Selon le cinéaste Costa-Gavras : le seul espoir des Grecs, c'est l'Europe !

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Dans ce numéro de The Global Conversation, Isabelle Kumar reçoit le cinéaste Costa-Gavras Qui est Costa-Gavras ? Costa-Gavras – de son vrai nom

Dans ce numéro de The Global Conversation, Isabelle Kumar reçoit le cinéaste Costa-Gavras

Qui est Costa-Gavras ?

  • Costa-Gavras – de son vrai nom Konstantinos Gavras – est un cinéaste franco-grec aujourd’hui âgé de 82 ans
  • Né en Grèce en 1933, il s’installe à Paris en 1951 et entame des études des lettres, puis entre à l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (IDHEC)
  • En 1968, il obtient la nationalité française
  • Sa carrière de réalisateur explose réellement en 1969 avec le succès aussi triomphal qu’inattendu de Z – un réquisitoire contre la dictature des colonels grecs
  • Costa-Gavras a trouvé sa voie : celle d’un cinéma engagé
  • Il est un ardent défenseur d’Alexis Tsipras, l’actuel Premier ministre grec

Le drame que vit son pays natal, la Grèce, pourrait sortir directement de l’un de ses scénarios : un thriller politique, avec un protagoniste qui se bat ardemment contre des leaders mondiaux qui semblent tout-puissants. Costa-Gavras, réalisateur et icône du cinéma militant, qui vit maintenant en France, n’a cessé de dénoncer ce qu’il nomme “l’humiliation du peuple grec”.

Isabelle Kumar, euronews :
“Costa-Gavras merci beaucoup d‘être avec nous. Dans vos films, il y a souvent un héros qui résiste seul, face aux puissances au pouvoir. Alexis Tsipras, le Premier ministre grec (membre de la gauche radicale), serait-il votre nouveau héros ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“En tout cas, pour la politique, oui ! Alors, pour un film, je ne sais pas, on verra plus tard. Mais, oui, je pense que c’est un personnage assez exceptionnel pour les standards grecs. Je pense que c’est un homme qui est sorti comme ça de la classe moyenne. Il est monté très vite. Les Grecs lui ont fait confiance. Vous savez des gens se sont mépris sur lui et sur ce qu’il pensait. Moi, je l’avais vu avant d‘être élu, il était à Paris. Il a demandé à me voir, on a passé une soirée ensemble.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Alors, vous vous connaissez bien ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Eh bien non, vous savez, on a passé une soirée, et puis on s’est téléphoné deux ou trois fois. Mais, je lui ai posé beaucoup de questions et j’ai été impressionné par la qualité de ses réponses, la suite de ses idées.”

#CostaGavras : "#Tsipras fait ce que beaucoup d’hommes politiques ne font pas : être cohérent avec ses promesses." pic.twitter.com/30chIWaUwd

— France Inter (@franceinter) 2 Juillet 2015

Isabelle Kumar, Euronews :
“Mais, disons que l’on garde cette idée de héros, il pourrait être un héros qui met son pays en danger, qui prend beaucoup de risques ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Non, le pays était déjà en mauvais état, vous savez, en très mauvais état et il l’est toujours d’ailleurs. Mais, lui, il a fait des promesses pour être élu, et il a essayé de tenir ses promesses. Mais, là où moi, il m’a beaucoup ému, c’est quand il est arrivé à Bruxelles, dans ce lieu extraordinaire que nous avons tous vu à la télévision, avec des gens absolument extraordinaires, des sommités de la politique, et de l‘économie, et tout d’un coup, il a tenu tête. Il a dit : “non, je veux ça”.

