Reprise des pourparlers de paix à Chypre après deux ans d'interruption

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Par Euronews
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Les négociations entre Chypriotes-grecs et Chypriotes-turcs en vue d’une réunification de l‘île ont repris mardi à Nicosie après deux ans de suspension et avec pour catalyseur la future exploitation des réserves énergétiques au large de l‘île.

Le président de la République de Chypre Nicos Anastasiades (chypriote-grec) et le dirigeant de la République turque de Chypre Nord (RTCN, autoproclamée) ont entamé leur rencontre en fin de matinée dans les locaux de l’ONU, sur l’aéroport désaffecté de Nicosie, en présence de la responsable des Nations unies à Chypre, Lisa Buttenheim. L’aéroport se trouve dans la zone séparant les deux entités depuis la division de l‘île il y a près de 40 ans, consécutive à l’invasion turque menée en réaction à une tentative de coup d’Etat qui visait à la rattacher à la Grèce.

Les troupes turques occupent toujours le tiers Nord de Chypre, et seule la République de Chypre, qui contrôle la partie Sud, est reconnue internationalement alors que la RTCN est uniquement reconnue par Ankara. Le pays est ainsi entré divisé dans l’Union européenne en 2004, après l‘échec d’un premier accord de réunification largement approuvé lors d’un référendum par les Chypriotes-turcs mais rejeté par les Chypriotes-grecs. Des discussions poussives avaient repris en 2008, puis suspendues en 2012.

Après des mois d‘âpres discussions, les deux dirigeants se sont mis d’accord vendredi sur une feuille de route préparée par l’ONU fixant le cadre des pourparlers. La rencontre de mardi est essentiellement destinée à la ratifier. A la fin de la rencontre, Mme Buttenheim doit lire une déclaration conjointe des deux dirigeants établissant cette feuille de route qui pourraient eux aussi s’exprimer.

M. Anastasiades était accompagné de son négociateur en chef Andreas Mavroyiannis, qu’il a chargé de mener les discussions à venir. Jusqu‘à présent, les négociations chypriotes avaient toujours eu lieu entre dirigeants.

Plusieurs partis chypriotes-grecs ont exprimé leur opposition à la reprise des discussions. Mais M. Anastasiades a souligné vendredi que cet accord sur la feuille de route n‘était qu’une première étape. “Le plus dur reste à venir. Le communiqué commun ne constitue pas la solution au problème chypriote, mais il fixe les paramètres selon lesquels les deux communautés, mais aussi la Turquie, doivent avancer pour trouver une solution qui soit acceptée par les Chypriotes-grecs, sans ignorer les droits des Chypriotes-turcs”, avait-il expliqué. Selon des fuites dans la presse, le texte prévoit un référendum sur l’ensemble de l‘île en cas d’accord final.

Nouvelle donne avec le gaz

En 2012, les négociations de paix avaient été suspendues par les Chypriotes-turcs quand le gouvernement chypriote-grec a pris la présidence tournante de l’UE. La crise financière dans la partie chypriote-grecque a ensuite différé leur reprise.

Et la découverte de gisements énergétiques au large de l‘île, de même que près des côtes israéliennes, a changé la donne régionale et internationale, favorisant un certain optimisme quant à une possible avancée des pourparlers.

Pour Hubert Faustmann, professeur d’histoire et de sciences politiques à l’Université de Nicosie, il s’agit de “la plus grande opportunité pour la paix depuis 2004 en raison du pétrole et du gaz”. “Washington a mis beaucoup de poids dans ce dernier effort de paix parce que le gaz et le pétrole changent le jeu dans un contexte plus large (…). C’est une situation gagnant-gagnant pour tout le monde”, explique-t-il. Israël, qui réfléchit à exporter son gaz via un gazoduc passant dans les eaux chypriotes et la Turquie, ou à investir dans une usine de liquéfaction de gaz sur l‘île méditerranéenne, “ne donnera pas son gaz à Chypre à moins qu’il y ait une solution”, note M. Faustmann.

Les Etats-Unis, tout comme l’UE, qui pourraient profiter de ces ressources, souhaitent désamorcer une source de tension dans la région, la Turquie s’opposant à l’exploitation du gaz par Nicosie, arguant que les réserves appartiennent à l’ensemble des habitants de l‘île.

