Réelles tensions interethniques en

Réelles tensions interethniques en
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Par Euronews
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ex-République yougoslave de Macédoine

Les Macédoniens craignent des violences ethniques. L’ex-République yougoslave de Macédoine voit la méfiance grandir entre les communautés albanaise et macédoniennes.
Les meurtres de cinq hommes au printemps ont fait monté d’un cran les tensions dans ce pays dont un quart de la population est d’origine Albanaise.

Dans les villages de montagne de l’Ouest de L’ex-République yougoslave de Macédoine, à l’instar de Brodec, la plupart des habitants parlent albanais. En 2001, lorsque le pays a frôlé la guerre civile, le siège des rebelles n‘était pas loin. Six ans plus tard, des perquisitions ont eu lieu à Brodec. La police a trouvé des armes et des villageois ont été arrêtés. Qu’en est-il aujourd’hui? Assiste-t-on à un renouveau du séparatisme?

“Nous sommes heureux du statut quo, les frontières m’importent peu. Mais nous voulons une chance de nous développer économiquement. Nous avons peur des frictions et des conflits. Quand un conflit éclate, il touche toujours les pauvres, ceux qui n’ont rien à manger”, explique le maire de Brodec.

Les villageois se sentent abandonnés par l’Etat et par les banques. Ici, il est impossible d’obtenir un prêt pour étoffer le cheptel.

La Grèce, l’Albanie, le Kosovo, la Serbie et la Bulgarie sont voisins de l’ex-République yougoslave de Macédoine.

La plupart de ceux dont la langue maternelle est l’albanais vivent dans l’ouest du pays. Mais on y trouve aussi des minorités turques et certaines communautés roms.

Tetovo, ville principale du nord-ouest du pays, est peuplée principalement d’Albanais d’origine.

Lorsque le stade de Tetovo affiche complet, un millier de supporters de l‘équipe macédonienne de football, “Teteks”, s’opposent aux dix mille fans de l‘équipe albanaise “Shkendija”. Et quand ils s’affrontent, la situation peut vite dégénerer.

“Les Albanais ici soutiennent encore l’idée d’une grande Albanie et ils voudraient nous enlever cette partie de la Macédoine. Nous protégeons notre club, notre ville, nous protégeons notre pays mais nous ne sommes pas des nationalistes, nous sommes des patriotes”, dit un supporter macédonien.

“Les Albanais nous provoquent parce que nous sommes ethniquement slaves. Ils nous insultent parce que nous sommes chrétiens. Ils insultent Jésus et mêmes nos défunts. C’est vraiment de la provocation”, dit un autre.

Mais les provocations et les violences ont lieu des deux côtés. Albanais et Macédoniens brutalisent et frappent.

Discours haineux ethniques et vandalisme se retrouvent aussi dans les régions rurales. Dans le village de Jancishte, près de Tetovo, des Macédoniens ont saboté le nom albanais d’un panneau de signalisation. Des extrémistes de chaque communauté tente de rappeler à l’autre: “Ici, c’est chez nous”.

En 2001, des postes de contrôle de l’armée ont été installés dans ces zones mixtes.

Pour essayer de ramener les choses à la normale, le gouvernement norvégien a injecté de l’argent dans des projets éducatifs bilingues.
Ainsi, pendant que les enfants plus âgés participent à des ateliers axés sur “le dialogue et la réconciliation”, les plus jeunes jouent ensemble dans de joyeuses pièces de théâtre dans lesquelles ils utilisent les deux langues, l’albanais et le macédonien. C’est amusant et apparemment ça plaît.

“Nous jouons tous ensemble, au basket et au football par exemple. On on fait du théâtre aussi. Nous chantons ensemble”, dit Maria.

“Connaître d’autres langues offre la possibilité de parler avec beaucoup de gens, de se faire beaucoup d’amis,” ajoute Arsim.

“J’ai des amis de tous les groupes linguistiques qui vivent ici”, termine Alexandra.

Ces projets restent cependant des exceptions.
Le directeur voudrait que l’enseignement bilingue soit généralisé à tout le pays mais c’est la tendance inverse qui marque ces dix dernières années.

“Selon moi, ce qui est le plus choquant dans ce qui se passe en République de Macédoine, c’est la ségrégation scolaire. Les élèves, les enfants ne vont pas dans les mêmes écoles. Ils n’ont pas de contact entre eux. Ce qui devrait être fait dans l’avenir – un projet à long-terme du gouvernement – c’est de les rapprocher. il faut faire disparaitre ce gouffre entre les enfants”, explique Veton Zekolli, directeur de programme au Nansen Dialogue Centre.

Gostivar est une ville mixte. Plus tôt cette année, un policier macédonien a abattu deux Albanais dans des circonstances encore troubles. Cela a entraîné une montée en puissance des tensions ethniques dans tout le pays.

“Ce n’est pas normal” estiment les deux meilleurs amis, Elmaz et Dime. Après avoir passé leur enfance ensemble, ils ont décidé de créer une entreprise bilingue macédonien-albanais offrant des services comptables.

