Pour Washington, "l'Ukraine a l'opportunité de mener des réformes en profondeur"

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Par Euronews
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Consécration des législatives ukrainienne en Europe et aux Etats-Unis. L’Union européenne a salué une “victoire” de la démocratie. Le président américain a félicité les Ukrainiens pour des élections “réussies” en dépit d’un environnement difficile. L’OSCE a cautionné un scrutin pluraliste et démocratique. Un scrutin qui a vu les partis pro-européens remporter une victoire écrasante, en tête desquels Le Front populaire du Premier ministre Arseni Iatseniouk à présent légitimé par les urnes.

Cette victoire est aussi celle du président ukrainien Petro Poroshenko. Ce scrutin favorable lui laisse désormais les coudées franches pour mettre en œuvre son plan de paix et sortir de l’orbite russe. Du côté de la Russie justement, l’issue du scrutin a un peu fait grincer des dents, mais le Kremlin a finalement reconnu les résultats de ces élections. Sur le sujet, le chef de la diplomatie russe s’est voulu pragmatique.

“Je suis sûr que nous allons avoir des gens à qui parler au sein du parlement ukrainien et dans le gouvernement, essentiellement, car la force de premier plan dans ce parlement sera le bloc de Petro Porochenko, qui est notre partenaire, le partenaire de notre président dans les accords de paix conclus à Minsk entre les autorités de Kiev et les rebelles de Luhansk et Donetsk. Et comme vous le savez, ces accords ont été conclus avec l’aide de la Russie et de l’OSCE”, a dit Sergueï Lavrov.

Il reste néanmoins une ombre au tableau. Dans la zone rebelle, les séparatistes prévoient d’organiser leurs propres élections le 2 novembre prochain. Problème. Si sur le fonds Kiev est d’accord, sur la forme, les modalités d’organisation divergent. Résultat, Kiev et les occidentaux risquent de ne pas reconnaître ces élections autoproclamées. La Russie, quant à elle a déjà dit qu’elle le ferait.

Entretien avec Steven Pifer de la Brookings Institution, ancien secrétaire d’Etat adjoint américain (2001-2004) et ex-ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine (1998-2000)

Stefan Grobe, euronews :
Je suis en compagnie, depuis la Brookings Institution, de Steven Pifer, ex-ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine. Ambassadeur Pifer, parlons du point majeur de ces élections, le triomphe retentissant des partis pro-européens. Dans le même temps, les forces pro-russes sont en voie d’extinction. Était-ce le résultat espéré par Washington ?

Steven Pifer :
“Washington espérait plusieurs issues pour ce scrutin et il y a deux bonnes nouvelles en la matière. La première concerne le processus électoral. Les observateurs de l’OSCE et d’autres observateurs internationaux ont donné à ces élections des notes élevées sur leur déroulement démocratique. C‘était le premier espoir, que ce scrutin soit démocratique, que les résultats soient légitimes aux yeux de la population et qu’ils reflètent la volonté des électeurs. Donc, c’est une bonne nouvelle. L’autre tient au fait qu’une majorité de sièges au Parlement vont être occupés par des partis pro-européens et favorables à des réformes Je pense que Washington considère que c’est la suite logique des choses pour l’Ukraine. Donc, ce potentiel au sein du Parlement est un bon signe”.

euronews :
Le nouveau gouvernement devra faire face à d’immenses défis. Avec, bien sûr, la réticence de Moscou de voir l’Ukraine tisser des liens politiques et économiques étroits avec l’Europe. Allons-nous assister à une attitude beaucoup plus agressive et plus dure de Moscou envers l’Ukraine ?

Steven Pifer :
“Jusqu‘à présent, les Russes ne se sont pas montrés prêts à faciliter un règlement du conflit dans l’est de l’Ukraine, et puis bien sûr, il y a le problème à long terme de la Crimée qui reste à régler. Aujourd’hui, l’issue de ces élections ne satisfait probablement pas les Russes, même si le ministre russe des Affaires étrangères a déclaré que la Russie reconnaissait les résultats. Mais si vous regardez ce qui est arrivé, il n’y a qu’un seul parti, le Bloc de l’opposition, qui semble avoir des sympathies pro-russes. Une représentation si faible des pro-russes dans le nouveau Parlement est la faute de la Russie elle-même. Tout d’abord, l’agression contre l’Ukraine a cristallisé l’identité nationale en Ukraine qui maintenant se tourne vers le modèle européen. Deuxièmement, les électeurs de Crimée n’ont pas pu voter, comme ceux des régions de Donetzk et Luhansk. Or, il s’agit de zones où l‘électorat est traditionnellement pro-russe. En empêchant les gens de voter, la Russie a gelé le vote pro-russe. Le résultat a été qu’aujourd’hui, seul un parti au parlement montre une ligne claire avec la vision de la politique russe”.

euronews :
Peut-il y avoir un retour de balancier si le nouveau gouvernement est incapable de créer des emplois, de stopper l’inflation et de lutter contre la corruption ?

Steven Pifer :
“C’est une possibilité. Mais il me semble que le président, Petro Porochenko, et Arseni Iatseniouk, comprennent que l’Ukraine est face à une réelle opportunité et que manquer cette occasion serait destructeur pour le pays. Ils se mettraient l’Ukraine à dos pour des années voire des décennies”.

euronews :
Vous connaissez très bien l’Ukraine, vous y avez été l’ambassadeur des Etats-Unis. Si vous occupiez encore ce poste aujourd’hui, quel conseil donneriez-vous à Barack Obama ?

Steven Pifer :
“Je pense que le message américain comme le message européen doit être politique. Kiev a une réelle opportunité de construire une coalition majoritaire au parlement, et peut-être même de faire passer des réformes constitutionnelles. Or, bon nombre de choses que veulent les Ukrainiens, comme, par exemple, une décentralisation du pouvoir au profit des régions, nécessitent une modification de la Constitution. La formation d’une coalition majoritaire permet au Premier ministre et au président de travailler ensemble. C’est la meilleure opportunité pour l’Ukraine, même si elle arrive dans des circonstances très difficiles. Donc, le message de l’Ouest, à mon avis, devrait être : commencez à travailler sérieusement sur des réformes qui concrétiseront les valeurs que vous avez défendues ces six ou sept derniers mois” .

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