"La disparition de 43 étudiants à Iguala est un crime contre l'humanité"

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Par Euronews
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“Gouvernement assassin ! On veut les revoir vivants”. Les Mexicains sont déterminés. Ils ne lâcheront rien. Ils veulent connaître toute la vérité sur la disparition, en septembre dernier, à Iguala, de 43 étudiants. Des élèves-enseignants de l‘école normale d’Ayotzinapa dans l‘État de Guerrero, au sud du Mexique. Surtout, ils veulent les retrouver vivants.

C’est dans une rue d’Iguala que les étudiants ont disparu. Leur bus a été attaqué par la police. Cette attaque a fait six morts et 25 blessés. Quatorze des 57 étudiants enlevés sont réapparus dans leur famille ou dans leur école. Le sort de 43 autres reste un mystère.

Le maire d’Iguala, José Luis Abarca et sa femme seraient les commanditaires de cette attaque, selon
les autorités judiciaires qui se basent sur les déclarations de plusieurs personnes arrêtées dans cette affaire, policiers mais aussi membres du cartel.

“Les prisonniers eux-mêmes déclarent que l’ordre d’attaquer a été donnée par la radio de la centrale. On leur a dit que cet ordre émanait de l’A5, le code utilisé pour identifier le maire d’Iguala”, explique le Procureur général Jesus Murillo Karam.

Partis en cavale, deux jours après la disparition des étudiants, le maire d’Iguala et sa femme ont été arrêtés ce mardi. Mais à l’heure actuelle, il n’y a toujours aucune trace des étudiants, en dépit d’une vaste opération de recherches dans l’Etat de Guerrero où une douzaine de fosses clandestines ont été mises au jour avec au moins 38 corps non identifiés.

Pourtant, le 20 octobre dernier, le prêtre Alejandro Solalinde déclare à la télévision qu’un témoin anonyme lui aurait rapporté de macabres informations.

“Il m’a dit que certains des jeunes étaient blessés et que d’autres étaient déjà morts, mais il ne m’a pas dit combien. Mais leurs corps ont été brûlés. Rassemblés dans une fosse commune, les corps ont été couverts de bois puis aspergés d’essence avant qu’on y mette le feu”, raconte le père Solalinde.

Cette affaire a soulevé l’indignation au Mexique, et même au delà, comme devant le consulat du Mexique à Rio de Janeiro au Brésil. Et les cris des manifestants sont les mêmes : “ils les ont pris vivants, nous voulons les retrouver vivants”.

Entretien avec Elena Poniatowska, journaliste, écrivaine et activiste politique mexicaine.

Véritable icône de la vie littéraire et politique de son pays, Elena Poniatowska nous a reçus chez elle, à Mexico. Lauréate du prix Miguel de Cervantes 2013, récompense la plus prestigieuse de la langue espagnole, Elena Poniatowska est aujourd’hui une figure emblématique du combat pour les droits de l’Homme au Mexique. Le 26 octobre dernier, un mois après la disparition de 43 étudiants à Iguala, elle livrait un discours poignant sur la place du Zócalo et touchait profondément les Mexicains. Avec sa colère tranquille, elle raconte les récents enlèvements.

Elena Poniatowska :
“Il s’agit de 43 étudiants très pauvres, issus de familles sans ressources et en général d’origine paysanne. Sur des photos, j’ai vu que leurs chambres à l’Ecole normale étaient misérables. On voit leurs sacs à dos par terre, il n’y a aucun meuble et des morceaux de carton gisent sur le sol. Il n’y a pas de lits superposés, pas de lits tout court. C’est un abandon total. Pour réaliser leurs stages, ils doivent mendier. Ils tendent un petit pot aux gens et leur demande de les aider financièrement, de leur donner un peu de monnaie pour qu’ils puissent commencer leur formation. Ce sont aussi des garçons très jeunes, pleins d’ambitions et avec l’envie de s’en sortir. Alors c’est terrible parce que c’est les traiter comme s’ils étaient des détritus, simplement parce qu’ils sont pauvres”.

L‘écrivaine dénonce le lien qui existe, selon elle, entre la disparition des étudiants et la corruption qui gangrène les autorités locales. Elena Poniatowska est sans concessions.

Elena Poniatowska :
“Ils les ont embarqués dans des bus. Selon l‘épouse de l’ancien maire de la ville d’Iguala – José Luis Abarca, un homme qui s’est enrichi au pouvoir tout comme sa femme d’ailleurs. On dit que c’est elle qui commandait à Iguala et dans le village d’Ayotzinapa – selon elle, les étudiants allaient interrompre une fête, une réunion politique, qu’elle organisait. Alors ils ont été emmenés dans des camions. Depuis, nous n’avons absolument aucune nouvelle d’eux. Vraiment, c’est un crime d‘État, parce que certains jeunes qui ont réussi à échapper à la répression policière, ou à celle de groupes que je pense gouvernementaux, des groupes aux actions punitives, et bien certains jeunes qui ont réussi à s’enfuir, ont témoigné”.

Devenue célèbre notamment grâce à son livre “La nuit de Tlatelolco” – un ouvrage sur le mouvement étudiant de 1968 au Mexique et le massacre du 2 octobre sur la Place des Trois Cultures – à 82 ans, Elena Poniatowska garde intact son engagement politique et en faveur de la justice dans son pays.

Elena Poniatowska .
“C’est un crime contre l’humanité ! Il n’est pas possible que l’enlèvement de 43 jeunes, qui avaient toute la vie devant eux, reste impuni. Que du jour au lendemain, leurs parents les recherchent et qu’ils n’aient aucune nouvelle d’eux. Mais aussi pour nous les Mexicains, pour nous, c’est une infamie, une perte considérable, une perte pour notre pays tout entier. Tout ça tire le Mexique vers le bas”.

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