Débat #PlenPE sur la #Grèce avec tsipras_eu</a> : découvrez notre résumé <a href="https://twitter.com/Storify">Storifyhttp://t.co/ktQZt5Irbipic.twitter.com/56EHStMyfF

— Parlement européen (@Europarl_FR) 10 Juillet 2015

Ça m’a fait penser à Monsieur Smith au Sénat. Vous vous souvenez de ce film de Frank Capra. Monsieur Smith est un jeune homme de province qui arrive au Sénat américain. Et il résiste, il résiste pour faire changer les choses. Il me fait penser à cela puisque vous parliez de cinéma et de héros. Voilà, je pense que c’est ce type de héros.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Mais, alors s’il a les qualités que vous décrivez, il a aussi des défauts. Quels seraient ses défauts à votre avis ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Je ne sais pas, il faut bien le connaître. Je pense que le défaut que nous avons tous, nous les Grecs, c’est peut-être de ne pas avoir une vision globale des problèmes. Mais, je ne le connais pas suffisamment pour connaître ses défauts, il doit aussi bien les cacher, d’ailleurs.”

Isabelle Kumar :
“Quand vous dites, par exemple, qu’il ne voit pas l’extension, disons, du problème, vous parlez de l’Europe, de l’impact que ce qu’il fait pourrait avoir sur l’Europe ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Absolument. Mais, à mon avis, sa situation est très simple : il arrive au pouvoir avec une majorité très très fine, très fragile. Et il a promis des choses comme font tous les hommes politiques au peuple pour être élu. Il a été élu. Et il fait ce que tous les politiciens ne font pas, c’est essayer de tenir ses promesses. Et il insiste, insiste, insiste jusqu‘à aujourd’hui, et aujourd’hui, il arrive à un point où il ne peut pas – enfin aujourd’hui, il y a une semaine, dix jours – où il a vu qu’il ne pouvait pas tenir ses promesses. Alors, qu’est-ce qu’il a fait ? Il a fait un référendum."

Grèce • Un référendum, mille interprétations http://t.co/FoNluY6YnG Dessin de Kroll pic.twitter.com/ollkv0XFtU

— Courrier inter (@courrierinter) 2 Juillet 2015

Isabelle Kumar, Euronews :
“Mais, les gens ne comprenaient pas la question qui était posée !”

Costa-Gavras, cinéaste :
“La question …”

