Des Amérindiens en France : ils réclament la grâce pour Leonard Peltier

Des Amérindiens en France : ils réclament la grâce pour Leonard Peltier
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Par Joël Chatreau
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Leonard Peltier

- Nelson Mandela, vous connaissez ?
Evidemment !
Et Leonard Peltier, vous connaissez ?
J’avoue que non.
Mandela était de quelle nationalité ?
Sud-Africaine.
Peltier appartient au peuple Anishinaabe, ce qui signifie “Le peuple des origines”.
Je ne connais pas, et quel est le lien ?
Tous les deux prisonniers politiques, Nelson Mandela a été libéré après 27 ans de détention, alors que Leonard Peltier entame sa 39ème année en prison. L’ancien président d’Afrique du Sud faisait partie des grandes figures mondiales (Le Dalaï Lama, Rigoberta Menchu, Desmond Tutu) qui réclamaient haut et fort sa libération, mais il est mort avant de l’avoir vue.

Leonard Peltier est le plus vieux prisonnier politique dans le monde et on ne parle que très peu de lui. Il dit souvent : “Mon crime est d’être indien. Quel est le vôtre ?”

L’ancien leader de l’American Indian Movement a été condamné à deux peines successives de prison à vie le 2 juin 1977. Accusé des meurtres de deux agents du FBI dans la réserve indienne de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, il a toujours clamé son innocence. Leonard Peltier, qui aura 70 ans ce 12 septembre et dont la santé est chancelante, est à l’isolement au Pénitencier Fédéral de Canaan, en Pennsylvanie. Dès son transfert dans ce Quartier de Haute Sécurité en 2009, il a été frappé violemment par d’autres prisonniers. Il a refusé de dénoncer ses agresseurs et pour éviter une autre attaque – paradoxe le plus total – il a été placé en confinement avec notamment pour conséquence de ne recevoir qu’un seul repas par jour. Personne ne peut l’interviewer et il semble ne plus intéresser grand monde, alors comment mieux le connaître ? Comment savoir pourquoi il est enfermé depuis si longtemps ?

Li Lost Flower est LE bon contact. Elle est Sioux et Parisienne, c’est fou, non !? “Oui, assurait-elle à Euronews fin juin dernier, il y a deux indiens dans la ville, à Paris, mais ils sont au camping du Bois de Boulogne, le seul en pleine capitale”. Presque risible, ils sont sous un tepee, les Amérindiens ? Mauvaise blague, ils méritent un grand respect. David Hill et Klee Benally sont des amis fidèles de Leonard Peltier, comme lui militants de la première heure de l’American Indian Movement. Ils sont venus exprès en France pour parler de lui, pour plaider sa cause, pour crier à l’injustice dont il est victime. Ils l’ont fait à Saint-Nolff, en Bretagne, où ils étaient les invités du festival Mamm Douar. Ils ont aussi donné des conférences et concerts les 1er et 2 juillet à Paris.

Rencontre incroyable dans un bungalow du camping de Paris. David et Klee, qu’il me pardonnent ce terme familier, ont de “sacrées gueules”. Leur regard est “rempli” d’horizon, il est grave et doux à la fois. Leurs gestes sont mesurés, ils sont entièrement à l’écoute, et ils se livrent facilement.

David Hill est Choctaw, ces Amérindiens qui, dès la Première guerre mondiale puis pendant la Seconde, se sont servi de leur langue pour communiquer secrètement des messages de l’armée américaine. Il vit en Oklahoma et découvre la France pour la première fois. Il est l’un des principaux responsables de l’American Indian Movement et dirige le comité de défense de Leonard Peltier. Il a participé à la célèbre occupation de Wounded Knee, dans le Dakota du Sud, début 1973.

