Interview d'Anibal Cavaco Silva, président du Portugal

Interview d'Anibal Cavaco Silva, président du Portugal
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Par Michel Santos
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Le Portugal traverse actuellement l’une de ses plus graves crises économiques. Après deux années consécutives de récession, il a enregistré une contraction de 4% au premier trimestre 2013, par rapport à la même époque en 2012. Un cas exemplaire dans une Europe décimée par la crise. Le président portugais, Anibal Cavaco Silva, a accordé un entretien à Euronews pour évoquer cette crise qui secoue l’Europe.

Michel Santos, Euronews:

M. le président, vous suivez la construction européenne de très près. Quelles sont les causes de la situation actuelle?

Anibal Cavaco Silva, président du Portugal:

Nous sommes dans une situation où notre dette extérieure était bien trop importante étant donné la facilité avec laquelle notre pays, nos banques et nos entreprises installées dans la zone euro empruntaient, ce qui a conduit les familles à massivement s’endetter. Nous sommes parfois tentés de dire que la crise vient des Etats-Unis et que la première réaction des autorités européennes n’a peut-être pas été la plus réaliste. Au début, les pays européens ont cru bon d’adopter des plans de relance massifs, en d’autres termes, augmenter leurs dettes. C’est seulement plus tard qu’on a réalisé que plusieurs d’entre eux auraient dû limiter leurs emprunts.

Michel Santos, Euronews:

Vous pensez que l’Union européenne n’a pas su gérer la crise?

Anibal Cavaco Silva, président du Portugal:

Je dirais que l’Union européenne, maintenant, c’est indéniable, n’a pas su favoriser la croissance et relancer la création d’emplois. Quelque chose s’est brisé dans la politique économique globale de l’UE mais aussi dans les politiques économiques de ses Etats membres.

Michel Santos, Euronews:

Le Fond monétaire international (FMI) a récemment publié un rapport qui relève des erreurs importantes dans le premier plan de sauvetage de la Grèce.

Anibal Cavaco Silva, président du Portugal:

Il est temps de repenser le concept de troïka, sa composition et son rôle pour mettre en oeuvre les plans de sauvetage. C’est une opinion personnelle que nous devrions considérer si les décisions n‘étaient pas exclusivement prises par les institutions européennes, que ce soit la surveillance ou les ajustements, parce que les objectifs de l’UE sont très différents de ceux du FMI.

Michel Santos, Euronews:

Quelles sont les décisions qui pourront redonner de la crédibilité au projet européen?

Anibal Cavaco Silva, président du Portugal:

Tout d’abord, il faut répondre au problème majeur: le chômage. Un programme de lutte contre le chômage des jeunes a été mis en place. Ensuite, l’UE a besoin de nouveaux outils, les outils actuels ne permettent plus de répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain. C’est pourquoi, il est important de créer une Union économique et monétaire. Et le plus important, pour moi, c’est l’Union bancaire car cela contribuerait à améliorer le financement des entreprises dans différents pays de l’UE, en particulier ceux de la zone euro.

Michel Santos, Euronews:

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Est-ce que les plans de sauvetage de la troïka devraient être appliqués à l’aveugle, sans penser aux répercussions sur les gens et en négligeant les conséquences économiques?

Anibal Cavaco Silva, président du Portugal:

Je pense que c’est en train de changer depuis que des ajustements ont été faits dans le programme. Comme vous pouvez le confirmer, on a donné plus de temps pour réduire les déficits, au Portugal par exemple, et ailleurs, en France et en Espagne. Il faut reconnaître que, par certains côtés, les choses changent dans les institutions européennes et les Etats membres. Les plans de sauvetage ne peuvent éluder les questions prioritaires de la croissance et de l’emploi. Dans le cas contraire, il y aurait un fossé grandissant entre les citoyens européens et leurs dirigeants. C’est une source d’inquiétude à l’approche des élections de 2014.

Michel Santos, Euronews:

Au Portugal, presque toutes les couches de la société réclament la démission du gouvernement. Vous donnez, bien sûr, la priorité à la stabilité, une tâche très difficile. Votre soutien politique est-il sans limites?

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Anibal Cavaco Silva, président du Portugal :

Le président portugais ne gouverne pas et il n’est pas responsable ou co-responsable de la politique du gouvernement. Celui-ci doit rendre des comptes devant le Parlement. Le manque de confiance à l‘égard du président n’est pas une raison pour que le gouvernement démissionne. Le président peut dissoudre l’Assemblée nationale, mais comme vous le savez, au Portugal, ce pouvoir est surnommé la “bombe atomique” et ce type d’armes n’est pas utilisé à la légère. Mon rôle est d’observer la situation portugaise et je crois, d’après toutes les informations dont je dispose, que si le Portugal devait traverser une autre crise politique, nous serions dans une situation plus grave que celle que nous vivons actuellement.

Michel Santos, Euronews:

C’est une question que les Portugais posent souvent. Au regard de l‘état désastreux dans lequel se trouve le Portugal sur les plans économique et financier et de la gestion ruineuse des compagnies publiques, on ne voit pas beaucoup de personnes responsables, rendre des comptes devant la justice. Pourquoi? Y a-t-il un problème avec le système judiciaire?

Anibal Cavaco Silva, président du Portugal:

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Je pense que cette idée ne peut pas être généralisée. Bien sûr, nous sommes en train d’améliorer le système, notamment dans l’accélération des procédures. D’après un récent sondage d’opinion, plusieurs entrepreneurs estiment que le système judiciaire est juste. Je pense donc que ce que vous dites n’est pas correct. La vie publique au Portugal est tout à fait transparente.

Michel Santos, Euronews:

Mais il y un sentiment d’impunité à l‘égard de certains dirigeants …

Anibal Cavaco Silva, président du Portugal:

Pouvez-vous me donner un seul exemple? Le généraliser, c’est très différent. Ceux qui dirigent le Portugal sont heureusement observés en permanence par les médias et l’opinion publique. Je doute que cela soit autant le cas dans les autres pays.

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Michel Santos, Euronews:

Si vous pouviez revenir à l‘époque où vous étiez Premier ministre, est-ce que vous changeriez quelque chose à votre politique?

Anibal Cavaco Silva, président du Portugal:

Je pense qu’en ce qui concerne l’adhésion du Portugal dans l’Union européenne, les 10 premières années ont non seulement consolidé notre démocratie mais elles ont aussi contribué au développement de notre pays. Saviez-vous qu’un portugais avait un revenu moitié moins important que la moyenne européenne? 10, 15 ans après l’intégration, nous sommes passés à 75% du revenu moyen. Jamais dans notre histoire, nous n’avions connu une telle croissance sur une courte période.

Michel Santos, Euronews:

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Et pour le secteur agricole?

Anibal Cavaco Silva, président du Portugal:

C’est même ce dont je suis le plus fier. Parce que nous avons finalisé la réforme de la politique agricole commune. Avant, notre agriculture avait une productivité très faible, les fermiers avaient de faibles revenus. Aujourd’hui, le Portugal est autonome à 81%, nos fermiers se sont modernisés, grâce à cette nouvelle politique. Aujourd’hui, c’est un secteur qui connaît la croissance dans l‘économie portugaise.

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