L'Italie dans l'impasse politique

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Par Euronews
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Bersani, Grillo, Berlusconi, Monti… Les Italiens devaient choisir entre la déception et l’espoir, entre l’austérité et le populisme.

Rome, novembre 2011. Des Italiens célèbrent le départ de Silvio Berlusconi. Le président du Conseil vient de démissionner. Il laisse derrière lui un pays en récession, qui a perdu la confiance des marchés. Mais il revient un an plus tard pour, dit-il, ‘‘aider l’Italie à sortir des sombres perspectives’‘ imposées par “les taxeurs technocrates’‘.
Baisses d’impôts, création d’emplois, amnistie pour les fraudeurs du fisc, abolition des taxes rétablies par Monti… Un programme populiste qui séduit une grande partie des électeurs italiens, et permet à Berlusconi de jouer les trouble-fête, et de bouleverser le scénario de la gauche italienne, qui arrive en tête dans les deux Chambres du Parlement mais n’a pas la majorité au Sénat.

‘‘Berlusconi ne gagnera pas. Berlusconi perdra cette élection’‘, déclarait Pierluigi Bersani le 13 décembre dernier. Le leader démocrate est alors persuadé que la coalition de centre-gauche a toutes les cartes en mains pour remporter les législatives. Soutien à l’emploi, mais aussi ‘‘rigueur et sérieux’‘ budgétaire sont les principaux piliers de son programme.

Dans cette campagne électorale, il y a aussi le ‘‘Coluche italien” Beppe Grillo. L’ancien comique, leader du Mouvement cinq étoiles, vole la vedette aux partis traditionnels. Il est le candidat anti-système : réduction du nombre de parlementaires, refus de l’austérité, sortie de la zone euro, lutte anti-corruption… Ses promesses populistes séduisent ceux qui, comme lui, rejettent la classe politique.

Mario Monti, lui, n’a pas réussi son pari. Celui qui avait remplacé Berlusconi et formé un gouvernement technocrate a payé le prix des reformes impopulaires. Sous sa gouvernance, il a pu réinstaller des relations de confiance avec les partenaires européens, mais n’a pas réussi à sortir l’Italie de la récession. Ses promesses sur la rigueur budgétaire, la fiscalité des grandes fortunes ou la consommation n’ont pas attiré l’attention des Italiens, épuisés par la cure d’austérité.

Lucio Caracciolo : “Monti n’a pas de futur politique en Italie et en Europe”

Lucio Caracciolo est l’un des plus grands experts italiens en géopolitique. Il tient des séminaires d‘études stratégiques dans plusieurs universités italiennes, et a fondé la revue géopolitique LIMES qu’il dirige.

Euronews, Rita Del Prete : Selon les analystes étrangers, la grande victoire de Beppe Grillo, c’est la victoire de l’anti- politique et du populisme. Mais que fera Grillo avec l’Italie, et inversement l’Italie avec Grillo?

Lucio Caracciolo : J’ignore ce qu’est l’anti-politique, mais c’est sûr que Grillo est un politicien qui est assez éloigné du Parlement. Mais il est aujourd’hui le leader du principal parti politique italien, même du seul parti politique italien, car les autres formations ont montré qu’elles étaient des constructions plutôt virtuelles. Donc je prendrais monsieur Grillo bien au sérieux, et je prendrais bien au sérieux aussi la possibilité que, à l’intérieur de ce mouvement, puissent émerger dans un futur, même pas si lointain, de nouvelles formations politiques.

Euronews, Rita Del Prete : La présence, même symbolique, de Mario Monti dans une éventuelle coalition pourrait-elle rassurer “l’Europe de la rigueur”?

Lucio Caracciolo : Certainement pas. Tout d’abord car une coalition Bersani-Monti n’aurait pas de majorité, et ensuite parce que Monti s’est considérablement discrédite en étant le chef d’un gouvernement technique, et qui plus est sénateur à vie. Il s’est présenté aux élections comme s’il était n’importe quel petit chef démocrate. Donc, je ne crois pas que Monti puisse avoir un futur quelconque en Italie et par conséquent en Europe.

Euronews : Quelles sont les priorités auxquelles le prochain gouvernement va devoir faire face au niveau international?

Lucio Caracciolo : Tout d’abord, il doit y avoir la formation d’un gouvernement, car sans gouvernement, il est difficile d’avoir un programme. Deuxièmement, il faut fixer le cap de la politique économique, notamment fiscale. Troisièmement, il faut parvenir à convaincre une opinion publique extrêmement désorientée. Ce sont des tâches très difficiles, mais les Italiens ont beaucoup de fantaisie.

Euronews : Dans un futur proche, comment l’Italie, qui a retrouvé une certaine crédibilité, pourra-t-elle peser sur la scène internationale?

Lucio Caracciolo : Le poids de l’Italie dans les prochaines années sera certainement moins important qu’aujourd’hui, car actuellement c’est le pays le plus influent au monde, c’est à dire qu’il peut déstabiliser tout le système (politico-économique). A l’avenir, soit nous restons à l’extérieur du système, soit nous rentrons dans le rang. Dans les deux cas, nous serons certainement moins influent qu’aujourd’hui.

Euronews : La politique étrangère a été quasiment absente de cette campagne électorale. Mais existe-t-il encore une politique étrangère dans l’Italie d’aujourd’hui?

Lucio Caracciolo : Je dirais que non.

Euronews : Et donc que faut-il faire?

Lucio Caracciolo : Nous naviguons à vue, sans boussole. Il est évident qu’il n’y a pas de stratégie, qu’il n’y a pas de programme, donc on va procéder au jour le jour. La première chose sera d’avoir un peu de fantaisie pour former un gouvernement, qui sera probablement minoritaire, car il n’y a pas de majorité. Je pense à un gouvernement technique, soutenu par les principaux partis, qui pourrait changer la loi électorale, et créer un nouveau type de scrutin. Mais c’est un projet qui n’est pas encore défini. Dans le cas contraire, nous serons obligés de de revoter avec même les règles électorales, ce qui aurait pour conséquences probablement de voter tous les ans pendant dix ans.

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