La Catalogne, prête pour l'indépendance?

La Catalogne, prête pour l'indépendance?
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Par Euronews
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La Catalogne est appelée aux urnes ce dimanche pour des élections au Parlement régional sous le signe de la crise économique et de la poussée indépendantiste.

Sur les Ramblas, l’emblématique avenue de Barcelone, les vendeurs d’ “estelades”, ces drapeaux independantistes, ne se plaignent pas.

“On en a toujours vendu, mais jamais autant qu’aujourd’hui. Les gens viennent demander des esteladas. Les gens sont dans l’expectative et suivent de près leur classe politique pour voir ce qu’ils font. On dirait qu’ils veulent aller jusqu’au bout, jusqu‘à l’indépendance.” dit cette commerçante catalane. Avec ses 7,5 millions d’habitants, la Catalogne est l’une des plus riches des 17 régions autonomes d’Espagne. Elle a sa langue officielle, le catalan, et son gouvernement autonome dont les compétences sont tres larges, allant de la police à la santé, en passant par l’education. Mais elle n’a pas l’autonomie budgétaire à 100%, comme le Pays Basque et la Navarre. Le gouvernement central le lui a refusé cette année.

Cette région industrielle, touristique et logistiquement bien située sur le littoral méditérranéen, a longtemps été le moteur économique de l’Espagne. Son PIB de 210 milliards d’euros en 2011, l’equivalent de celui du Portugal, représente 19,5% du PIB espagnol. Or, depuis deux ans, la crise frappe aussi la Catalogne.

Ici comme ailleurs en Espagne, la population subit les coupes budgétaires du gouvernement régional de la coalition de centre-droit CIU. Et le symbole du marasme économique, ce sont aussi les explusions de propriétaires qui ne peuvent plus payer les échéances de leurs crédits inmobiliers. Au premier trimestre 2012, on a comptabilisé 7 172 procédures d’expulsion en Catalogne, selon la justice.

Ainsi le chomâge touche plus de 22,5% des Catalans en âge de travailler et la région cumule une dette colossale de 44 milliards d’euros, soit 22% de son PIB. Cette dette correspond aussi à presque le tiers de la dette totale des régions. Pour y faire face la Catalogne a reçu une aide de l’Etat de cinq milliards euros.

Mais pour les indépendantistes catalans, c’est à cause des impots payés par la Catalogne à l’Etat espagnol que la région est dans le gouffre.
Le maire de Gallifa refuse de les verser: “Concrètement, la crise en Catalogne est en grande partie due à sa dépendance vis-à-vis de l’Etat espagnol. C’est pourquoi sortir de l’Espagne nous permettrait aussi de sortir de la crise.” affirme Jordi Fornas, le maire de Gallifa.

Pour mieux comprendre l’importance des élections catalanes, nous avons interviewé Martí Carnicer. Il a été pendant sept ans, le numéro 2 des Finances dans le précedent gouvernement de gauche en Catalogne.

Vicenç Batalla, euronews :

“Vous étiez responsable des négociations avec Madrid sur le financement de la région, mais trois ans plus tard, il n’y a aucun résultat puisque le gouvernement réclamait un “pacte fiscal” comme celui du Pays Basque. Comment expliquer que beaucoup réclament une séparation de l’Espagne ?”

Martí Carnicer, vice-ministre catalan des Finances :

“Je crois que tout le monde s’accordera sur deux raisons fondamentales. La première, c’est le manque de consensus, d’affection, de tendresse – on peut le dire de différentes manières -, du reste de l’Espagne vis-à-vis de la Catalogne. Cela s’explique d’abord par le recours déposé par le Parti Populaire contre “l’Estatut” – le texte fondamental qui fixe le statut de la Catalogne -, puis par son annulation partielle prononcée par le Tribunal constitutionnel espagnol.
Mais cette donnée se complique avec un autre facteur beaucoup plus important qui est la crise économique. La crise fait que les conditions de financement, de fonctionnement de l’activité économique sont aujourd’hui beaucoup plus affectés.
Ces deux éléments – le manque d’entente, de compréhension de la position catalane et l’aggravation économique – expliquent en grande partie, ce qui se passe en Catalogne.”

euronews :

“Madrid n’a pas respecté les accords conclus quand vous étiez vice-ministre catalan des Finances ?”

Martí Carnicer :

“C’est tout-à-fait cela. Sur la question du financement, je peux donner mon avis : dans “l’Estatut”, on prévoyait des mécanismes comme la disposition additionnelle sur les sommes versées en faveur des communautés autonomes que Madrid n’a absolument pas respectés. C’est vrai que Madrid n’a pas honoré sa parole.”

euronews :

“On dit que le modèle fédéral en Espagne est impossible à appliquer. Mais une Catalogne indépendante est-elle viable économiquement, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne ?”

Martí Carnicer :

“Ceux qui demandent l’indépendance expliquent que le modèle fédéral n’est pas applicable. Est-ce qu’il est plus crédible et plus simple d’accéder à l’indépendance plutôt que de mettre en place un Etat fédéral ? Je ne crois pas.
Selon toute logique, il doit être plus facile, plus faisable, vraisembablement plus durable et plus juste d‘établir un Etat fédéral. Ce qui nécessite que les différentes parties de l’Espagne se mettent d’accord pour continuer à avancer et construire un espace commun. Si l’Etat fédéral est difficile – je veux bien le reconnaître -, l’indépendance le sera beaucoup plus.”

euronews :

“Craignez-vous les menaces de boycott des produits catalans dans le reste de l’Espagne ?”

Martí Carnicer :

“Je ne crois pas qu’on doive s’en soucier.
La Catalogne commerce beaucoup avec l’extérieur. Elle réussit des exportations qui affichent une croissance très élevée. C’est probablement, la plus élevée sur le territoire espagnol à l’heure actuelle. Par conséquent, la compétitivité de la production catalane est assurée.
Peut-il y avoir des personnes qui boycottent les produits de Catalogne ? Cela s’est déjà produit dans le passé, mais si certains le font, on oubliera ce genre de comportements avec le temps. Je ne crois pas que ce soit l‘élément le plus fondamental à prendre en considération.”

euronews :

“Quand vous étiez en poste, on a découvert des cas de corruption en lien avec le parti Convergence et Union. On en reparle aujourd’hui. Le président catalan Artur Mas pourrait-il être inquiété ?”

Martí Carnicer :

“Moi, j’ai confiance. J’attends et je souhaite que ce ne soit pas le cas. Je m’attends à ce qu’il n’y ait aucun lien. Mais ce sont les tribunaux qui le décideront. C’est à la justice de trancher en donnant à tout le monde, la capacité de se défendre et de prouver son innocence.”

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