David Hill

David Hill : J’ai rencontré Leonard au cours de la marche “des traités non tenus” sur Washington, à l’automne 1972. Nous faisions partie des membres de l’American Indian Movement qui ont occupé le Bureau des affaires indiennes dans la capitale. Notre engagement commun a fait naître notre amitié.
Joël Chatreau : Comment va-t-il physiquement et moralement ?
DH : Depuis six mois, je lui rends visite chaque vendredi. Nous sommes inquiets car son état de santé se dégrade. Il souffre de diabète et ne reçoit pas assez de soins. Il a un oeil qui est presque mort, de l’arthrite et de gros problèmes de dents. Il est triste mais son mental reste bon, ainsi que sa mémoire. Il continue de s’inquiéter de la répression menée contre notre peuple et parle toujours de la stratégie à adopter, surtout pour lutter contre les multinationales qui pillent les soit-disant réserves indiennes en détruisant la nature pour le pétrole et maintenant pour le gaz de schiste.
JC : Garde-t-il espoir ?
DH : La spiritualité l’aide et il a encore l’espoir de sortir de prison malgré la corruption à tous les niveaux. Pour lui, une grâce prononcée par Barack Obama est possible mais le FBI (La police fédérale américaine) fait tout pour l’empêcher. L’ancien président, Bill Clinton, avait bien promis qu’il “n’oublierait pas Leonard Peltier”, et pourtant…Le Congrès National des Indiens d’Amérique a voté une résolution pour réclamer sa libération il y a deux ans et l’a transmise à Barack Obama. Depuis, rien…Pour trouver de bons avocats et faire réviser le procès, il nous faudrait au moins 250 000 dollars. C’est totalement hors de portée pour nous.
JC : Leonard Peltier reste dans le collimateur du FBI ?
DH : Le message n’a pas changé : deux de ses agents ont été tués, quelqu’un doit payer ! Le FBI continue de retarder la déclassification de tous les rapports d’enquête, il continue d’intimider des témoins. Pour moi, l’Amérique est un Etat policier corrompu par les multinationales et l’industrie pétrolière et gazière.
JC : Comment se porte l’American Indian Movement ?
DH : J’espère qu’il est plus fort car les gens sont désormais plus concernés, plus impliqués, notamment grâce à internet et aux réseaux sociaux. Les jeunes, comme mes fils par exemple, s’investissent plus. J’aimerais que les jeunes Français s’engagent aussi. Et puis l’AIM est un mouvement, ce qui veut dire que ce n’est pas une organisation politique, les personnes y sont libres et peuvent engager le débat en permanence.

Klee Benally

Klee Benally est Navajo et vit en Arizona. Infatigable combattant pour défendre l’environnement sur les terres sacrées des Amérindiens, il a été arrêté des dizaines de fois par la police. Il se sert également de la musique, du cinéma et autres projets culturels et éducatifs pour aider son peuple et parler de lui. Il est même passé une fois à l’Olympia avec son ancien groupe de rock Blackfire.

Klee Benally : J’ai parlé récemment à Leonard mais par téléphone. Je lui ai dit qu’il m’inspirait beaucoup à cause de sa force de caractère. Il m’a répondu que ce n’était pas de la force mais de la foi.
JC : Vous-même, vous avez risqué la prison ?
KB : On a essayé plusieurs fois de m’y mettre mais les charges n’étaient pas suffisantes. Au début, je participais à des actions judiciaires, mais depuis une dizaine d’années, je m’engage physiquement sur le terrain. Quelquefois, j’ai été arrêté de manière brutale, menacé pour me décourager.
JC : Vous vous sentez menacé ?
KB : Constamment. Vous savez, aux Etats-Unis, une personne qui milite activement en faveur de l’environnement est considérée quasiment comme un terroriste. Certains ont imaginé une loi allant dans ce sens. Je pense avant tout à notre terre, à l’amour de notre terre, à nos enfants, et j’évite de penser à l’appareil répressif de l’Etat pour ne pas être paralysé par la peur.
JC : La musique est une arme pour vous ?
KB : La musique est un outil pour parvenir au changement social, la musique est une force car on peut résister et éduquer à travers elle. En 2011, après la lutte très dure contre la construction d’une station de ski dans les montagnes San Francisco Peaks, j’ai failli arrêter de jouer car je voyais clairement que ma guitare n’était pas plus forte que les bulldozers.

Heureusement, Klee Benally a gardé sa guitare.
David Hill et lui ont donné des conférences et des concerts de soutien à Leonard Peltier les 1er et 2 juillet à Paris.

Leonard Peltier a encore eu un triste anniversaire le 12 septembre dernier. Il est resté seul au fond de sa cellule, mais son esprit a reçu les ondes réconfortantes de ses amis partout dans le monde. Dans la capitale française notamment, des artistes et des militants de la cause indienne se sont réunis dès le 11 septembre au soir sous le chapiteau du Cirque électrique qui a bien voulu les accueillir.

Merci à Li Lost Flower, ci-contre en tenue traditionnelle sioux

Merci à Vincent Coste pour cette mise en page

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Le site officiel de soutien à Leonard Peltier est le suivant : http://www.leonardpeltier.info/

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