Isabelle Kumar, Euronews :
“C’est de la démocratie, si on ne comprend pas une question qui est posée à un référendum ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Ça dépend comment on leur explique la question, que ce soient les hommes politiques, ou que ce soient les médias. Moi, j’ai expliqué la question à mon petit-fils, Théo qui a sept-huit ans, et il a compris tout de suite ! Mais, je crois qu’on a mêlé ça avec la politique, avec des chiffres, qu’est-ce qu’on entend comme chiffres depuis un mois sur cette histoire-là ! C’est effrayant, on ne comprend rien à l’arrivée. Et je pense que c‘était mal expliqué à tout le monde.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Alors, nous avons demandé à nos internautes de nous envoyer des questions, pour cette interview. Nous avons reçu beaucoup de questions notamment de Grèce.
Et Stavros Rossos demande – et il évoque votre film, votre dernier film Le Capital – il demande si vous voyez des liens entre Tsipras et les personnages de ce film ? Et pour nos spectateurs, je vais rappeler, c’est un film qui parle un peu de la mégalomanie des banques, des financiers.”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Non, je ne vois aucune relation. Moi, je pense personnellement que les banquiers et la finance ont amené le monde, la Grèce et le reste du monde, là où nous en sommes aujourd’hui. Voilà. Cette espèce de super-capitalisme, où les hommes ne comptent plus, où il y a de plus en plus de pauvres et de plus en plus de riches.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Eh bien voilà, justement, à la fin de votre film, le protagoniste dit : “je suis le nouveau Robin des Bois, et je prends aux pauvres, et je donne aux riches”. Alors, ce serait la métaphore pour la Grèce et les créanciers ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Non … Oui … Eh bien, d’une certaine manière. Mais il faut voir comment cette créance est arrivée en Grèce. Qui est le responsable de cela ? Alors, c’est un vaste, vaste problème. En tout cas, Tsipras n’a rien à voir, à mon avis, avec les banquiers de mon film. À coup sûr !”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Et la Grèce alors, si on continue cette métaphore, la Grèce aussi a été séduite par l’argent. C’est aussi la faute de la Grèce si on se trouve dans cette situation-là. On a souvent l’impression que c’est toujours la faute des autres !”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Bien sûr, c’est de la faute de la Grèce, de la faute des hommes politiques, des hommes politiques grecs d’abord qui ont laissé le pays comme ça tomber dans cette ornière, et puis les Grecs aussi, qui n’ont pas fait attention. Les banques leur disaient : “vous voulez prendre des vacances ? Eh bien, on vous donne de l’argent !” Et les gens ont pris de l’argent, sans trop y réfléchir. “Et vous voulez acheter des voitures ? Eh bien venez, on vous donne de l’argent pour acheter des voitures”. Et puis à un moment donné, c’est arrivé à un tel point qu’ils ne pouvaient plus rembourser. C’est ça aussi ! Cette responsabilité est double, et même, je dirais triple : parce que l’Europe aussi a sa responsabilité. Ils voyaient très bien que cette dette montait, montait, montait. Et ils n’ont rien fait pour l’arrêter. Vous voyez aussi que la France, la Hollande, et surtout l’Allemagne, vendaient beaucoup de produits en Grèce ! Ils ont vendu même des sous-marins, très chers, et à crédit !”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Mais alors, comment la Grèce a-t-elle rejoint la zone euro ? Est-ce que vous avez tiqué ? Est-ce que vous vous êtes dit : “la Grèce n’est pas prête” ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Oui, et j’aurais même souhaité qu’avant de rentrer dans la zone euro, ils disent : “voilà, on passe deux ou trois ans pour moderniser le pays, pour faire une administration qui marche”. Je dis toujours que la Grèce est une nation, mais qu’il n’y a pas d‘État.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Vous avez la double perspective : française et grecque. Si vous prenez votre perspective française, est-ce que vous pouvez comprendre les membres de l’euro zone, qui disent : “pourquoi ne pas lâcher le maillon faible de l’Europe ?” Ils ont eu quand même cinq ans pour remettre leur maison en ordre …”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Je les comprends d’un côté, et je ne les comprends pas. Parce que cette dette, s’ils le lâchent, qu’est-ce qui va se passer ? Les Grecs vont faire une autre monnaie, la drachme ou tout ce que vous voulez. Et elle va être dévaluée immédiatement de – je ne sais plus combien, de 50 ou 30 %. La dette va monter automatiquement d’autant ! Donc, ce sera encore plus difficile de la payer ! Donc, cette dette-là, ils ne la payeront jamais. Donc, le mieux, c’est qu’ils restent dans l’Europe, pour qu’ils puissent payer cette dette, en partie ou entièrement.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Quelles seraient les conséquences pour la Grèce, si elle sortait de l’euro, socialement ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Ce serait tragique, tragique, tragique, ou alors ils vont se retourner vers des pays comme la Russie qui a très envie d’avoir une sortie vers la Méditerranée, ou la Chine qui a très envie d’avoir une porte d’entrée en Europe !”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Alexis Tsipras aussi joue un double jeu parce que d’une part, il accuse l’Europe de chantage, mais d’une certaine manière, il fait aussi chanter l’Europe parce qu’il y a des liens diplomatiques qui se font avec la Russie !”