Vali Nasr, spécialiste du Proche-Orient : " Dans tous les conflits, il y a des motivations cyniques "

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Par Euronews
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Alors que la Russie promet deux ou trois mois de frappes en Syrie, euronews a interviewé l’analyste Vali Nasr à Washington. Il est le doyen de la

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Alors que la Russie promet deux ou trois mois de frappes en Syrie, euronews a interviewé l’analyste Vali Nasr à Washington. Il est le doyen de la Johns Hopkins School of Advanced International Studies. Spécialiste du Proche-Orient, il a aussi travaillé au département d’Etat américain durant le premier mandat de Barack Obama.

euronews : “ Professeur Nasr, comment interprétez-vous la stratégie d’Obama sur la Syrie ? Y en a-t-il seulement une ? “

Vali Nasr : “ L’administration américaine a été très réticente à s’impliquer directement en Syrie, en particulier militairement. Elle craint que ce soit une pente glissante vers la guerre. Sur le front diplomatique, elle se contente d’appeler au départ d’Assad, mais elle n’a pas vraiment mis les bouchées doubles pour obtenir une solution diplomatique qui en puisse en finir avec la guerre. Donc, les Etats-Unis ont une position sur la Syrie mais n’ont pas de stratégie pour mettre un terme à la guerre. “

euronews : “ Et comment est-ce que l’action russe modifie la donne sur le terrain ? “

Vali Nasr : “ La Russie s’est attribué un rôle beaucoup plus actif et a sû profiter du vide laissé par les Etats-Unis. Mais ce qui est plus important, c’est que l’action russe a rebattu les cartes sur la scène syrienne, et cela rendra aussi beaucoup plus difficiles les frappes aériennes des Etats-Unis contre les positions de l’Etat islamique puisqu’on parle d’instaurer une zone d’exclusion aérienne. Cela complique en fait toutes les actions potentielles des Etats-Unis contre le régime d’Assad parce que désormais tout le monde se retrouvera face à l’armée russe et c’est un calcul qu’aucun des pays ou des parties prenantes en Syrie n’avait fait avant. “

euronews : “ Donc si vous étiez conseiller du président Obama aujourd’hui, que lui diriez-vous ? “

Vali Nasr : “ Auparavant, cela avait tout d’une guerre par procuration entre l’Iran et l’Arabie saoudite et cela voulait dire qu’aucune des deux parties ne voulait faire de compromis parce qu’elles imaginaient l‘épilogue en Syrie comme le résultat d’une compétition qui serait remportée par l’un ou l’autre. Désormais, le jeu a changé autant pour l’Iran que pour l’Arabie saoudite, et plus particulièrement encore pour les Saoudiens. Ils ne sont plus face aux Iraniens, ils sont face à la Russie. C’est la même chose pour la Turquie, qui était en désaccord avec l’Iran sur Assad. Elle n’est plus face à l’Iran. La Syrie était jusque-là dans une impasse. Il n’y avait pas d’issue diplomatique possible. Tout le monde était recroquevillé sur ses positions. La Russie a changé la dynamique. La question clé pour le président Obama est de savoir si les Etats-Unis ont à présent l’opportunité de faire ce qu’ils n’ont pas pu faire avant. “

euronews : “ Mais la question n’est-elle pas plutôt ; qu’est-ce qui change ? Au final, la priorité pour la Russie sera toujours de maintenir Assad. “

Vali Nasr : “ Evidemment, le chien de la Russie dans cette guerre est Assad. Sa réputation est liée au sauvetage d’Assad. Ses intérêts stratégiques sont liés au sauvetage d’Assad. Mais dans tous les conflits, la participation des protagonistes au combats a des motivations cyniques. Pour les Iraniens, il s’agit de maintenir leur image et de protéger le Hezbollah. Pour les Saoudiens, il s’agit de faire échec à l’Iran et d’humilier la Syrie. Donc chacun a des motivations cyniques dans ce conflit et quelquesoit le vainqueur en Syrie, il en sortira évidemment renforcé d’une manière ou d’une autre. Mais comme cela a aussi été le cas avec les Balkans, il y aura un bénéfice à mettre fin au conflit. Il y aura un bénéfice pour l’Europe parce que cela arrêtera la crise des réfugiés. Et il y aura un bénéfice pour tous les pays de la région parce que la poursuite de la guerre serait plus déstabilisante encore. “

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