères

“Malheureusement, les réponses de Bruxelles ont été vagues.

Nous encourageons fortement l’Europe à intervenir rapidement parce que le problème n’est pas seulement italien ou sicilien, il est européen.

Si 200.000 ou 300 000 personnes désespérées

émigrent dans le nord, l’Italie toute seule ne pourra pas faire face.

Tous les pays de l’Union doivent être impliqués.

C’est le principe de solidarité, qui est l’un des piliers de la création de l’Europe en 1957. S’ils ne le font pas, ils brisent une valeur fondamentale de l’Union. Ce serait un coup dur.

En Italie, nous travaillons pour éviter cela, et nous assurer qu’il y a une réponse européenne globale à cette urgence.”

euronews

Vous qui avez été vice-président de la Commission européenne, ne pensez-vous pas que l’attitude de Bruxelles face à l’Italie est le résultat d’une forte réticence de la Commission à dialoguer avec un gouvernement dont le chef sera jugé le 6 avril prochain ?

Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères

“L’Union européenne ne prend généralement pas en considération ce genre de choses. Il s’agit de questions de politique interne à l’Italie.

Nous pensons et croyons que le gouvernement italien maintient intacts tous ses droits, qu’il est légitime et peut compter sur une majorité parlementaire qui lui permet d’aller de l’avant.”

euronews

“Honnêtement, n’avez-vous pas été embarrasé de lire pendant des mois à la une de la presse mondiale les transcriptions des frasques sexuelles de Berlusconi ?

Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères

“J’ai dit aux ministres italiens que ce qu’ils ont lu était probablement le résultat de fuites massives, qui dans d’autres pays, sont sévèrement punies.

En Italie, l’intrusion dans la vie privée est permise, tolérée, et même encouragée.

Dans la plupart des pays occidentaux, tout cela serait puni. Et c’est ce que j’ai expliqué à mes collègues européens.”

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