Dmitri Medvedev : "La situation en Syrie ne doit pas être idéalisée"

Dmitri Medvedev : "La situation en Syrie ne doit pas être idéalisée"
Par Euronews
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Un forum de deux jours s’est ouvert mercredi à Yaroslavl, au nord-est de Moscou. Au coeur des discussions axées sur des thématiques internationales : la question de la multiculturalité. Le forum a été initié par le président Dmitri Medvedev, qu’euronews a rencontré.

Alexander Shashkov, euronews :

- Un nouvel hiver frappe à nos portes, et un nouveau conflit aussi entre la Russie et l’Ukraine au sujet du gaz.

Dmitri Medvedev :

- Eh bien, jusqu’ici il n’y a pas eu de conflit, bien au contraire. Il y a plutôt des approches différentes qui peuvent conduire à de nouveaux développements.

euronews :

- Est-ce que cela risque d’occasionner des problèmes en matière de fourniture de gaz vers l’Europe, par exemple ?

Dmitri Medvedev :

- Vous savez, j’espère qu’après toutes les expériences récentes, nos partenaires et amis proches auront tiré les leçons qui s’imposent, à savoir que l’on ne peut pas passer outre la base contractuelle existante. Même si on ne l’apprécie pas, comme cela semble être le cas de nos collègues et partenaires, le Président et Premier ministre ukrainiens, qui estiment que le contrat est injuste et mauvais, et qu’ils ne pourront pas l’exécuter. Ceci est totalement inacceptable. Tous les accords, tant qu’ils ne sont pas contestés par les tribunaux ou rompus par les parties, sont sujets à exécution. Et j’espère que nos partenaires, que nos amis ukrainiens, s’en tiendront strictement à l’accord-cadre conclu en 2009. Quant à l’avenir, j’ai à maintes reprises parlé de cela : nous sommes prêts à discuter de diverses actions de coopération avec nos collègues ukrainiens. Y compris de certains mécanismes de pointe, en rapport avec l’intégration de l’Ukraine dans l’Union douanière. Or, ces derniers ont affirmé, pour une raison qui m‘échappe, que l’OMC les empêchait d’intégrer l’Union douanière. C’est un peu étrange, dans la mesure où l’Union douanière ne nous a pas empêché de la rejoindre. Mais il ne s’agit là que de leur propre évaluation. Nous pouvons aussi discuter de l’intégration à travers d’autres approches, y compris celle de notre propre investissement dans l‘économie, ou de l’acheminement du gaz via l’Ukraine. Maintenant, si nous parvenons à nous entendre sur ce point, nous serons probablement disposés à envisager des changements dans le schéma de coopération. Mais dans le même temps, le principe immuable reste que la coopération en matière de gaz repose toujours sur une même formule. Elle est universelle, et s’applique aussi bien à l’Ukraine qu‘à d’autres pays. Aussi, certains propos que nous avons pu entendre, tels que “nous payons plus que d’autres pays”, ne sont fondés sur rien. C’est de la pure propagande. L’Ukraine paie selon la même formule, et verse de l’argent en rapport avec le prix payé par les autres consommateurs européens. Les prix actuels sont élevés, c’est vrai. Mais ils peuvent aussi être extrêmement faibles, parfois. Et dans ce cas, cela devient un problème pour le fournisseur d‘énergie. Donc, en résumé, j’espère que les consommateurs ukrainiens respecteront scrupuleusement le contrat, et je suis certain alors que nous réussirons à nous entendre au sujet de nos activités futures.

euronews :

- Lors de sa récente visite à Moscou, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a exhorté la Russie à soutenir les sanctions de l’UE à l‘égard la Syrie. Quelle est la ligne de conduite de la Russie à ce sujet ?

Dmitri Medvedev :

- J’ai effectivement discuté de cette question avec M. Juppé, et avec d’autre ministres de passage, dont celui de la Défense. Et notre point est le suivant : nous ne sommes pas complètement satisfaits de la façon dont la résolution 1973 est mise en œuvre. C’est désormais une chose du passé, puisque visiblement en Libye, la situation a changé. Néanmoins, nous pensons que le mandat qui découle de cette résolution sur la Libye a été dépassé. Et nous ne voudrions absolument pas que la même chose arrive à l‘égard de la Syrie. Il est vrai que nous reconnaissons que des problèmes ont lieu en Syrie. Nous avons conscience de l’usage disproportionné de la force, et du grand nombre de victimes, et c’est quelque chose que nous désapprouvons. Je me suis maintes fois personnellement adressé au président Bachar el-Assad, et j’ai récemment envoyé un ministre adjoint des Affaires étrangères pour souligner une fois encore notre position sur cette question. Mais je crois en revanche que si nous décidons d’adresser un message sévère à la Syrie, nous devrions faire la même chose à l‘égard de l’oppostion, parce que la situation là-bas n’est pas si simple. Ceux qui scandent des slogans anti-gouvernementaux ne sont pas tous des partisans du modèle européen de démocratie “si évolué”. Ce sont des gens très divers. Certains d’entre eux sont, clairement, des extrémistes. D’autres peuvent même être qualifiés de terroristes. Donc, la situation ne doit pas être idéalisée, nous devrions procéder selon un équilibre des forces et des intérêts. Nous sommes prêts à soutenir une variété d’approches, mais elles ne voivent pas être fondées sur une condamnation unilatérale des actes du gouvernement et du président Assad.

Il faut au contraire envoyer un message fort à toutes les parties du conflit et leur dire qu’il est dans leur intérêt de s’asseoir et de négocier pour mettre fin à l’effusion de sang. L’intérêt de la Russie pour une telle solution réside aussi dans le fait que la Syrie est un pays ami, avec lequel nous avons de nombreuses relations économiques et politiques. C’est pourquoi nous continuerons toujours de privilégier les moyens de sortir de cette situation.

euronews :

- Monsieur le Président, nous sommes à Yaroslavl, où pour la troisième fois a lieu le Forum politique mondial, sous votre patronage. Le thème principal cette année est la question du multiculturalisme. Vous pensez que c’est un sujet hautement d’actualité ?

Dmitri Medvedev :

- La Russie est un pays extrêmement complexe et varié sur le plan ethnique, avec une multitude de peuples et de religions. Et pour nous, c’est une question de coexistence de différentes nations, pas simplement d’immigrants présents dans tous les états, y compris en Russie. C’est une question d’harmonie intérieure qui s’est construite au fil des siècles, et que nous avons pu élever à un niveau inédit, comme c‘était le cas dans le passé. À l‘époque soviétique, je vous le rappelle, nous utilisions le terme “de communauté du peuple soviétique”. À bien des égards, il ne s’agissait que de constructions théoriques. Mais cela ne signifie pas pour autant que nous devrions nous écarter de cette idée.

Nous avons vraiment besoin de créer une société en harmonie sur le plan intérieur, dans laquelle les gens sont tolérants les uns envers les autres, et en même temps respectueux des traditions qui constituent le cœur de tout groupe ethnique, quelle que soit la région du pays, que ce soit au centre, dans le Caucase, ou en Extrême-Orient : dans tous ces endroits vivent des citoyens russes qui ont les mêmes droits et responsabilités. Par conséquent, ce sujet est important pour nous. Mais en Europe, il y a aussi beaucoup de problèmes. Et je pense que d‘échanger des approches théoriques et des solutions pratiques sur cette question est quelque chose d’essentiel.

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