Jesse Jackson : "il faut construire un pont entre les migrants et nous"

Jesse Jackson : "il faut construire un pont entre les migrants et nous"
Par Euronews
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Compagnon de route de Martin Luther King, le révérend Jesse Jackson reste une figure politique incontournable aux Etats-Unis. Nous l’avons rencontré

PUBLICITÉ

Compagnon de route de Martin Luther King, le révérend Jesse Jackson reste une figure politique incontournable aux Etats-Unis. Nous l’avons rencontré lors de sa venue en Ecosse où il a reçu un prix pour son engagement militant. Occasion de l’interroger sur les questions d’immigration aux Etats-Unis et en Europe, la politique étrangère et la prochaine présidentielle américaine.

Joanna Gill, euronews :
“Défenseur des droits civiques, homme d‘église, journaliste et “citoyen du monde”… Il y a de nombreuses manières de vous présenter. La politique étrangère est aussi votre domaine de prédilection et vous avez récemment rencontré Julian Assange. Qu’espériez-vous de cet entretien ?”

Jesse Jackson :
“Je voulais écouter ce qu’il a à dire. J’ai lu beaucoup de ses publications. Il y avait un grand nombre de citoyens américains et britanniques entre autres qui protestaient contre la guerre en Irak et au bout du compte, les révélations sur les agissements qui se sont produits ont été plutôt embarrassantes.
Mais je voudrais simplement souligner que la liberté de la presse a du poids et c’est une bonne chose. Placer en détention sans procès est une mauvaise chose. J’espère que cette question sera prise en compte et réglée assez rapidement.”

Joanna Gill :
“J’aimerais aborder un sujet qui suscite la controverse aux Etats-Unis et en Europe, à savoir l’immigration. En Europe, on parle d’une crise des migrants avec toutes ces personnes qui traversent la Méditerranée. De l’autre côté de l’Atlantique, le président Barack Obama a proposé de régulariser environ cinq millions de sans-papiers. Mais la mesure a été retoquée. D’après vous, comment les Européens et les Américains devraient-ils aborder cette question ?”

Jesse Jackson :
“Les pays européens et les Etats-Unis sont les nations riches et une grande partie de leurs richesses provient des ressources des pays pauvres. Il y a donc un écart énorme de richesses, de revenu, d‘éducation et de ressources. Donc ceux qui sont démunis et ceux qui ont perdu espoir se rendent là où se trouvent les ressources. Soit nous construisons un pont entre eux et nous et nous les aidons à se développer, soit nous serons dans une logique qui visera à les maintenir éloignés et dans la confrontation.
J’espère que nous ferons preuve d’humanité. La question de l’immigration aux Etats-Unis et celle des migrations en Europe sont fondamentalement les mêmes. Elles découlent de cet écart. Ces personnes qui partent de chez elles en grand nombre ne le font pas parce qu’elles le veulent. Elles ont faim et leurs droits en tant qu‘être humain devraient être défendus.”

Après Cuba et l’Iran, le VenezuelaJoanna Gill :
“Passons à la politique étrangère. Vous êtes connus pour avoir visité Cuba dans le passé. Aujourd’hui, le drapeau américain flotte à nouveau sur l’ambassade américaine à la Havane. Que ressentez-vous quand vous voyez cela ?”

Jesse Jackson :
“Je m’en réjouis, c’est vraiment ce qu’il fallait faire. Il y a une fascination pour Cuba. En 1959, les Afro-Américains, les Latino-Américains ne pouvaient pas voter, ne pouvaient pas faire valoir leurs droits fondamentaux en tant qu‘êtres humains. Presque toute l’Amérique latine était sous domination étrangère. L’Afrique – jusqu‘à l’Afrique du Sud – subissait une forme d’occupation ou de colonialisme et tous ces pays voyaient une source d’espoir dans la survie de Cuba. Aujourd’hui, nous avons achevé un cycle en rétablissant les relations américano-cubaines.
J’espère que l’accord multilatéral avec l’Iran sera un succès et se confirmera dans les faits et qu’un rapprochement avec le Venezuela sera la prochaine étape. Nous devons choisir la paix plutôt que la guerre. C’est la meilleure des voies et c’est moins cher que la guerre.”

**“Nous avons nos propres défis à relever en matière de droits de l’Homme”**Joanna Gill :
“Cela tombe bien que vous parliez des droits de l’Homme parce que c’est l’une des questions qui restent controversées dans ce rapprochement avec Cuba. Certains dénoncent la situation des droits de l’Homme sur place. Qu’en pensez-vous ?”

Jesse Jackson :
“Il y en a aussi qui dénoncent la situation des droits de l’Homme aux Etats-Unis. Après tout, nous représentons 5% des habitants de la planète et 25% de la population carcérale dans le monde. Nous avons nos propres défis à relever en la matière et je suis sûr que parce que nous communiquons, nous pouvons travailler ensemble sur ces questions. Nous n’avons aucune légitimité pour imposer à Cuba des normes que nous n’appliquons pas nous-mêmes.”

