Fralib : trois ans de lutte ouvrière contre le géant Unilever

Fralib : trois ans de lutte ouvrière contre le géant Unilever
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Par Marie Jamet
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Ils étaient 182 salariés de Fralib, filiale d’Unilever à Géménos près de Marseille en France, à produire les tisanes Eléphant pour le marché français et des thés Lipton, lorsque la multinationale décide en 2010 de fermer l’usine. C’était compter sans la détermination des salariés à sauver leur emploi : de grèves, à l’occupation de l’usine, à un projet d’entreprise ouvrière… voici trois ans que 77 salariés luttent contre Unilever.

En septembre 2010, Unilever annonce la fermeture de l’usine Fralib de Géménos, près de Marseille.
L’usine est officiellement fermée en septembre 2012, un an après l’arrêt des machines, lorsque la Communauté urbaine de Marseille rachète le terrain pour 5,3 millions d’euros et les machines pour 1 euro symbolique.
Durant ces trois ans, plans sociaux et procédures judiciaires et prud'homales se sont succédé.

Le directeur et le responsable des ressources humaines ayant quitté leur poste, c’est le directeur des ressources humaines d’Unilever France qui a repris la gestion du dossier pour le compte de son ex-filiale. Unilever a annoncé le 22 octobre dernier qu'une quatrième procédure de licenciement allait être entamée. En effet, un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 28 février avait annulé le troisième plan de sauvegarde de l’emploi en raison d’irrégularités. Il sera mené avec le nouveau Comité d’Entreprise élu le 15 octobre et concernera les 182 salariés initiaux, c'est-à-dire aussi ceux qui avaient déjà accepté les offres de reclassement d'Unilever.

Que deviennent les salariés de Fralib en lutte ?
Toujours mobilisés, ils organisent le 18 janvier prochain une action citoyenne. Ils appellent au boycott des produits Unilever. Leur dernière journée de boycott national remonte au 7 décembre dernier.

Trois ans après la fermeture de l’usine des tisanes Eléphant et des thés Lipton, 77 des 182 salariés occupent toujours les locaux. Ils se battent à la fois contre les plans sociaux proposés par Unilever pour le compte de son ex-filiale et pour leur projet de reprise de l’activité en Scop (société coopérative de production) : une société dans laquelle les salariés sont les associés majoritaires et dans laquelle le dirigeant est élu par les salariés.

Ils souhaitent pouvoir produire de nouvelles tisanes à partir de produits provençaux et d’arômes naturels. Ils réclament à Unilever de leur céder ou de leur vendre la marque Eléphant, née il y a 120 ans à Marseille, et de leur assurer la sous-traitance d’un certain volume de production pendant cinq ans afin d’assurer la transition. Unilever, qui continue d’exploiter la marque Eléphant après en avoir délocalisé la production à Bruxelles (pour 90% selon la société de communication presse mandatée par Unilever) et en Pologne (10%), refuse catégoriquement et l’un et l’autre. Unilever détient la marque Elephant depuis plus de quarante ans (1972) et considère que le problème de surproduction qui a conduit à la fermeture de Fralib demeure et handicaperait aussi la nouvelle entreprise. Elle rejette un projet pour lequel elle estime qu’elle devrait tout payer sans être aux manettes.

La multinationale va jusqu’à démonter point par point ce projet ouvrier, dans un rapport commandé au cabinet Salustro. Elle juge faux les calculs faits par la société Progexa, mandatée par le CE pour évaluer leur Société Coopérative Ouvrière Provençale de Thés et Infusions (SCOP T.I). Le CE de Fralib a refait étudier ces conclusions par Progexa. Parallèlement, les salariés ont continué à affiner leur projet avec l’aide de l’Union Régionale des Scop. Ils ont notamment trouvé des partenaires de poids avec Yves Stunic ex-cadre chez Nestlé et Jean-Pierre Jouve, ex-dirigeant de Lustucru qui se disent prêts à s’engager.

Multiplier les actions

Pas encore licenciés et plus payés depuis le mois d’avril 2013, les salariés qui ont refusé les offres de reclassement proposées par Unilever se rendent tous les jours à l’usine et entretiennent les machines. En septembre, ils les ont même remises en marche afin de produire des boîtes de tisane au tilleul de Buis-les-Barronnies dans la Drôme provençale. Une production militante qui a été notamment vendue lors de la Fête de l’Humanité. Pour eux, leur Scop est un projet inscrit dans l’économie locale, favorisant les circuits courts. Ils souhaitent aussi utiliser des produits naturels, contrairement aux « vrai-faux » produits biologiques d’Unilever qui « exporte sa matière première depuis l’Amérique du Sud, réalisant un véritable tour de passe-passe du label bio » et utilise des arômes artificiels selon Oliver Leberquier, délégué syndical CGT.

Les ouvriers de Fralib se disent aujourd’hui amers de l’abandon du ministère du redressement productif et du président de la République : tous deux leur avaient apporté soutien et belles promesses. Arnaud Montebourg avait été jusqu’à envisager la réquisition de la marque Eléphant avant de devoir faire marche arrière. Olivier Leberquier admet qu’il peut être difficile d’agir pour le ministre mais se désole : « non seulement il ne fait rien, mais surtout il ne propose même pas ».

Reste la lutte : les appels aux boycott des produits Unilever, le maintien en état de l’usine, la production de quelques boîtes de tisane ou une chanson militante. Et les discussions à venir pour le nouveau plan de sauvegarde de l’emploi si celles-ci peuvent se tenir : les deux camps semblent encore très braqués. Unilever se plaint par la voix de son agence de communication de l’obstination des salariés à ne discuter que du projet de Scop ; les salariés de Fralib accusent Unilever de refuser de discuter et de ne proposer que « la prime à la valise ».

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