Italie : à l'assaut de la Xylella fastidiosa, la bactérie tueuse d'oliviers

Italie : à l'assaut de la Xylella fastidiosa, la bactérie tueuse d'oliviers
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Par Euronews
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Dans le sud de l’Italie, les oliviers se meurent les uns après les autres. Mais, la faute à qui ? Et que fait l’Europe pour enrayer l’hécatombe ? Les

Dans le sud de l’Italie, les oliviers se meurent les uns après les autres. Mais, la faute à qui ? Et que fait l’Europe pour enrayer l’hécatombe ? Les oliviers sont-ils voués à disparaître. Éléments de réponse dans ce nouveau numéro de Reporter.

Dans le Salento situé dans la région des Pouilles qui correspond au talon de la botte italienne, les gardes forestiers ont fort à faire.

Leur mission : éradiquer une bactérie tueuse qui s’en prend aux oliviers.
Originaire du Costa Rica, la Xylella fastidiosa fait des ravages dans le sud de l’Italie et inquiète en haut lieu dans toute l’Europe (Comission européenne et Parlement européen)

Près de Casarano, nous avons rencontré plusieurs producteurs d’olives, eux aussi, unis dans un même combat contre cet organisme nuisible frappé de quarantaine sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Un seul choix s’impose : couper la moindre banche suspecte. Un véritable crève-cœur pour ces hommes.

Antonio De Pascalis, producteur d’olives :
“Le principal problème, c’est que notre territoire est touché par la bactérie Xylella fastidiosa. Imaginez qu’ici, dans la région du Salento, il y a 25 millions d’oliviers. Tous les ans, au printemps, l’insecte vecteur de la maladie se remet à proliférer, contaminant à chaque fois une zone toujours plus vaste. Tous ces oliviers desséchés font ressembler la région à une peau de léopard.

Cette bactérie a déjà contaminé près de 30 % des oliviers dans la région du Salento. Mais cela signifie aussi que 70 % des oliviers pourraient encore être sauvés. Et c’est pour cela que nous, producteurs d’olives, on se bat en utilisant notre savoir-faire agricole.”

Gino Rausa, producteur d’olives :
“Que va-t-on transmettre aux générations futures ? Autrefois, nos ancêtres se sont sacrifiés pour faire pousser ces oliviers pour nous. Et nous dans tout ça ? Qu’est-ce qu’on va laisser à nos enfants et à nos petits-enfants ? Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir leur laisser ?”

Giuseppe Ventura, producteur d’olives :
“Toute la région va finir par ressembler à un cimetière, oui à un cimetière. Le matin, quand on se lève, on voit de plus en plus d’oliviers totalement flétris. Pour nous, producteurs d’olives, c’est très douloureux, ça fait vraiment mal.”

Pour l’heure, le sud de l’Italie est le seul endroit en Europe où la Xylella fastidiosa est présente.

Fin 2013, des chercheurs ont identifié la bactérie, près de Gallipoli, l‘épicentre du foyer infectieux. Ces derniers redoutent qu’elle s’attaque également à d’autres types de végétaux, à commencer par les cerisiers, les amandiers et les pruniers.

La journaliste d’investigation, Marilù Mastrogiovanni, auteur d’une étude sur la bactérie tueuse, nous a donnés rendez-vous à Bari pour nous dévoiler les dessous d’une affaire où se mêlent projets immobiliers, politique et corruption, avec la mafia qui tire les ficelles en coulisse :

“Il y a déjà des cas précis pour lesquels le parquet a diligenté des enquêtes. Il existe des liens avec le crime organisé, le tout sur fond de spéculation immobilière.”

La lutte contre la Xylella fastidiosa est coordonnée par le commandant Giuseppe Silletti. Pour éviter la propagation de la bactérie désormais endémique du sud du pays un cordon sanitaire a été établi. Mais un nouveau foyer est à déplorer, nous explique le commandant Silletti :

“On doit encore finir nos pulvérisations d’insecticides. Évidement, personne n’a la prétention d‘éradiquer complètement l’insecte-tueur. C’est mission impossible. Mais en répétant toutes ces actions anti-Xylella au cours des années à venir, on obtiendra de bons résultats. Tout le monde doit comprendre qu’il n’y a qu’un seul ennemi et il s’appelle Xylella fastidiosa !”

Luca Belletti a quitté Milan pour s’installer à Scorrano, où il a investi 100 mille euros dans une coopérative. Ni lui, ni les autres agriculteurs bio des environs ne croient à la bactérie tueuse et refusent d’utiliser des pesticides comme le préconise le plan d’action du commandant Silletti. La justice vient de leur donner raison.

Luca Belleti, président d’AMRITA, Scorrano :

“Oui, on observe un phénomène de dessèchement des oliviers. Mais il a toujours existé. Et il est dû à des champignons. Et puis, au cours des dix dernières années, le climat a changé dans la région du Salento : nous avons eu des étés inhabituellement chauds et des hivers très froids, beaucoup de pluie aussi. Voilà ce qui est en cause, en plus de la surutilisation de pesticides.”

