Haine, gloire et vitriol à l'affiche du Bolchoï

Haine, gloire et vitriol à l'affiche du Bolchoï
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Par Joël Chatreau
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Le danseur du Bolchoï Pavel Dmitrichenko est tombé de haut quand il a été arrêté par la police russe le 5 mars dernier. Intégré au sein de la compagnie de ballet du célèbre théâtre de Moscou en 2002, il était à 29 ans à l’apogée de sa carrière après avoir tenu, comme premier soliste, de nombreux grands rôles de la danse classique. Pavel Dmitrichenko ne peut plus s’entraîner à la barre du Bolchoï mais il est passé à celle du tribunal.

Après plus de sept mois de détention provisoire, le danseur a comparu devant la justice dans la capitale russe. Son procès, qui avait commencé le 22 octobre, a fait ressortir toutes les rivalités, toutes les haines qui circulaient dans les coulisses.

Règlement de comptes à l'acide

Le coup de théâtre remonte au 17 janvier 2013. Ce jour-là, le directeur artistique du Bolchoï Sergueï Filine est attaqué en bas de son immeuble à Moscou. Il reçoit un jet d’acide en pleine face qui menace de lui faire perdre la vue. Hospitalisé pendant huit mois en Allemagne, il subira plus d’une vingtaine d’opérations aux yeux et au visage, dont une greffe de la peau. Sergueï Filine a tout de même repris son travail au Bolchoï en septembre dernier. Le directeur artistique a expliqué aux enquêteurs russes qu’il recevait régulièrement depuis deux ans des menaces par téléphone et par courriel. Il a directement accusé le danseur Pavel Dmitrichenko avec qui il avait souvent des conflits.

Le premier soliste n’a pas nié. Il a bien remis une somme équivalente à 1.200 euros à un homme de main connu des services de police pour agresser le directeur artistique, mais il a expliqué aux juges qu’il était seulement convenu de le frapper. L’agresseur a pour sa part un raisonnement déconcertant, expliquant que “s’il avait commencé à donner des coups à Sergueï Filine, il aurait pu le tuer”, alors il a préféré l’asperger d’acide ! Les deux hommes, ainsi qu’un complice qui a servi de chauffeur, se sont retrouvés sur le même banc des accusés, poursuivis par la justice russe pour “blessures volontaires préméditées”.

A couteaux tirés derrière le rideau

Le mobile semble plutôt reposer sur les ambitions contrariées et les rancoeurs tenaces au sein du Bolchoï que sur des histoires financières. Pavel Dmitrichenko avait des altercations fréquentes avec le directeur artistique Sergueï Filine sur ses choix de mises en scène, et le dernier épisode que le danseur n’avait pas digéré, c‘était que sa compagne, la ballerine Angelina Vorontsova, se voit privée du rôle principal d’Odette dans “Le Lac des Cygnes” de Tchaïkovski. Le professeur de Vorontsova, le danseur étoile Nikolaï Tsiskaridzé, autre “ennemi intime” de Filine, n’avait pas apprécié non plus, et ne s‘était pas gêné pour le lui dire haut et fort. Ambiance, ambiance dans le prestigieux théâtre moscovite !

Plus de 300 artistes du Bolchoï avaient pris fait et cause pour le danseur Dmitrichenko dans une lettre adressée au président russe Vladimir Poutine. Les autorités ont fait le ménage à leur manière en limogeant le directeur du théâtre en juillet dernier, mais le danseur étoile Tsiskaridzé avait été renvoyé un mois plus tôt.

Pavel Dmitrichenko a souvent interprété les rôles de “méchants” du répertoire classique, celui du sorcier Von Rothbart dans “Le Lac des Cygnes”, celui de Tybalt, le cousin de Juliette qui déteste Roméo, dans “Roméo et Juliette”, et plus récemment, l’année dernière, celui d’Yvan le Terrible. Son tout dernier rôle, le plus mauvais, l’a entraîné dans un camp de travail.

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