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Oui, mais il y a plusieurs raisons de cela, à mon avis. D’abord, la Grèce vend beaucoup de choses à la Russie, mais maintenant, tout est arrêté à cause des relations de l’Europe avec la Russie. Mais aussi, comme un bon homme politique, il a sorti une autre carte, pour dire aux autres : “voilà, j’ai une autre possibilité”. Eh bien, c’est le jeu politique, cela me paraît normal.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Nous avons reçu cette question de Konstantinos Christofis – parce que je sais que la Grèce vous tient à cœur – qui demande : “que vient-il à votre esprit quand vous entendez le mot “Hellas” – la Grèce ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Hellas … Eh bien, cela me donne une grande émotion, surtout quand la Grèce se trouve dans une situation aussi grave que ça. Quand ça va bien, cela m’est égal. Je n’y pense même pas. Et chaque fois – quand il y a eu, par exemple, les colonels qui ont pris le pouvoir, j‘étais tellement furieux que j’ai fait le film Z. C’est pour cela que j’ai fait Z ! Aujourd’hui, je n’ai pas les moyens, je n’ai pas l’histoire pour faire un film, alors je viens parler chez vous de la Grèce pour dire que Tsipras n’est pas celui que vous pensez.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Mais, la situation de la Grèce est en train d’empirer, et on a l’impression que quoi qu’il en soit, elle va empirer avant de s’améliorer : il y a 60 % des jeunes qui sont au chômage, on parlait d’une “génération perdue”, mais là, on serait à combien de générations perdues, à votre avis ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Il y a le chômage, mais il y a ceux qui partent aussi. Et ça, c’est un autre appauvrissement pour la Grèce parce que ce n’est pas sûr qu’ils vont y retourner évidemment. Mais ça, c’est ce que Tsipras essaye d’arranger. Et ça, ça a été fait par les hommes politiques de gauche et de droite qui ont dirigé la Grèce maintenant depuis des dizaines et des dizaines d’années ! C’est à cause d’eux que la Grèce est arrivée là où elle est !”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Vous êtes allé récemment en Grèce, comment est le peuple grec, comment vous le ressentez en ce moment ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“C’est effrayant. Les gens n’ont aucun espoir, ils broient du noir en permanence, ils racontent tous les problèmes qu’ils ont parce qu’ils ont tous des problèmes, sauf naturellement ceux qui ont les moyens. Mais moi, je n’ai pas rencontré beaucoup de ceux-là, j’ai surtout rencontré de l’autre côté, et c’est vrai qu’ils veulent des changements. Changer, changer … Et leur seul espoir, c’est l’Europe.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Mais s’ils veulent changer, ils ont aussi besoin de se responsabiliser, et on dit souvent que le seul marché qui fonctionne en Grèce en ce moment, c’est le marché noir. Est-ce qu’il y a ce sentiment de responsabilité ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Moi, je pense qu’ils sont prêts à changer, à condition que les hommes politiques leur donnent la direction, et qu’ils soient honnêtes aussi.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Eh bien justement, Alexis Tsipras n’a pas mis en place les réformes contre le clientélisme, il n’a pas fait en sorte que, dans le pays, ce soit la méritocratie qui soit reconnue.”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Vous savez, il est là depuis cinq mois … Moi, pour faire un film, je mets deux ans. Pour changer un pays, en cinq mois, avec tous les problèmes qu’il a avec les Européens, la dette, etc. Par contre, je sais que beaucoup de réformes ont commencé à être étudiées, et éventuellement changées. Je ne les connais pas toutes, mais on m’a parlé de certaines. Mais, c’est vrai qu’il faut du temps pour changer un pays, un pays qui a glissé dans la situation dans laquelle il est maintenant depuis des années et des années. Parce que le peuple ne croit plus en ses hommes politiques.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Mais, il ne croit plus en Tsipras alors ? Parce que, quand même, quand on parle du référendum, 60 % étaient pour, mais 40 % étaient contre !”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Forcément. Mais 60 %, c’est énorme. Parce qu’il a été élu avec 36 %, alors voyez le bond qu’il a fait en quelques mois ! Donc les gens croient en lui.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Nous parlons des fléaux du pays, nous avons reçu cette question de Barbara Simons Shuwarger qui dit : “y a-t-il plus de politiciens corrompus en Grèce que dans d’autres pays, et si c’est le cas, pourquoi ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“En Grèce, à cause des partis, une sorte de clientélisme épouvantable s’est développée. On ne vote plus pour un gouvernement qui fera des lois, qui guidera le parti, on vote pour ses propres intérêts. Qu’est-ce que ce député va nous apporter ? C’est la pire des choses. Et que font les députés ? Ils essayent de satisfaire l‘électorat. C’est la pire des démocraties. C’est une sorte d’autre type de dictature. C’est ça qui doit changer.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Alexis Tsipras a déclaré, je le cite, que “personne n’a le droit de diviser l’Europe”. Mais vous ne trouvez pas que c’est une ironie plutôt tragique : si quelqu’un est en train de diviser l’Europe, c’est bien lui ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Vous croyez que l’Europe était unie ? L’Europe est complètement divisée ! C’est chacun pour soi. Regardez les Anglais, les Hollandais, chacun tire de son côté, c’est effrayant ce qui se passe en Europe ! Mais pourquoi ? Parce que l’Europe n’a pas été faite sur des bases politiques. Notamment, elle a commencé avec Jacques Delors, et puis après, José-Manuel Barroso et les autres ont abandonné.”