De retour à Bari, nous nous rendons à l’Institut pour la protection durable des végétaux où des échantillons de feuilles d’oliviers prélevés dans la zone de confinement sont analysés.

Il existe 1.500 espèces d’oliviers à travers le monde, l’une d’elles permettra peut-être aux scientifiques de trouver la parade à la bactérie Xylella fastidiosa responsable de la mort de milliers d’oliviers, selon Donato Boscia, le directeur de cet institut de recherche :

“Pourquoi ces végétaux meurent-ils ? Parce que la bactérie s’attaque aux tissus qui conduisent la sève des racines jusqu’aux feuilles. La Xylella obstrue ces canaux et finit par les bloquer.”

Luca et ses amis du Comité de Résistance d’Oria ne désarment pas : pas question de laisser les hommes du commandant Silletti et leurs tronçonneuses massacrer leurs oliveraies. Pour eux, la Xylella fastidiosa n’est pas responsable de l’hécatombe.

À Oria, situé au nord du cordon sanitaire, plusieurs cas de contamination bactérienne ont pourtant été recensés suivis de l’abattage méthodique des arbres malades, regrette Carlo Ceglie du Comité de Résistance d’Oria :

“Le plan d’action prévoit l’abattage et la reforestation de toute la zone dans un rayon de 100 mètres autour de chaque arbre contaminé. Cela va ressembler à un vrai désert. Vous, au Portugal, en France, en Espagne et tout autour de la Méditerranée, accepteriez-vous de voir votre terre transformée en zone désertique ?“​

Pour venir à bout de la bactérie tueuse, encore faut-il à réussir à neutraliser les insectes – dont le cercope des prés – responsables de sa propagation. Pour ce faire, les experts recommandent de combiner l’agriculture traditionnelle, à l’utilisation de pesticides et à l’abattage des arbres malades.

Le point avec l’agronome Giancarlo Biasco :

“Sacrifier quelques centaines d’oliviers permettrait d’en sauver beaucoup d’autres. Et cela éviterait que la bactérie ne se propage ailleurs en Italie et dans le reste de l’Europe.”

Plus au sud, voici Palmariggi et ses oliveraies millénaires. Raffaele Cazzetta, un important producteur d’huile d’olive, y possède 70 mille arbres. Pour lui, la solution passe par le regroupement des petites exploitations, ce qui renforcerait la filière, mais il faudrait aussi reprendre en main les parcelles laissées à l’abandon :

“Je vais vous faire goûter une huile d’olive très particulière issue d’oliviers millénaires. Cette huile contient l’histoire de notre peuple, notre identité, notre culture et la mémoire de notre histoire. Tous ceux qui s’occupent d’oliviers comme moi ont très peur. Cette maladie sème la terreur.”

De retour à Oria, nous faisons la connaissance de Nino Baldari, 77 ans. Lui non plus n’a pas l’intention de couper ses oliviers, mais veille à se débarasser de toutes les branches mortes.

Pendant ce temps, Luca Belletti s’apprête à accueillir les médias qui devraient arriver en masse lorsque débutera la campagne d’abattage ordonnée par les autorités.

Nino Baldari :
“Nous sommes tous à blâmer, car on a négligé nos campagnes. On a arrêté de ramasser le bois mort comme ça se faisait encore il y a 40 ou 50 ans. Ça ne se fait plus. Maintenant, c’est à moi de couper les branches malades. Il faut redonner vie à ces arbres, pour qu’il nous donne vie à nous aussi en retour.”

La méthode alternative prônée par ces fermiers suffira-t-elle à éradiquer la bactérie tueuse ? L’Union européenne semble sceptique et veut aller plus loin en recourant aux pesticides et à l’abattage ciblé pour protéger le continent de la Xylella fastidiosa.

Giuseppe Silletti : ‘‘Notre enemmi se nomme Xylella fastidiosa’‘

À Bari dans le sud de l’Italie, Euronews a rencontré Giuseppe Silletti, commandant des Gardes forestiers des Pouilles. Il a la charge de coordonner la lutte contre la bactérie tueuse d’oliviers – la Xylella fastidiosa. Pour éviter sa propagation au reste de l’Europe, la Commission européenne et le gouvernement italien ont fait établir un cordon sanitaire autour du foyer infectieux.
Pour visionner l’intégralité de l’interview (en italien) avec Giuseppe Silletti, utilisez ce lien

Giancarlo Biasco : ‘‘La Xylella fastidiosa est dangereuse’‘
Les recherches sur cette bactérie que l’on appelle la “tueuse d’oliviers” se sont intensifiées, nous a confié Giancalo Biaso, agronome basé à Lecce.
Pour visionner l’intégralité de son interview (en italien), utilisez ce lien

Donato Boscia : ‘‘La Xylella fastidiosa asphyxie les oliviers’‘

Euronews a interviewé le responsable le l’unite de recherche de l’Institut pour la protection durable des végétaux de Bari à propos de la bactérie tueuse.
Pour visionner l’intégralité de son interview (en italien), utilisez ce lien

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