La société grecque sombre sous le poids des réformes

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Par Euronews
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Cinq ans de crise, trois programmes de financement, un été chaud... En Grèce, les premières réformes du nouveau mémorandum étranglent les entreprises et les ménages. Nous faisons l'examen de l

Pour prendre le pouls des entreprises grecques, commencons par nous intéresser à une PME qui comme beaucoup, a douloureusement éprouvé la crise : une usine familiale de chaussettes à Athènes. Nous y rencontrons Anathasia Prountzou qui tous les matins, arrive sur place en se demandant si elle a toujours son emploi. La crise avait déjà entraîné une baisse de la production et des licenciements dans sa société. Mais cet été, la situation a empiré avec le contrôle des capitaux imposé pendant les négociations entre la Grèce et ses partenaires européens sur une troisième aide financière.

“En juillet et août, on avait tout le temps peur que l’usine ferme, on nous a demandé de prendre des congés parce qu’on ne savait pas si nos clients allaient prendre leurs commandes ou commencer à les annuler, raconte Athanasia Prountzou. Il y avait aussi le problème de la fermeture des banques : elles nous donnaient de l’argent au compte-gouttes, poursuit-elle, ce qui a été une torture pour ma famille, pour moi, mais aussi pour mon employeur parce qu‘évidemment, il ne pouvait pas me donner mon argent.”

Employés en détresse, entreprises en déroute

Dans cette entreprise fondée il y a soixante ans, deux générations de patrons se sont succédées et on se souvient des beaux jours où l’usine tournait 24 heures sur 24 et comptait plus de 50 salariés. Aujourd’hui, on ne travaille plus que huit heures par jour et l’effectif est passé à moins de dix employés. Cet été, le patron Pavlos Ravanis a dû stopper la production car il n’arrivait pas à acheter certaines matières premières à l‘étranger en raison des limites imposées pour obtenir des fonds auprès des banques. Mais son entreprise n’est pas encore tirée d’affaire : “on va devoir (…) stopper la production pour 10-15 jours en septembre, explique Pavlos Ravanis, en attendant d’avoir de nouvelles commandes et de pouvoir recommencer à travailler.”

Et il n’y a pas que le problème avec les banques qui explique ces difficultés. Les consommateurs ont aussi réduit leurs achats. De nombreux Grecs n’ont pas les moyens de dépenser pour autre chose que pour se nourrir en raison de la crise et de récentes hausses d’impôts et de taxes sachant que dans les prochains mois, ils devront encore consentir à des efforts : la nouvelle aide de 86 milliards d’euros accordée à leur pays doit s’accompagner d’un alourdissement de la fiscalité et d’une réduction de certaines dépenses publiques.

Athanasia Prountzou, elle, a trois enfants et son mari est à la retraite. La famille a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. “Je suis allée à la banque pour retirer de l’argent – les 60 euros autorisés – et c‘était comme si je n’avais rien eu, souligne-t-elle, je me suis dit : “je travaille pour rien”, je suis allée au supermarché et j’ai eu l’impression que mon argent s‘évaporait en un instant et dans le cas de mon mari qui est retraité, ajoute-t-elle, chaque mois, il reçoit moins d’argent : ce mois-ci, sa pension a été réduite de 80 euros.”

“Payer nos impôts, c’est la dernière de nos priorités”

Partons à présent pour la région de Markopoulo, une banlieue d’Athènes : sur place, les vendangeurs ne font pas de pause malgré le soleil de midi. Les vignes peuvent d’autant moins attendre dans un contexte économique brûlant. L’industrie du vin est l’une des plus fortement touchées par les récentes réformes. Ses entreprises ont besoin de fûts en provenance de France, de bouteilles et d’additifs d’Italie et de bouchons du Portugal. Tout vient de l‘étranger. Mais cet été, les importations ont été gelées alors que dans le même temps, il fallait continuer à payer factures et impôts.

Pour Anastasia Fragou, propriétaire d’un domaine familial, les deux derniers mois ont été les plus durs de ces dernières années. Elle a dû revoir ses priorités. “Nos transactions avec l’Etat ont été gelées pendant plus de deux mois, insiste-t-elle. Aujourd’hui, on a recommencé à payer un peu, mais les impôts et les taxes sont de plus en plus élevés, poursuit-elle. Je pense qu’on doit d’abord payer nos fournisseurs et nos employés ; on va essayer de survivre et après, on paiera ce qu’on doit à l’Etat.”

Dans cette autre société qui produit des rayonnages métalliques, les téléphones ont cessé de sonner immédiatement après la fermeture des banques. Au bout d’un mois, les choses ont commencé à rentrer dans l’ordre. Mais aujourd’hui, les obstacles restent nombreux : des transactions gelées, des taxes plus élevées et un climat d’incertitude persistant…
Employés et managers font face malgré tout, en se disant parfois qu’il vaut mieux en rire comme de cette hypothétique sortie de la Grèce de la zone euro. “Bien entendu, on devait trouver comment on allait être payé et comment on allait rémunérer nos salariés, explique l’un des responsables, Stephanos Dimitroulakos, mais il est clair que dans nos échanges avec nos clients et nos fournisseurs, on faisait de l’humour en disant que du jour au lendemain, on pouvait revenir à la drachme.”

Le summum de la crise ?

Mais l‘état de l‘économie grecque ne prête pas vraiment à sourire : elle n’a jamais été autant malade depuis le début de la crise. De nombreuses PME ont mis la clé sous la porte et le nombre de licenciements a atteint en juillet, son plus haut niveau depuis quinze ans tandis que le taux de chômage s’est établi à 25%. Un record. La tenue d‘élections législatives le 20 septembre maintient la société grecque dans l’attente même si beaucoup ne se font guère d’illusions sur l’avenir.

“Les partis politiques doivent travailler ensemble, trouver un moyen de nous sortir de là, même avec le troisième plan de réformes que certainement, nous condamnons tous sur de nombreux aspects, estime Pavlos Ravanis, patron de l’entreprise de chaussettes. Mais il faut qu’il soit appliqué, insiste-t-il, pour que notre pays puisse sortir de ses difficultés.” Stephanos Dimitroulakos n’hésite pas à aller plus loin : “On doit toucher le fond pour notre bien, pour pouvoir remonter à la surface,” dit-il. De son côté, Anastasia Fragou, propriétaire du domaine viticole, assure : “Avec ce climat d’incertitude, nos ventes vont encore chuter et la situation sera tout sauf meilleure” tandis qu’Athanasia Prountzou, employée à Athènes, nous lance : “Ces élections ? Non, je ne crois pas que ce sera mieux après, ce sera pire.”

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