“Choisir avec qui lancer notre affaire, les critères pour trouver un associé n‘étaient pas la nationalité ou la religion, pas du tout. Il était juste important d’avancer avec quelqu’un de solide et digne de confiance. C’est comme ça que tout a commencé”, explique Elmaz Adili.

“Oui, je pense qu’ici des gens de communautés différentes vivent ensemble depuis des siècles. Je ne peux pas imaginer d’autre mode de vie que ce multiculturalisme. C’est notre tradition”, ajoute Dime Smilesici.

Gostivar est la ville natale de Sulejman Rushiti, directeur de théâtre et ex-ministre macédonien de l’Education. Comment explique-t-il cette récente augmentation des tensions ethniques?

“Le gouvernement encourage la déstabilisation contrôlée car il veut cacher les vrais problèmes que sont la corruption ou l’absence de politique d’intégration. Avec cette déstabilisation contrôlée, il détourne l’attention de l’opinion publique des vrais problèmes de fonds”, dit-il.

Artan Sadiku, le directeur du programme de recherche à l’“Institut d‘études sociales” est d’accord. Au lieu de s’attaquer à la montée en flèche du taux de chômage – environ un tiers de la population est sans emploi – les politiciens alimentent le conflit ethnique.

“C’est l‘élite politique du pays. Ils gouvernent et contrôlent le pays en utilisant parfois des discours et une réthorique ultranationaliste simplement pour se maintenir au pouvoir”, dit-il.

“Absurde et tout à fait faux !!! Voilà un discours qui ne sert que des intérêts locaux et destiné, en l’absence de véritable proposition politique, à attirer des votes pour renverser le gouvernement”, rétorque Slobodan Chashule, ex-ministre des Affaires étrangères.

Slobodan Chashule futur ambassadeur macédonien en Espagne est fidèle aux nationalistes au pouvoir. Il accuse les services secret serbes d‘être derrière les récentes tensions ethniques dans la région.
Quand on lui demande s’il existe un risque que le pays éclate à nouveau…

“Les deux grandes communautés de ce pays veulent la Macédoine toute entière. Les Albanais savent que la sécession est politiquement, économiquement et stratégiquement impossible et les Macédoniens savent aussi que, sans les Albanais, ils ont plus à perdre qu‘à gagner”,
répond-il.

Pour Naser Selmani, le chef de l’Association des journalistes macédoniens: “Tous ces récents incidents ont été organisés par les partis politiques au pouvoir. Pourquoi font-ils cela? Je crois fermement que l’idée de briser la Macédoine est encore très présente”, dit-il.

Des partis politiques infiltrés par le crime organisé, voilà aussi ce qui inquiète le chef de l’Association des journalistes macédoniens. Quand on lui demande s’il pense qu’une guerre civile soit toujours possible, sa réponse est “oui”.

Cette vision pessimiste n’est cependant pas partagée par la majorité des experts que nous avons rencontrés dans la capitale, Skopje. Mais les malentendus et les préjugés sont une réalité.

L’allocation d’une énorme somme d’argent public pour le projet «Skopje 2014» est critiquée par la communauté albanaise. A Skopje, se dressent des statues géantes d’anciens héros macédoniens en parallèle de musées à la gloire du passé macédonien. Les Albanais se sentent exclus.

“Comparez. Toutes ces statues et les bâtiments représentent 95% de la culture macédonienne et seulement 5% de la culture albanaise”, s’exclame Ferid Sulejmani.

“Je suis Macédonienne, je vis à Skopje et je pense que c’est un bon projet. Mais bien sûr, ce serait bien que tout le monde à travers le pays ait de bonnes conditions de vie”, tempère Ivanka Stojkovska.

“Il aurait été préférable d’investir tout cet argent dans d’autres secteurs, tels que l‘éducation ou la santé au lieu d’investir dans des bâtiments et des monuments en prétendant que les gens ne savent pas qui ils sont et qu’ils doivent être éduqués sur leur identité”, conclut Florina Emini, habitante de Skopje.

La plupart des habitants à qui nous avons parlé à travers le pays partagent l’idée que tous ces millions auraient été plus utiles pour développer les infrastrucures et lutter contre le chômage.

“Un seul des gigantesques monuments de Skopje coûte énormément d’argent. Pourquoi ne pas moins construire dans la capitale et apporter un bulldozer ici pour réaliser une petite mais bonne route jusqu‘à notre village? Ils ne le font pas, alors nous devons continuer à utiliser nos chevaux et à transporter notre bois de la montagne à la vallée à dos de cheval”, nous dit Halim Bahtjari, un habitant de Brodec.

Une opinion est néanmoins largement partagée par les experts: Si le nord Kosovo venait à réintégrer la Serbie, on pourrait s’attendre à un renforcement du séparatisme albanais dans l’ex-République yougoslave de Macédoine. L’adhésion à l’Union européenne deviendrait alors hors de portée pour tout le monde.

Bonus
Pour écouter l’entretien avec Robbin Liddell,
Ministre conseiller, Adjoint du chef de la délégation de la Commission de l’Union européenne à Skopje, cliquez ici

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