France Telecom : à quand un procès sur la vague de suicides ?

France Telecom : à quand un procès sur la vague de suicides ?
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Par Joël Chatreau
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L’enquête sur la vague de suicides sans précédent à France Telecom au cours des années 2008 et 2009 est terminée. L’heure des comptes est arrivée pour la seule entreprise française du CAC 40 jamais mise en examen pour “harcèlement moral” et pour trois de ses anciens dirigeants, mais à condition que se tienne un procès. Rien n’est encore sûr et les deux parties, accusation comme défense, peuvent maintenant faire différentes demandes, ce qui ralentira obligatoirement le processus judiciaire. L’enjeu est important car un tel procès montrerait que la justice française est capable de considérer un harcèlement mené non pas par une personne mais par une entreprise à l’encontre de tous ses employés.

C’est ce que dénoncent précisément les plaignants, dont le syndicat SUD. L’un de leurs avocats, Me Teissonnière, estime qu’il s’agissait d’un “harcèlement organisé au plus haut niveau de la direction”, autrement dit d’une “stratégie”. Le groupe France Telecom, dont le changement de nom, Orange, a pris définitivement effet en juillet 2013, nie et conteste; cependant, dès la fin 2009, un questionnaire rédigé par un cabinet spécialisé et adressé à l’ensemble des employés avait mis en évidence une ambiance de travail “tendue, voire violente” et une réelle défaillance des cadres de la société; puis, en 2010, un rapport de l’Inspection du travail avait pointé du doigt la politique de gestion du personnel qui “portait atteinte à la santé physique et mentale des salariés”.

Les syndicats et la direction s’accordent pour dénombrer 35 suicides d’employés de France Telecom en 2008-2009. L’ancien PDG, Didier Lombard, ainsi que son bras droit pendant cette période, Louis-Pierre Wenes, et l’ex-directeur des Ressources humaines, Olivier Barberot, ont été mis en examen en 2012 pour “harcèlement moral”. Quatre cadres sont également poursuivis pour complicité. Didier Lombard, qui a quitté la présidence du groupe début 2011, a reconnu avoir déclaré en pleine crise, en 2009, qu’il fallait “mettre un point d’arrêt à cette mode du suicide”. Cette année là, l‘été n’avait jamais été aussi “mortel” au sein de l’entreprise française de télécommunications. Le 14 juillet, l’un des 6 suicidés, un technicien travaillant à Marseille, allait laisser une lettre d’adieu retentissante : “Je me suicide à cause de mon travail à France Telecom. C’est la seule cause”. Le salarié désespéré dénonçait pêle-mêle “l’urgence permanente, la surcharge de travail, la désorganisation totale, le management par la terreur…”

C’est le redoutable plan “NExT”, visant à restructurer et redresser économiquement le groupe, qui semble avoir provoqué ce malaise profond et durable au sein de France Telecom. Lancé fin 2004, il avait pour objectif de réduire les effectifs de 10%, soit de supprimer 22 000 postes, mais les méthodes utilisées ont été pour le moins expéditives et sournoises. La principale, selon les syndicats, consistait à épuiser psychologiquement les employés que l’on voulait forcer à demander un départ volontaire. Tout était bon pour cela, une mutation imposée, un changement de métier exigé…En tout, 10 000 salariés ont ainsi dû changer de spécialité entre 2006 et 2008. Le nouveau patron du groupe, Stéphane Richard, a réussi petit à petit à ramener la confiance mais un procès permettrait d’apaiser un peu la souffrance et l’amertume des familles de victimes.

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