Drogues : quelles politiques pour le Royaume-Uni ?

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Par Euronews
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Le dernier chiffre des dépenses publiques planifiés pour les drogues est estimé à 1,3 milliards d’euros. La dépense a diminuée d’au moins 0,5%...

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Au Royaume-Uni, les dernières estimations des dépenses publiques planifiées pour les drogues est estimé à 1,3 milliards d’euros, une somme qui a diminuée d’au moins 0,5%.

Les dépenses non planifiées pour les drogues (incluant les coûts de l’application des concernant les infractions, des crimes, de santé, de l’emploi de personnel des services sociaux, des prestations sociales liés à la drogue) est estimé à 7,5 milliards d’euros, dont 70% est censé couvrir les dépenses liées aux forces du maintien de l’ordre.

L‘étude la plus récente sur les dépenses liées à la drogue au Royaume-Uni fait, elle, état d’un coût total du de 8,8 milliards d‘euros, dont 42% de dépenses “proactives” et 58% de dépenses “réactives”. Les dépenses liées à la drogue représentent donc 1,1% de l’ensemble des dépenses publiques dans les services et 0,49% du PIB.

Les lois britanniques sur le contrôle de l’utilisation des drogues sont notoirement compliquées. La loi “Misuse of Drugs Act” contrôle l’offre et la consommation des drogues médicales ainsi que celles sans visée thérapeutiques. Les drogues sont divisées en trois classes (A,B,C). La loi définit une série de délits, y compris l’approvisionnement illégal, l’intention de se fournir en drogue, l’achat et la vente (délits de trafic) ainsi que la production illégale.

La loi interdit aussi la possession illégale. Elle autorise la police à interpeller et fouiller une personne s’il y a “une présomption raisonnable” qu’elle est en possession d’une drogue contrôlée (un produit soumis à la loi sur l’abus de l’usage des drogues).

C’est une politique controversée accusée de créer des disparités raciales dans l’application de la loi.

Une étude menée conjointement par Release (une fondation caritative et centre national d’expertise sur les questions des drogues et des lois sur les stupéfiants) et la London School of Economics (LSE) a aboutit précisément à ces conclusions :

« La lutte contre les drogues est dominée par le système des interpellations et des fouilles. Une grande partie de cette activité est centrée sur des inculpations de personnes possédant très peu de drogue. Les noirs et les asiatiques sont ciblés de manière disproportionnée. »

Le directeur de la presse et le co-auteur du rapport final, Niamh Eastwood a déclaré :

« Notre étude montre que le système des interpellations et des fouilles n’a pas pour finalité de trouver des armes ou des couteaux mais plutôt de donner la possibilité à la police d’aller sur le terrain et de chercher activement des personnes en possession de faibles quantités de drogue, principalement du cannabis. »

D’après, ce rapport, les polices anglaise et galloise arrêtent et fouillent quelqu’un à la recherche de drogue toutes les 58 secondes.

Plus d’un demi-million d’interpellations et de fouilles pour stupéfiants ont été effectuées en 2009-2010 mais seulement 7% se sont terminées par une arrestation.
La consommation de drogues est moins importante chez les noirs et les asiatiques que chez les blancs. En revanche, les noirs et les métisses sont deux fois plus interpellés et fouillés que les blancs. Les asiatiques sont contrôlés 2,5 fois plus que les blancs.

Les résultats de l‘étude Release-LSE montrent d’indéniables disparités dans la manière dont la police intervient auprès de différent types de population en matière de drogues.

Interprétés littéralement, ces résultats démontrent aussi que des différences de traitement en cas de possession, des inculpations différentes et même des condamnations différentes pour des faits similaires.

