Suisse : L'initiative 1:12, référendum sur le plafonnement des salaires des patrons

Suisse : L'initiative 1:12, référendum sur le plafonnement des salaires des patrons
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Par Marie Jamet
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Les Suisses votent dimanche pour limiter les salaires des patrons. Un sujet qui a été débattu pendant la campagne électorale française et que l’on imaginait mal venir des Suisses, pays que l’on imagine plutôt obligeant avec l’argent.

Et pourtant. La votation du 24 novembre porte sur l’encadrement des rémunérations des dirigeants d’entreprises : elle inscrirait dans la constitution fédérale suisse qu’un patron ne puisse pas gagner plus de douze fois le salaire du plus mal payé de ses salariés.

L’initiative populaire 1:12 Pour des salaires équitables a été portée par la Jeunesse socialiste suisse (JS), qui a réuni les 100.000 signatures nécessaires pour permettre l’organisation d’une votation nationale. Elle est soutenue par des partis politiques de gauche, Socialistes et Verts en tête, ainsi que des syndicats.

Aussi étonnante qu’elle puisse paraître vue de France, cette initiative n’est pourtant pas si incongrue en Suisse où elle fait suite à celle contre les rémunérations abusives lancée au mois de mars par Thomas Minder, chef d’entreprise et conseiller d’Etat.

Cette première initiative ne concernait que les sociétés cotées en Bourse en Suisse et donnait le pouvoir aux actionnaires de fixer les rémunérations des hauts dirigeants d’entreprises. Elle avait été adoptée à plus de 67% des voix.

“Au cours des dix dernières années, une petite partie de la société s’est emparée de la plus grosse partie des bénéfices alors que la majorité (…) avait moins d’argent dans les poches”, justifie le président de la JS, David Roth.

C’est déjà ce sentiment d’injustice sociale qui avait fait émerger l’initiative contre les rémunérations abusives. Thomas Minder avait été choqué en 2001 par l’attitude des dirigeants de Swissair qui s’étaient octroyés de juteux salaires alors que l’entreprise faisait faillite.

Le sauvetage de la banque UBS suite à la crise des subprimes a aussi profondément marqué les Suisses. Une banque qui n’a pas assumé les risques pris et chez qui le PDG Andrea Orcel touche un salaire des centaines de fois supérieur à celui de ses salariés les plus bas dans la grille salariale. Et la colère contre UBS continue d’être alimentée : les partisans de l’initiative 1:12 rappelle qu’UBS a payé en 2012 un total de 2,5 milliards de francs suisses (2 milliards d’euros) en bonus alors qu’elle annonçait dans le même temps 2,5 milliards de francs suisses de pertes.

Autre affaire : début 2013 Daniel Vasella, président de Novartis se voit proposer un parachute doré de 72 millions de francs suisses (58 millions d’euros) pour son départ à la retraite. Il y renoncera face aux critiques.

En 2010, les 10% des salariés helvétiques ayant les plus faibles revenus gagnaient moins de 4 000 francs (3 242 euros) par mois, selon l’Union syndicale suisse. Sur cette base, si la loi sur l’encadrement des rémunérations était adoptée, les salaires les plus élevés seraient en théorie plafonnés autour de 576 000 francs suisses par an (environ 465 000 euros).

Pour ses opposants, une telle mesure, si elle venait à être adoptée, menacerait l’attractivité de la Suisse alors même que le secret bancaire qui a fait une partie de sa fortune est régulièrement attaqué par ses partenaires et voisins.

Ivan Glasenberg, directeur général de Glencore, géant du négoce de matières premières, a déclaré au journal SonntagsZeitung que l’adoption du texte serait une catastrophe et contraindrait son groupe à quitter la Suisse. Il a lui-même touché un salaire de 1,5 million de dollars l’an dernier, auquel se sont ajoutés 173,5 millions sous forme de dividendes, pas concernés par le projet “1:12”.

Sur leur site, les opposants à l’initiative plaident aussi contre une intervention de l’Etat qui n’entraînerait que le chômage, « des hausses d’impôts et de cotisations pour tout le monde, l’instauration d’une surveillance de toutes les entreprises et une précarisation des personnes les plus faibles »

Les jeunes de l’UDC vaudois, un parti très à droite, militent contre l’initiative 1:12 avec la délicatesse visuelle de leur parti qui a déjà fait scandale dans le passé. Revendiquant des affiches volontairement taillées pour faire parler d’elles sur les réseaux sociaux, les jeunes UDC répondent tout d’abord à celles des jeunes socialistes. Ces derniers ont utilisé l’image d’un hamburger pour faire campagne pour le 1:12.

Les jeunes UDC répondent avec deux faucilles pour les traiter de communistes :

Sprint final pour voter NON à l'initiative 1:12. Dernière affiche aussi. #JUDC#UDC#1a12#CHVotepic.twitter.com/T3nsoJYKtn"

— Jeunes UDC Vaud (@JeunesUDCVaud) November 18, 2013

Autre affiche, une caricature d’un partisan de l’initiative :

Affiche JUDC "Déjà materné par l'État, il vote pour l'initiative 1:12" pic.twitter.com/wUJE8XismA

— Jeunes UDC Vaud (@JeunesUDCVaud) November 4, 2013

Ils avaient déjà utilisé une image similaire pour faire campagne contre le service militaire obligatoire :

Quel modèle de jeunesse voulons-nous? #22septembre#GSsA#votationspic.twitter.com/Q39uqYAlrZ

— Jeunes UDC Vaud (@JeunesUDCVaud) August 18, 2013

Pour entrer en vigueur, la proposition doit obtenir une majorité dans chacun des 26 cantons du pays comme à l‘échelle nationale. Une hypothèse peu probable : selon un sondage publié le 13 novembre, par gfs.bern, 36% des personnes interrogées se sont prononcées pour l’initiative alors que 54% étaient contre et 10% sans opinion.

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