Les temps forts de la pensée européenne : “La terre est plate” ; “Le soleil tourne autour de la Terre” ; “L’austérité fonctionne”. Dessin de Martyn Turner

Tsipras : la Grèce ne veut plus être le “laboratoire de l'austérité” http://t.co/t0O6OngNWcpic.twitter.com/jdYT3q7qXj

— Courrier inter (@courrierinter) 8 Juillet 2015

Isabelle Kumar, Euronews :
“Mais vous ne diriez pas que Tsipras a divisé l’Europe avec ses propos ? Il amène la Grèce à la sortie de l’Europe !”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Non, ce sont les Européens qui la mettent à la porte.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“C’est la part des deux !”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Si l’Europe a été divisée à cause de Tsipras en 5 mois, c’est qu’elle n‘était pas solide.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Alors, qui seraient les alliés de la Grèce en Europe, est-ce qu’elle a des alliés ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“La France.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Vous pensez vraiment que la France est l’alliée de la Grèce ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“En grande partie. Le Premier ministre, le Président, et j’ai entendu d’autres hommes politiques hier qui ont parlé d’une manière très positive pour la Grèce. Mais les pays ont des intérêts, ils n’ont pas d’amitiés, ils n’ont pas des alliés, vous savez, ils ont des intérêts, alors chacun regarde son intérêt.”

Costa-Gavras appelle fhollande</a> à &quot;faire tout ce qui est possible&quot; pour aider la <a href="https://twitter.com/hashtag/Grece?src=hash">#Grece</a>&#10;&#10;➡<a href="http://t.co/zCV23RCFum">http://t.co/zCV23RCFum</a> <a href="http://t.co/4eJC2yOSBg">pic.twitter.com/4eJC2yOSBg</a></p>&mdash; francetv info (francetvinfo) 6 Juillet 2015

Isabelle Kumar, Euronews :
“Exactement. Alors, est-ce que vous pensez que le président François Hollande va choisir Athènes au-dessus de Berlin ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Non, choisir, cela ne se passe pas comme ça. Je pense qu’il va essayer de trouver une solution entre les deux. Vous savez, dans les négociations, si on veut être correct, il ne peut pas y avoir de vainqueur. Il faut toujours qu’il y ait un compromis des deux côtés, et que les deux lâchent quelque chose, pour qu’il y ait une bonne négociation. Sinon, c’est la dictature du plus fort. C’est vrai que Madame Merkel a tous les pouvoirs en ce moment en Europe, donc cela veut dire que l’Europe n’est pas unie puisqu’il y a un pouvoir !”