En outre, alors que le sud de l‘île, au bord de la faillite, a été contraint de recourir à un plan de sauvetage international aux conditions draconiennes, ces ressources énergétiques sont vues par beaucoup comme une planche de salut. Américains et Français ont annoncé leur appui à la relance du dialogue.

Chypre: 40 ans de divisions et de négociation

Rappel des dates-clés de Chypre, où les négociations reprennent mardi pour tenter de réunifier l'île coupée en deux depuis 1974, entre la République de Chypre (chypriote-grecque), membre de l'Union européenne, et la République turque de Chypre Nord, reconnue uniquement par Ankara.

  • 15 juillet 1974 : Coup d'Etat de la Garde nationale chypriote, qui souhaite un rattachement de l'île à la Grèce et renverse le président, l'archevêque grec-orthodoxe Makarios.
  • 20 juillet 1974 : Les troupes turques débarquent à Kyrenia (nord), officiellement pour protéger la minorité chypriote turque (moins de 20% de la population).
  • 23 juillet 1974 : Chute du régime des Colonels à Athènes et fin du putsch à Nicosie.
  • 30 juillet 1974 : La Turquie, la Grèce et le Royaume-Uni, garants de l'indépendance de Chypre, instituent une "zone de sécurité" sous le contrôle des Casques bleus déjà présents depuis 10 ans sur l'île et reconnaissent l'existence de deux administrations autonomes.
  • Août 1974 : L'armée turque prend le contrôle de 37% de l'île. Selon les autorités chypriotes-grecques, le conflit a fait 3.000 morts, 1.400 disparus et des dizaines de milliers de réfugiés.
  • Janvier 1977 : Le dirigeant chypriote-turc Rauf Denktash et Mgr Makarios s'accordent sur le principe d'un Etat fédéral bi-communautaire, bi-zonal et non aligné. Mais la mort de Mgr Makarios en août interrompt les négociations.
  • 1983 : Proclamation de la République turque de Chypre Nord (RTCN).
  • 1996 : L'armée turque prend le contrôle de 37% de l'île. Selon les autorités chypriotes-grecques, le conflit a fait 3.000 morts, 1.400 disparus et des dizaines de milliers de réfugiés.
  • 11 novembre 2002 : L'ONU remet un plan de paix aux deux parties.
  • Avril 2003 : Ouverture de premiers points de passage. Les Chypriotes de chacune des deux zones peuvent se rendre dans l'autre, pour une journée.
  • 24 avril 2004 : Les Chypriotes-grecs rejettent par référendum un plan de réunification piloté par l'ONU et largement approuvé par les Chypriotes-turcs.
  • 1 mai 2004 : La République de Chypre rejoint l'Union européenne.
  • 23 août 2004 : Rétablissement des échanges de marchandises entre le Nord et le Sud.
  • 4 octobre 2005 : Lancement des pourparlers d'adhésion de la Turquie à l'UE, vite freinées par le blocage du dossier chypriote et les réticences des Européens à ouvrir leurs portes à un grand pays en majorité musulman.
  • 3 septembre 2008 : Le président chypriote Demetris Christofias et le leader de la RTCN Mehmet Ali Talat relancent les discussions directes sur la réunification, après quatre ans d'impasse. Malgré des rencontres régulières entre M. Chrisofias et M. Talat puis son successeur Dervis Eroglu, le dossier n'avance pas.
  • 1er juillet 2012: La République de Chypre prend pour six mois la présidence tournante de l'UE. Les Chypriotes-turcs suspendent les négociations, déjà au ralenti. Les Chypriotes-grecs, accaparés par une grave crise financière, repoussent ensuite leur reprise.
  • 30 mai 2013 : Le président chypriote-grec, Nicos Anastasiades, élu en février, et M. Eroglu se retrouvent pour un dîner à l'invitation de l'ONU. Dans les mois suivants, les deux parties peinent à s'entendre sur une feuille de route pour les négociations.
  • 11 février 2014 : Après un accord sur la feuille de route, M. Anastasiades et M. Eroglu relancent les négociations dans la zone sous contrôle des Casques bleus.

(AFP)

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