Dénoncer l'esclavage

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Par Euronews
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Le cinéma s’est plus d’une fois essayé à dépeindre l’histoire de l’esclavage. Recourir à des images chocs est une façon parmi d’autres d’informer les jeunes, mais quid des écoles et des expositions ? Sont-elles à la hauteur quand il s’agit d’enseigner ce passé honteux ? Comment transmettre au mieux le message aux générations futures ? Un sujet délicat au menu de Learning World.

Guadeloupe : un sujet tabou

Après des années de déni, les territoires d’outre-mer commencent à revisiter leur passé. Dans les années 80, il avait été décidé que la traite des noirs pourrait être enseignée localement. Mais ce chapitre n’était pas obligatoire. Ce n’est qu’en 2001, grâce à la loi Taubira, que les choses ont commencé à changer. Cette loi a reconnu l’esclavage comme un crime contre l’humanité et l’a intégré au programme national d’histoire.

“Pendant très longtemps, cette histoire a été mal enseignée, ou pas du tout enseignée, donc on a gardé, si vous voulez, une sorte de fantasme autour de certaines considérations sur la question de l’esclavage et souvent on a à faire face à une génération de grands-parents qui ont beaucoup de mal à remettre en question peut-être certaines conceptions qu’ils avaient sur cette question de la période esclavagiste en Guadeloupe,” explique Christelle Popotte, enseignante au collège Michelet de Pointe-à-Pitre.

Le programme national est ici enrichi par l’histoire locale, pas toujours maîtrisée par les professeurs. D’où l’importante des formations.

“Nous avons droit à de nombreux stages de formation qui permettent de recentrer les savoirs universitaires autour de cette question qui reste quand même sensible, poursuit Christelle Popotte. Donc l’enseigner c’est être au fait des dernières avancées historiques et être capable de transmettre ces informations à un public scolaire en cassant le caractère affectif attenant à cette période de l’histoire en Guadeloupe.”

La loi Taubira a encouragé les études et recherches locales et la publication d’un manuel d’histoire des Antilles. Contrairement à d’autres périodes de l’histoire plus documentées, l’enseignement de l’esclavage progresse au même rythme que la recherche. Conséquence : des approches variées d’une école à l’autre, et de grandes difficultés à prendre du recul.

Sénégal : de l’asservissement de l’homme par l’homme

Au large de Dakar, au Sénégal, l‘île de Gorée évoque les heures les plus sombres de la traite des noirs. Son musée, la Maison des esclaves, rappelle qu’elle était la dernière escale africaine des négriers en partance pour les Amériques. Si son rôle exact ne fait pas l’unanimité chez les historiens, l‘île reste un symbole fort du commerce triangulaire et est classée, à ce titre au patrimoine de l’UNESCO.

Abderrahmane Ngaidé, est enseignant-chercheur à l’Université de Dakar. Il a tiré des leçons utiles de la période esclavagiste dans son pays et s’emploie à les transmettre à ses étudiants.

“Gorée représente un symbole de quelque chose de traumatique que le continent tout entier a vécu. Donc si on maintient ce symbole vivant, il y a de fortes chances qu’on puisse transmettre une histoire qui s’est déroulée. Même si elle est traumatique, c’est une séquence de notre histoire qu’on doit assumer,” affirme-t-il.

“Si on y va par le côté sentimental,on perd la leçon qu’on pourrait tirer de l’histoire de l’esclavage. Si on y va avec le côté de la réflexion, on va comprendre que nous sommes obligés de l‘étudier, pas pour réveiller des sentiments, mais pour faire comprendre à une partie de l’Humanité qu’il s’est passé quelque chose d’horrible dans l’Histoire,” explique-t-il.

“Ce n’est pas pour réveiller le sentiment de haine, ou le sentiment d’infériorité, ou le sentiment de supériorité, que l’on enseigne l’esclavage. Non, ce n’est pas ça ! Ca signifie tout simplement : connaître une partie de notre histoire. Et ce n’est pas une histoire spécifique aux Noirs, c’est une histoire mondiale. Donc il faut l’apprendre, puisqu‘à un moment donné, ça a été le pilier du commerce et du développement d’une industrie extrêmement importante, dont les produits étaient dispersés à travers le monde,” rappelle-t-il.

“D’où le rôle très important de l‘éducation. Il faut en parler, dans le supérieur par exemple, pour en discuter de manière ouverte et dire que c‘était une institution qui faisait partie de nos activités, mais qu’elle ne doit plus exister au point que l’individu issu de cette communauté soit marginalisé dans l’exercice du politique ou l’accès à un droit.”

France : le commerce de la honte

Au XVIIIème siècle, Nantes était le premier port négrier de France. Sur les quais de la Loire, près de 450.000 esclaves, hommes, femmes et enfants, ont été embarqués vers les colonies d’Amérique. Un passé peu glorieux que la ville a longtemps occulté.

L’an dernier cependant, Nantes a inauguré un des premiers mémorials dédié à l’abolition de l’esclavage.

Marie-Hélène Jouzeau, directrice du Patrimoine et de l’Archéologie à la Mairie de Nantes explique : “ il y avait une maladie de la mémoire à Nantes, une occultation volontaire ou non, consciente ou non, qui a fait que jusqu’aux années 1980, on a tu cette histoire. Et donc, il était très important en ce début de XXIème siècle, de marquer fortement, matériellement, la présence de cette mémoire dans la ville. Et que le mémorial devienne aussi un lieu de dialogue.”

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Certains citoyens ont décidé de faire encore plus, comme Dieudonné Boutrin. Avec son association, il veut reconstruire à l’identique un bateau négrier du XVIIIème siècle, un bateau pédagogique. Il décrit son projet : “ on a imaginé de reconstruire un bateau négrier, du fait qu’il n’y a plus de bateaux négriers dans le monde. Il y en avait des milliers. Pour justement rendre l’histoire plus abordable, plus compréhensible, plus palpable. C’est à dire que si tu ne peux pas aller à l’histoire, l’histoire viendra à toi. Ce bateau, il va naviguer, relier des continents, et ramener d’autres valeurs à l’Afrique. C’est à dire faire le commerce triangulaire à l’envers.”

Nantes a donc décidé de faire face à son histoire. Beaucoup de villes européennes n’ont pas encore fait ce travail, notamment au Portugal. Signe que ce passé esclavagiste reste encore extrêmement difficile à assumer.

Si vous souhaitez témoigner sur la façon dont l’histoire de l’esclavage est enseignée, n’hésitez pas. Rendez-vous sur les réseaux sociaux ou sur notre hastag Twitter, LEARNWORLD.

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