Romano Prodi : "l'Europe a somnolé pendant la crise"

Romano Prodi : "l'Europe a somnolé pendant la crise"
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Par Euronews
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Rencontre avec Romano Prodi, l’ancien président du Conseil italien et ancien président de la Commission européenne.
Défenseur d’un rapprochement avec l’Ukraine, il livre à euronews sa vision d’une Europe élargie.

Giovanni Magi, euronews :
Pour rendre l’action de l’Union européenne plus efficace, il faut faire des progrès sur le chemin de l’union politique. Est-ce un objectif réaliste, selon vous ?

Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne :
A long terme, cette union est nécessaire pour notre survie. A court terme, l’union politique est difficile à réaliser. Il y a eu beaucoup de tensions, puis la crise et le débat sur l’euro, l’Europe est largement divisée à l’heure actuelle.
Ce n’est pas quelque chose de nouveau, dans le passé, nous avons eu la politique de la “chaise vide” de la part de la France – l’un des pays fondateurs de l’Europe – donc je ne suis pas pessimiste. Cependant, nous devons nous montrer patients et il faut comprendre qu’aucun pays européen n’est assez grand, même pas l’Allemagne, pour jouer, seul, quelque rôle que ce soit dans cette nouvelle mondialisation, qui est si impressionnante.

Giovanni Magi, euronews :
Dans beaucoup de pays, on observe une résurgence de l’euro-scepticisme, envers l’Union européenne et aussi envers sa monnaie unique. Est-ce le résultat de la crise économique récente ou faut-il y voir autre chose ?

Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne :
C’est une conséquence que la crise économique récente a mise en lumière. Mais elle découle du fait que lorsque nous avons créé l’euro, nous avons établi des étapes spécifiques comme pilliers de défense de l’euro. C‘était très clair dans nos discussions : nous ferions cela, puis cela, et enfin cela. Et ensuite est arrivée l’Europe de la peur : peur de la mondialisation, peur des Chinois, peur – même à l’intérieur de l’Europe – du plombier polonais ! Et, à cause de tout cela, nous nous sommes affaiblis. Cette crise a mis en lumière ces faiblesses.

Giovanni Magi, euronews :
La gestion de la crise économique a été correcte, selon vous ?

Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne :
Correcte… et bien, si l’on considère que dormir, c’est une gestion correcte, alors oui ! A l’exception de la Banque centrale européenne, on n’a rien fait, on a somnolé. Nous nous sommes perdus dans d’interminables débats techniques sans s’attaquer au vrai problème de l‘âme de l’Europe, sans se pencher sur ce que nous faisons au niveau mondial. Donc, cette politique n’a pas été suffisante. Même pour l’aspect technique de la gestion de la crise. C’est-à-dire que lorsque la crise s’est déclarée, elle a touché les Etats-Unis, mais tout de suite, Obama a sorti 800 milliards de dollars, la Chine 585 milliards et l’Europe, elle, a mis des années, à s’interroger pour savoir si cela valait la peine de mettre quelques dizaines de milliards d’euros. Cela a donc vraiment mis en relief toutes les difficultés politiques que nous devons absolument surpasser et qui ne seront dépassées que lorsque nous sentirons le souffle de la nouvelle mondialisation sur la nuque, quand nous comprendrons qu’au final, nous sommes marginalisés.

Giovanni Magi, euronews :
Dans quels domaines d’intervention devrions-nous changer ou faire des progrès pour redonner confiance aux citoyens européens, pour rendre l’Europe plus populaire ?

Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne :
Une Europe populaire signifie d’abord, avoir un minimum le sens de la solidarité. Je ne parle pas de charité, je parle de solidarité interessée et intelligente. Je crois que, par exemple, la politique d’austérité imposée par une vision à court terme, ces derniers temps, n’a pas du tout aidé l’Allemagne. J’ai fait tous les calculs possibles et imaginables et j’en viens à la conclusion que l’austérité n’a fait que ralentir la croissance de l’Allemagne à un moment où elle pouvait être extrêmement forte.
Mais il faut également comprendre qu’avec 28 pays, vous ne pouvez plus espérer avoir une unanimité sur les décisions. C’est presque un contre-sens de vouloir prendre des décisions à l’unanimité quand on est 28. Donc, dans ce contexte, il est clair que pour retrouver la confiance des citoyens européens, on doit envoyer le message qu’on sait prendre des décisions, on ne doit pas se déchirer au premier problème venu seulement parce que nous avons de petites différences. Sinon, cela veut dire que le mode de gouvernance qui a été établi en Europe ne fonctionne pas pour une grande Europe.

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