Isabelle Kumar, Euronews :
“J’ai évoqué les alliés de Tsipras, il a des alliés assez étonnants. Et là, je pense à Marine Le Pen, la chef du Front National. Il semble qu’Alexis Tsipras, peut-être sans le vouloir, a joué dans le camp des eurosceptiques …”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Non, il n’a pas joué dans le camp des eurosceptiques autant que je sache. Il a surtout joué dans le sens du bien des Grecs. Alors, si quelques-uns sont occupés, comme Madame Le Pen, comme Monsieur Mélenchon et quelques autres à s’accrocher à lui pour pouvoir dire des choses dans leur sens, ce n’est pas de sa faute, je crois.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“L’ancien ministre des Finances, Yanis Varoufakis, est presque devenu une icône, c’est une star de la politique. J’ai même lu qu’on le décrit comme le “George Clooney” du gouvernement …”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Ce qui n’est pas vraiment un parallèle très intéressant politiquement. Parce que Georges Clooney, c’est un acteur, et Yanis Varoufakis, c’est un homme politique, un financier. C’est des facilités des médias cela.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Qu’en pensez-vous alors ? Si nous regardons son sort, est-ce qu’il a été sacrifié ? Est-ce qu’il devait partir ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Non, il devait sûrement partir parce que son image auprès des Européens n‘était pas bonne. Alors, je ne sais pas si cette image était justifiée ou pas. Selon des éléments que j’ai, son blog que j’ai lu de temps en temps, sa mauvaise image n’est pas justifiée. Mais enfin, c’est une autre affaire. Mais, pour continuer sa négociation, Tsipras a bien fait de le laisser partir.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Et lorsque nous regardons ce qui se passe en Grèce, je l’ai évoqué au début, c’est presque comme un film. Et nous avons reçu une question de Malcolm Davey qui demande : “est-ce que le cinéma politique existe-t-il toujours ? Parce qu’on le vit !”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Tout le cinéma est politique ! C’est un philosophe français qui a dit ça, et il a raison : tous les films sont politiques, ou il y a de la politique dans tous les films, on peut les analyser politiquement. Pourquoi ? Parce qu’on s’adresse à des milliers, à des millions de personnes. Et c’est cela qui est politique.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Alors, je vous demande d’imaginer Alexis Tsipras, Varoufakis, la chancelière allemande Angela Merkel, le chef de la Banque centrale européenne Mario Draghi comme des personnages de l’un de vos films. Quel rôle leur donneriez-vous ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Le rôle qu’ils ont dans la politique ! C’est ça. Il faudrait faire un film sûrement de cela, peut-être faut-il mettre aussi une partie de comédie.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Et quel serait l’aspect de comédie, dites-moi ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Eh bien, pour faire sérieux, et pour faire léger aussi comme vous disiez avant, pour faire rire aussi les gens parce qu’ils ont des choses risibles aussi tous ces gens-là.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Et qu’est-ce qui peut nous faire rire alors par rapport à ce qui se passe maintenant ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Il faudrait que je note avec une plume. Parfois, leur comportement, leurs mensonges, leurs contradictions : ils disent une chose un jour, et puis le lendemain, c’est différent.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Alors, votre dernier film est de 2012, est-ce que ça vous inspire la situation que nous vivons aujourd’hui, est-ce que vous pensez faire un autre film sur ce que l’on vit maintenant ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Non, je pense sûrement faire un autre film, j’y travaille d’ailleurs, mais pour la situation actuelle et la situation européenne, il faudrait avoir Charlie Chaplin, je crois, pour faire un film.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Finalement, vos films parlent de la réalité et des difficultés sociales, de l’abus du pouvoir. Quel regard portez-vous sur la société et ses dérives ?”

Costa-Gavras, cinéaste :
“La société aujourd’hui a une nouvelle religion qui est l’argent. Voilà. On ne pense plus qu‘à soi-même et comment avoir de plus en plus de biens. On pense de moins en moins aux autres. Et comme je disais avant, nous sommes dans une société où il y a de plus en plus de riches et de plus en plus de pauvres. Est-ce qu’on peut accepter que cela continue ? Moi, je pense qu’on ne peut pas, et surtout qu’il ne faut pas.”

Isabelle Kumar, Euronews :
“Costa-Gavras, merci beaucoup.”

Costa-Gavras, cinéaste :
“Merci à vous de m’avoir reçu.”

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