IXV : l'Europe relève le défi de la rentrée dans l'atmosphère

IXV : l'Europe relève le défi de la rentrée dans l'atmosphère
Par Euronews
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
PUBLICITÉ

Partir dans l’espace, on sait faire : il suffit de prendre place dans une fusée et décoller. Mais qu’en est-il du retour sur Terre ? La rentrée dans l’atmosphère reste l’un des plus grands défis à relever pour le secteur spatial. Un moment où – pourrait-on dire – ça passe ou ça casse. Pour s’y confronter, l’expérimentation ne suffit pas, rien ne vaut les conditions réelles. C’est justement ce que s’apprête à expérimenter le nouveau véhicule de l’Agence spatiale européenne (ESA) baptisé IXV.

Le manager du programme, Giorgio Tumino, nous présente “l’unité de vol qui s’envolera à bord de Vega le mois prochain.” Mais avant cela – on l’imagine -, de nombreuses recherches ont été nécessaires notamment des essais réalisés grâce à un prototype de test. “L’objectif de la mission de l’IXV est de faire la lumière sur toutes les zones d’ombre qui entourent la rentrée dans l’atmosphère.”

Pour progresser dans ce domaine où l’ESA a jusqu‘à présent peu investi, ce nouvel engin sera donc acheminé par une fusée Vega à une altitude de 430 kilomètres – similaire à celle où se trouve la Station spatiale internationale -, puis amorcera sa descente vers un endroit précis sur Terre.

En attendant, la phase de préparation se poursuit et des vérifications sont encore en cours. Giorgio Tumino nous détaille les différents éléments de l’engin : “à l’avant, se situe la baie avionique ; dans la partie arrière, les quatre moteurs à réaction.” Au niveau du fuselage, il nous fait découvrir “la protection thermique à base de céramique, un matériau extrêmement performant”. Celle-ci présente des “points où sont placés les capteurs de pression, des jauges de contrainte,” indique-t-il.

Le retour sur Terre n’a rien d’une promenade de santé. Lorsqu’il pénètrera dans l’atmosphère à une vitesse de 28.000 km/h, les parois de l’IXV seront exposées à une chaleur extrême : les frottements de l’air feront monter le nez et les gouvernails à une température de 1800 degrés Celsius. Le phénomène atteint un pic à une altitude très spécifique de notre atmosphère : une zone où tout se joue comme nous l’explique José Longo, la référence en matière de rentrée atmosphérique au sein de l’ESA. “Tous les véhicules qui ne sont pas conçus pour revenir dans notre atmosphère comme les engins classiques et les satellites se disloquent à une distance comprise entre 80 et 75 kilomètres de la Terre.”

Nous rencontrons également le grand spécialiste des débris spatiaux au sein de l’ESA, Holger Krag. Il les surveille depuis leur orbite jusqu‘à leur chute sur Terre. Pour mieux nous faire comprendre les forces auxquelles se confronte l’IXV, il nous présente une vidéo où le vaisseau cargo ATV se désintègre comme prévu au moment de sa rentrée. “À une altitude d’environ 100 km,” commence Holger Krag, “l’ATV devient déjà incandescent, on voit des fragments assez petits qui se détachent à l’arrière : ce sont principalement les panneaux solaires qui dépassent de l’engin, ils se cassent en premier en étant arrachés par les forces aérodynamiques. À 75 km,” poursuit-il, “on voit un flash et un nuage de gaz à l’arrière : c‘était l’explosion, l’interaction du carburant avec l’atmosphère, l’auto-inflammation. À 60 kilomètres,” dit-il, “les températures sont très élevées, il y a des objets blancs incandescents qui tombent à l’arrière parce qu’ils sont très légers.”

L’ensemble du processus de rentrée se déroule en un laps de temps très court, souligne Holger Krag. “À partir du moment où on effectue la manœuvre de rentrée jusqu‘à la Terre, cela dure à peu près une demi-heure et à partir du point où l’engin commence à s‘échauffer – à environ 90-80 kilomètres – jusqu‘à la Terre, cela fait seulement 10 minutes,” fait-il remarquer.

L’un des éléments clé dans cette phase critique, c’est le design innovant de l’IXV : une navette sans ailes qui peut changer de direction. Pour l’instant, les capsules habitées de rentrée atmosphérique disposent d’un fond plat comme le Soyouz russe et le nouveau vaisseau Orion. Elles s’avèrent fiables, mais difficiles à poser sur une zone précise. La navette Space Shuttle de la Nasa pouvait atterrir sur piste, mais l’opération restait complexe et en 2003, des dégâts sur ses tuiles thermiques ont conduit à l’accident de Columbia.

L’IXV est différent : l’engin dit à “corps portant” assure sa stabilité grâce à son fuselage. Il s’agit d’un compromis entre la navette et la capsule qui garantit contrôle et manœuvrabilité, notamment grâce à ces “volets en céramique”, explique Giorgio Tumino : “Ils supporteront des températures de l’ordre de 2000 degrés Kelvin, ils bougeront pour contrôler le véhicule en vol, le diriger et changer l’inclinaison de son angle d’attaque.”

Grâce à l’IXV, les Européens recueilleront des données sur les conditions réelles de la rentrée. Des données essentielles à de futures missions où un retour sur Terre est envisagé. “Quand on s’intéresse à la possibilité future de ramener des astronautes, des échantillons d’astéroïdes ou à long terme de Mars,” insiste le manager du programme, “c’est une technologie qu’il est impératif d’avoir pour être capable de revenir sur Terre.” Car si l’Homme rêve de voyager toujours plus loin dans l’espace, il est primordial de lui assurer qu’il pourra revenir en toute sécurité.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Chasseurs de comètes : Rosetta prête à vivre l'apogée de sa mission

Objectif Lune : la mission Artemis II

Space : des satellites pour comprendre le réchauffement climatique