Quand Moscou regardait vers l'Ouest

Quand Moscou regardait vers l'Ouest
Tous droits réservés 
Par Andrei Belkevich
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
PUBLICITÉ

Le 12 juin 1987, à Berlin ouest, devant la porte de Brandebourg, Ronald Reagan demande à Mikhaïl Gorbatchev d’abattre le mur de Berlin. Un discours célèbre et précurseur. Le rideau de fer tombera deux ans plus tard.

Pavel Palazhchenko traduisait à l‘époque les entretiens officiels et conversations privées entre les deux leaders. Selon lui, ni Gorbatchev, ni Reagan n’ont évoqué la célèbre phrase prononcée par le président américain.

“Certes, c‘était, en apparence, très clair. Mais Moscou a vu dans ce discours plus un geste théâtral. Et quand on interrogeait Gorbatchev sur le sujet, il avait l’habitude de dire : “nous savons que la première déclaration du président Reagan était du Théâtre”. Il était évident que Gorbatchev ne pouvait pas abattre le mur. Et quand ce dernier est tombé, c‘était par volonté et sur décision des Allemands”, raconte Pavel Palazhchenko.

Dans le bureau de l’ancien dirigeant soviétique, un fragment coloré du mur de Berlin tient une place de choix.
Pourtant, il y a 25 ans, ni Gorbatchev ni le chancelier allemand Helmut Kohl ne pouvaient imaginer une réunification si rapide de l’Allemagne. L‘événement, historique, aurait même quelque peu effrayé la France et la Grande-Bretagne.

“Margaret Thatcher était très préoccupée. Je peux vous le certifier. Je l’ai vue dans cet état pendant des mois, des années. J’irai jusqu‘à dire qu’elle était inquiète concernant les “révolutions de velours” en Europe centrale. C‘était une position paradoxale. Parce qu’il s’agissait, bien sûr, de révolutions capitalistes. Et s’il existait un partisan d’un véritable capitalisme non réglementé, c‘était bien Thatcher. C‘était aussi une personne qui aimait la stabilité. Mitterrand était dans une position similaire. Il nous a activement soutenus en empêchant la création de nouvelles infrastructures militaires en Allemagne de l’Est, en prévenant le déploiement d’armes nucléaires et de troupes supplémentaires en Allemagne. Il a contribué à réduire la présence militaire “, continue Pavel Palazhchenko.

En 1989, Igor Maksimychev était ministre conseiller de l’ambassade d’URSS en Allemagne. Il se souvient que la chute du mur n’a pas été perçue par le Kremlin comme une tragédie.

“Gorbatchev était heureux. Heureux de voir que le problème du rideau de fer était éliminé. Qu’il n’existait plus. Et ce problème a été réglé par les Allemands eux-mêmes. Nous n’avons pas participé à cela et n‘étions donc pas responsables des conséquences”, explique Igor Maksimychev.

Aujourd’hui, le jugement du Kremlin sur les événements de l‘époque est différent. Certains pensent que Gorbatchev aurait eu une approche plus dure, demandant en échange de la réunification allemande, la garantie d’une protection des intérêts de Moscou en Europe.

“On nous avait promis des choses, mais seulement verbalement. Il n’y avait pas d’engagements écrits ni de documents officiels. Et puis, il s’est avéré que plus personne ne nous devait rien. Au bout du compte, l’OTAN est-elle allée à l’Est ? Oui”, ajoute Igor Maksimychev.

“A cette époque, des garanties concernant l’Europe de l’Est ne pouvaient pas être donnés. Parce que ces pays étaient encore membres du Pacte de Varsovie. Mais même après l’extinction de ce pacte, la question de l’adhésion de ces pays à l’OTAN n’a jamais été soulevée”, assure de son côté Pavel Palazhchenko.

Ce grand jeu géopolitique s’est invité dans l’histoire personnelle de certains ex-citoyens soviétiques. Cette histoire est conservée en partie au Musée de l’Armée soviétique à Moscou.

Andreï et Alexander ont servi dans le Groupe occidental des forces soviétiques. Le 9 novembre, le jour de l’ouverture du mur de Berlin et de la frontière intérieure allemande, Andreï était de service au checkpoint. Devant la porte de son unité, un groupe d’Allemands fêtait, buvait et criait.

“Je suis sorti et je leur ai dit : “je comprends que c’est un grand événement, mais ce n’est pas l’endroit pour boire. Ils ont répondu : “un grand événement oui ! Une terrible tragédie ! Ces idiots ont décidé de nous unir aux Occidentaux. Venez boire avec nous, officier russe” raconte Andreï Rachmanin.

Les onze mois qui ont séparé la chute du mur de la réunification allemande ont été difficiles pour les soldates soviétiques. Eux, qui, jusque-là, étaient habitués à être traités en alliés étaient à présent, parfois, considérés comme des occupants.

“Des enfants de dix ans, jouaient à la guerre. Ils tenaient dans leurs mains des bâtons pour imiter des armes. Et quand notre colonne militaire passait, ils faisaient semblant de nous tirer dessus. Ce qu’on a ressenti à ce moment-là n‘était pas très agréable”, explique Alexander Balashov.

Un quart de siècle plus tard, les stands de souvenirs sur la Place Rouge servent de baromètre de la politique national. Vous trouverez facilement des matriochka à l’effigie des dirigeants soviétiques et russes les plus durs, Lénine, Staline et Poutine. Une poupée russe arborant le portrait de Mikhaïl Gorbatchev – l’un des acteurs essentiels de la réunification allemande et grand ami de l’Occident – sera, elle, beaucoup plus difficile à trouver.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Conséquences d'une frappe russe sur Dnipro

Suspects arrêtés en Pologne après l'agression d'un opposant russe en Lituanie

L'Ukraine aurait abattu un bombardier stratégique russe, Moscou affirme que l'avion s'est écrasé