Corée du Nord : "un jeu de dupe international"

Corée du Nord : "un jeu de dupe international"
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Par Euronews
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La Corée du Nord coupe le dernier canal de communication avec la Corée du Sud et annonce que la guerre peut éclater à n’importe quel moment.

Ce mardi, Pyongyang a publié ces photos du dirigeant communiste, Kim Jong-un supervisant un exercice militaire sans préciser la localisation, et la téléision d’Etat a prévenu publiquement le Conseil de Sécurité de l’ONU que “désormais la péninsule coréenne est en situation de guerre nucléaire imminente en raison des provocations des Etats Unis et de ses marionnettes sud-coréennes.”

Le régime de Pyongyang a mis ses troupes en ordre de combat, et pointé ses missiles vers les bases americaines du Pacifique et sur le continent. La réthorique belliciste est reprise en choeur par la population :

“Comment ces loups de Yankees osent-ils insulter la dignité de notre chef suprême? crie cet homme. L’armée nord-coréenne et le peuple sont totalement prêts. Quand notre respecté commandant suprême Kim Jong Un en donnera l’ordre, nous ferons bloc pour détruire les bastions des forces américaines et balayer tous les Yankees de la planète. “

Pour l’instant, les missiles de moyenne portée nord-coréens ne peuvent atteindre que les bases américaines au Japon et en Corée du Sud, mais le Pentagone va renforcer la défense antimissiles en plaçant 14 intercepteurs supplémentaires en Alaska d’ici 2017.

A Washington, les menaces de Pyongyang ont été prises au sérieux.

Patrick Ventrell, porte parole du Département d’Etat:
“L’amérique a l’entière capacité de se défendre et de défendre ses alliés contre une attaque de la république nord coréenne, et nous defendrons avec fermeté la Corée du sud et le Japon.”

Cette poussée belliqueuse coïncide avec le troisième anniversaire du naufrage de la corvette sud-coréenne Cheonan. Séoul accuse Pyongyang d’avoir torpillé le navire, provocant la mort de 46 marins. La Corée du Nord a toujours nié son implication, et dirigé ses foudres contre la présidente sud coréenne Park Geun-Hye en l’engageant je cite à “tenir sa langue”, après que celle-ci a déclaré : “La Corée du Nord doit abandonner ses armes nucléaires, ses missiles, ses provocations et ses menaces, et devenir un membre responsable de la communauté internationale. C’est la seule façon pour le Nord de pouvoir survivre. “

Dialogue de sourd, le troisième test nucléaire effectué par Pyongyang le 12 février a encore jeté de l’huile sur le feu, provoquant de nouvelles sanctions de l’ONU , qui visiblement ne servent à rien…

Trois questions à la journaliste Juliette Morillot

Juliette Morillot, bonjour, vous êtes journaliste à la Revue, un mensuel qui consacre son numéro qui sort aujourd’hui même au nucléaire iranien et nord-coréen. Vous êtes spécialiste de la Corée, vous y avez vécu. Les menaces du régime nord coréen, on y est habitués, notamment après chaque manoeuvre conjointe entre Etats-Unis et Corée du sud, mais les menaces directes à l‘égard de l’ennemi américain, c’est assez nouveau n’est ce pas ?

Juliette Morillot:
Oui, c’est vrai que c’est nouveau. Cette façon qu’a la Corée du nord depuis des années d’alterner les phases de provocations et les phases d’apaisement – moment pendant lequel la Corée accepte généralement sur l’initiative de la Chine de retourner à la table des négociations a 6 sur la dénucléarisation de la péninsule – alternent régulièrement. Mais là on peut vraiment dire que ça monte d’un cran. D’une part parce que c’est un nouveau dirigeant, que dans la région tous les dirigeants sont nouveaux : vous avez une nouvelle équipe en Chine, vous avez une nouvelle présidente en Corée du sud, vous avez également un nouveau Premier ministre au Japon, donc il est important pour Kim Jong-Un de marquer sa position. Mais ça monte d’un cran également parce que Kim Jong-Un sait très bien utiliser les médias et qu’il a vraiment, je vous le répète, besoin d’assoeir son pouvoir. Il est donc allé très très loin… Reste à savoir si on ne risque pas un accrochage.

Euronews:
La Corée du nord est totalement isolée sur le plan international, même la Chine, dernier allié économique hausse le ton. Que cherche le régime de Kim Jong-Un?

Juliette Morillot:
Pour la Chine, cet allié qui est finalement extrêmement turbulent la met dans un embarras extrême, parce que la Chine aimerait s’aligner aux nations internationnales, mais elle ne laissera pas tomber la Corée du Nord qui est quand même son alliée historique. D’autre part, la Corée du nord ne se laissera pas dicter quoi que ce soit par la Chine. Je pense que la Chine peut intervenir et probablement modérer les éclats de Kim Jong-Un, mais elle ne pourra pas rien dicter au régime de Pyongyang.

Euronews:
Mais qu’a t-il à gagner, Kim Jong-Un, avec ces provocations?

Juliette Morillot:
Le but est double. Il est d’une part destiné à la Corée du nord, c’est à dire un but interne, c’est à dire que un an après le décès de Kim Jung-Il, Kim Jong-Un, le nouveau jeune leader, doit assoeir son pouvoir et réunir son peuple derrière un projet commun en l’occurrence la lutte contre l’impérialisme américain.

Vis à vis du monde, Kim Jung-Un utilise finalement de façon assez fine le statu quo qu’il y a dans la région et veut un dialogue bilatéral avec les Etats Unis.

Quand je vous parle de ce statu quo, c’est pour dire que personne au fond n’a vraiment intérêt à ce que la Corée se réunifie. La Corée du sud à l’exemple de l’Allemagne ne veut pas une perte de son niveau de vie, la Chine finalement n’aurait pas envie d’une Corée réunifiée, nucléarisée et démocratique à ses portes, le Japon ne voudrait pas non plus d’une Corée réunifiée sur la base d’un sentiment anti-nippon. Quant aux Etats Unis, il ne faut pas oublier que face à la montée en puissance militaire de la Chine, ils ne souhaitent pas non plus perdre les postes qui sont aujourd’hui visés, c’est à dire leurs bases à Okinawa, à Guam et aussi en Corée du sud. Et donc Kim Jong-Un atise tous ces élèments et joue de ce statu quo. C’est une sorte de jeu de dupes international.

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