Joanna Gill :
“L’administration Obama s’est désormais saisie de toutes ces questions. Pensez-vous que le président américain est en train d’accélérer un peu le tempo sur des sujets dont il aurait pu se préoccuper avant ?”

Jesse Jackson :
“Je pense que le rapprochement avec Cuba suscite une certaine appréhension et s’il l’avait fait il y a cinq ans, il n’aurait peut-être pas été réélu. Mais aujourd’hui, les Américains sentent qu’il était temps d’agir et que c‘était la chose à faire.
La situation est similaire pour l’Iran. Donner à l’Iran sa place dans la communauté internationale suscite beaucoup de peur, mais l’exclure en suscite encore plus.
Certains responsables politiques et certains généraux comprennent le bien-fondé de cet accord, d’autres le dénoncent.
Je pense qu’il devra rejetter toute opposition sur ce sujet pour être en mesure d‘établir avec l’Iran une relation commerciale d’envergure, pour faire la même chose avec Cuba, puis avec le Venezuela. Je parle du Venezuela parce que ce pays se situe dans notre hémisphère, nous devons établir la paix dans cet hémisphère.”

Joanna Gill :
“Vous évoquez le Venezuela. Mais des questions se posent au sujet de son gouvernement : des manifestations violentes ont été réprimées.
D’après vous, faut-il aussi se préoccuper de la situation des droits de l’Homme dans ce pays ?”

Jesse Jackson :
“De toutes façons, c’est préférable de parler des droits de l’Homme plutôt que d’essayer d’isoler ce pays.
La situation des droits de l’Homme pose également question en Chine, or nous avons des relations commerciales et diplomatiques. A une époque, on s’est dit que c‘était mieux de discuter avec eux plutôt que de tenter de les isoler.
Eriger un Mur de séparation entre l’Est et l’Ouest en Allemagne n‘était pas une bonne chose, tout comme isoler Cuba ou encore boycotter les jeux olympiques en Russie. Se parler, il n’y a que ça qui fonctionne.”

Relations interraciales : de nouveaux droits, de nouvelles attaquesJoanna Gill :
“Abordons à présent la politique intérieure américaine et les relations interraciales.
Il y a quelque temps, vous avez dit que la brutalité policière reposait sur une logique de classe sociale plutôt que de race. Pouvez-vous nous préciser votre point de vue ?

Jesse Jackson :
“En 1865, après 246 ans d’esclavage, les Africains étaient libres. C‘était une avancée majeure vers la liberté et de grandes valeurs. Ensuite, il y a eu un mouvement réactionnaire et pendant 70 ans, 4200 Afro-Américains ont été lynchés en réaction à ces avancées. Depuis 50 ans, il y a eu des problèmes en réaction à ces progrès. Cela prend la forme d’assassinats et d’emprisonnements. Mais au final, on est en train de gagner. Avant, on nous refusait le droit de vote ; aujourd’hui on a un président afro-américain. Nos attentes – limitées – sont devenues illimitées.
Les droits des travailleurs, des femmes, des enfants… Tous ces droits sont attaqués, mais on assiste à une lutte pour défendre l‘âme de l’Amérique et l‘âme de l’Europe. Et les gens qui veulent se battre pour la justice doivent être des coureurs de fond, ils ne doivent pas renoncer, ils doivent s’accrocher aux fils de l’espoir.
Dans une compétition entre l’espoir et la peur, l’espoir et le courage doivent prévaloir.”

Joanna Gill :
“Je voudrais vous poser une dernière question. Une élection présidentielle est prévue aux Etats-Unis l’année prochaine. Quel sera le sujet numéro un lors de cette campagne et qui sera la personne la mieux placée pour s’en occuper ?”

Jesse Jackson :
“Les riches sont de plus en plus riches, les pauvres sont de plus en plus nombreux et les classes moyennes sont en train de disparaître. C’est pourquoi d’un côté, on peut avoir Donald Trump qui a exploité certaines peurs et de l’autre, Bernie Sanders qui exploite l’espoir. Les deux s’adressent à des gens qui se sentent exclus de la maison “Amérique”. Nous continuerons de lutter tant que nous n’aurons pas un engagement clair en vue d’en finir avec l’exclusion.”

“Hillary Clinton s’impose” dans cette campagneJoanna Gill :
“Vous parliez du démocrate Bernie Sanders, candidat à la primaire démocrate, qui est un ami à vous. Est-ce que ça veut dire que vous soutenez sa nomination ?”

PUBLICITÉ

Jesse Jackson :
“Non, il est trop tôt pour se prononcer. Hillary Clinton va mener une campagne formidable. Actuellement, elle est en tête dans tous les sondages. Elle a fait ses preuves. Elle a toutes les qualifications requises pour devenir la prochaine présidente et jusqu‘à présent, c’est elle qui s’impose.”

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

L'enquête sur l'effondrement du pont de Baltimore s'accélère

Effondrement d'un pont à Baltimore : le bateau avait lancé un signal de détresse

Trump obligé de vendre des biens pour payer une caution de 454 millions de dollars ?