Michael Shiner, co-auteur du rapport et maître de conférences au sein du département des politiques sociales à la LSE, accuse la politique menée et la pression qui est faite sur les policiers de faire du chiffre d‘être la cause de ces « chiffres choquants » :

« Il est scandaleux que les officiers de police passent plus de temps à cibler les délits mineurs de stupéfiants qu‘à se concentrer sur des affaires plus sérieuses. Ce n’est pas le résultat d’une stratégie mûrement réfléchie mais la conséquence involontaire de réformes qui ont créé une organisation perverse, qui incite les policiers à privilégier les prises faciles plutôt que de faire un vrai travail d’officier de police. »

« Les noirs sont plus susceptibles d’avoir un casier judiciaire que les blancs ; ils sont plus susceptibles d’être poursuivis en justice et ils courent plus de risques de se voir infliger une amende ou d‘être emprisonnés pour des délits de stupéfiants que les blancs non pas parce qu’ils auraient plus tendance à consommer des drogues mais à cause de la manière dont la police les traite. »

Shiner considère la dépénalisation de la possession de stupéfiant comme la solution aux « interpellations et fouilles inutiles de centaines de milliers d’innocents chaque année ».

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Le quotidien britannique The Independant qui s’est fait l‘écho de ses appréciations à plusieurs reprises, a même publié un éditorial sur ce thème, sous le titre : « Le temps est venu de dépénalisé toutes les drogues ». Dans cet article, Shiner expose ses arguments et ceux de ses confrères pour une « dépénalisation rapide de toutes les drogues » estimant que « les individus devraient être libres de leurs choix tant que cela ne nuit pas aux autres. »

Entre 2007 et 2012, la Commission britannique de lutte contre les drogues (UK Drug Policy Commission) a mené l‘évaluation de la politique britannique sur les stupéfiants.
L’objectif de cet examen était double : fournir une analyse indépendante et objective de la politique menée et s’assurer que ses conclusions seraient prises en compte par les gouvernements du Royaume-Uni lors des réexamens des politiques sur les drogues mais aussi par les médias et le public afin d’encourager un débat le plus large et le plus sérieux possible.

L’analyse a montré que les pays du Royaume-Uni étaient divisés sur le degré de contrôle qu’ils souhaitaient vis-à-vis de la politique sur les drogues. En Ecosse, par exemple, 68% des députés veulent plus de contrôle. C’est un peu plus partagé au sein de l’Assemblée galloise, avec 44% pour plus de contrôle et 48% contre.

Les résultats de cette analyse sont les suivants :

  • Peu de preuves corroborent une influence positive de la politique menée sur le nombre de consommateurs de drogues et la part de ceux qui sont dépendants.
  • Il ne faudrait pas se fonder sur les chiffres de la consommation des drogues pour évaluer la politique d’un pays sur les stupéfiant.
  • Le gouvernement doit plus se concentrer sur la réduction des risques en améliorant les services de réduction des risques.
  • Infliger de longues peines de prison aux délinquants pour des infractions sur les stupéfiants ne semble pas efficace.
  • Le Royaume-Uni investit relativement peu dans l’évaluation indépendante de l’impact des politiques sur les drogues, en particulier sur son application. Cela doit être corrigé.

Bien que l’analyse n’aborde ni la question de la discrimination ni celle de la dépénalisation des drogues, elle reconnaît que des changements doivent être apportés à la politique existante et suggère que des sommes y soient allouées.

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Un sondage a été mené auprès de la classe politique. Il en ressort que ce sentiment est partagé par les hommes politiques interrogés.
A la question « Les politiques actuelles sont-elles efficaces pour traiter les problèmes liés aux stupéfiants ? » un peu plus de 60% d’entre eux répondent que non. La majorité des députés travaillistes (83%) et des députés de la coalition (69%) interrogés sont d’accord avec la phrase suivante : « L‘élaboration des politiques en matière de stupéfiants au Royaume-Uni devrait plus s’appuyer sur des faits et la recherche qu’à l’heure actuelle. »

En revanche, contrairement aux opinions exprimées dans le quotidien The Independant et par la fondation Transform Drug Policy Foundation (TDPF), une minorité d’hommes politiques (entre un quart et un tiers) sont partisans d’une modification des lois actuelles sur la drogue afin que la détention de petites quantités de drogues, pour le moment illicites, pour un usage personnel ne soit plus considéré comme un délit.

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