La question sécuritaire domine les législatives turques

La question sécuritaire domine les législatives turques
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Par Beatriz Beiras avec Omer Gülel, Sandrine Delorme
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Les Turcs sont de nouveau appelés à élire leur Parlement ce dimanche 1er novembre. Pour la première fois de son histoire, la Turquie est gérée depuis cinq mois par un gouvernement intérimaire.

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Les Turcs sont de nouveau appelés à voter ce dimanche 1er novembre. Objectif : sortir le pays de l’impasse politique. Il y a cinq mois, l’AKP, le parti justice et développement, au pouvoir depuis 2002 perdait sa majorité absolue au parlement. Depuis aucune coalition n’a pu être formée. Pour la première fois de son histoire, la Turquie est gérée par un gouvernement intérimaire, composé de députés de l’AKP et du parti de la démocratie des peuples, le HDP, pro-kurde et de gauche.

Et en cinq mois, la situation a changé, la Turquie a replongé dans la violence. En juillet, l’attentat meurtrier de Suruç contre des jeunes kurdes a fait reprendre les armes au PKK après un cessez-le-feu de plus de deux ans.
Dans la foulée, Ankara s’est lancé dans “une guerre contre le terrorisme” visant le PKK et les jihadistes d’Etat islamique. Le sud-est du pays est le théâtre d’une nouvelle guerre entre l’armée et les miliciens kurdes : 140 soldats et policiers sont morts, encore plus de miliciens ainsi que des dizaines de civils.

Le terrorisme et la sécurité sont redevenus les priorités des partis politiques. Ce 10 octobre, un double attentat suicide tuait 102 personnes à Ankara. C’est le pire attentat de l’histoire de la Turquie. Selon la justice turque, il a été commandité par Etat islamique pour tenter de faire annuler les législatives. Cette attaque a pris pour cible des militants de gauche et de la cause kurde, et a davantage divisé le pays que provoqué un élan d’unité nationale.

La polarisation de la population et les tensions sont encore montées d’un cran avec l’interruption manu militari de la diffusion de deux chaînes de télévision ce mercredi à Istanbul. Bugûn TV et Kanaltürk appartiennent au groupe media Koza-Ipek.
Un groupe que les autorités ont mis sous tutelle. Elles l’accusent d‘être financé et de faire la propagande de Fethullah Gülen, un prédicateur musulman en exil aux Etats-Unis, que le président turc Erdogan accuse de vouloir bâtir un “Etat parallèle” pour le renverser.

Dans ce contexte de tensions sécuritaires, la dégradation de l‘économie turque, bien que moins décisive, est aussi à prendre en compte dans le choix des électeurs. Pendant 13 ans, la bonne santé économique a été un facteur d’adhésion à l’AKP.

Mais en un an, la lire a perdu 25 % de sa valeur face au dollar et 15 % face à l’euro. L’inflation est montée à 7,9 % et le taux de chômage a atteint 11,2 %. Beaucoup d’emprunteurs commencent à avoir du mal à rembourser leurs crédits à la consommation. Des problèmes supplémentaires en vue pour le futur vainqueur des élections.

Interview

Avant les élections du 7 juin 2015, nous avions reçu le directeur de l’institut de sondage A&G. Adil Gür nous disait alors : “ces élections vont nous mener rapidement à de nouvelles”. Aujourd’hui, juste avant les législatives qu’il avait anticipées, Adil Gür est à nouveau notre invité.

euronews, Omer Gülel :

Quel type de résultat attendez-vous du scrutin du 1 er novembre ? Que nous montrent vos derniers sondages ?

Adil Gür :

“J’aimerais encore vous répondre avec certitude de manière aussi impressionnante. Selon nos enquêtes d’opinion, l’AKP doit pouvoir former un gouvernement à lui seul et de manière confortable. Dans notre dernier sondage qui date de mercredi, l’AKP obtenait 47 % d’intentions de vote, ce qui leur donne 285-290 sièges au parlement sur un total de 550, autrement dit le gouvernement ne serait formé que de l’AKP.”

Après les élections de juin, suite aux attaques, vous aviez dit que le HDP était passé de 13 à 11 %. Cette régression a-t-elle continué ? Selahattin Demirtas affirme qu’il n’aura pas de problème pour atteindre le seuil fatidique des 10 %.

Adil Gür:

“Je peux vous donner rapidement les pourcentages d’intentions de vote des autres partis : AKP, 47,2 %, CHP : 25,4, MHP : 13,5 et HDP : 12,2 %. Donc, il y a bien une baisse des intentions de vote en faveur du HDP, mais pas d’un niveau remarquable.
Quand les violences de part et d’autre se sont intensifiées, le vote HDP est tombé à 11 %, mais il est remonté depuis à plus de 12 %. Donc, on aura encore une assemblée à quatre partis. Notez un point intéressant, le MHP devrait être le troisième plus grand parti en terme de voix, mais le HDP devrait avoir encore plus de sièges et devrait rester le troisième plus grand parti au parlement.”

Le 7 juin, deux millions d‘électeurs sur 46 ont voté pour des partis qui n’ont pas atteint le “seuil-barrage” des 10 % qui permet d’entrer au parlement. Parmi eux, un vote contestataire, mais surtout un million et demi d‘électeurs qui pensait que leurs partis allaient y parvenir. Pourtant ces partis ont fini bien loin de ce seuil. Pensez-vous qu’il y aura report des voix sur les quatre grands partis cette fois-ci ?

Adil Gür :

“Oui, on l’a vu de manière très claire dans nos sondages d’opinion. Le 7 juin, 4 % des votes ont été gaspillés, pour les élections de dimanche, seulement 2 à 2,5 % des voix devraient aller aux petits partis non représentés au parlement.”
C’est l’un des facteurs qui permettrait à l’AKP d’atteindre les 47 %. Par exemple, la coalition des partis islamistes d’extrême droite SP-BBP a obtenu 2,1 % avec plus d’un million de voix en juin. Nos sondages nous montrent que les petits partis vont récolter encore moins de voix et que les électeurs vont voter pour les grands partis.

Donc si quatre partis entrent bien au parlement et ont à peu près la même répartition en terme de sièges, des analystes disent qu’il pourrait y avoir des divisions et qu’un cinquième parti pourrait voir le jour à l’assemblée. Mais, selon vous, l’AKP remportera la majorité des sièges nécessaires à la formation d’un gouvernement et vous n’attendez plus la formation d’un cinquième parti, c’est cela ?

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Adil Gür :

“Exactement, je pense qu’il y aura un gouvernement formé d’un seul parti. Et même si ce n’est pas le cas, pour qu’un cinquième parti se forme en Turquie, il devra se passer quelque chose comme une grave crise économique ou un événement social particulier ou une menace étrangère. Dans les conditions actuelles, je pense que les scénarios évoqués ne sont que pures spéculations. Je ne pense pas que ça arrivera avant plusieurs années, au moins une ou deux. Les conditions ne sont pas réunies pour donner naissance à cinquième parti à l’assemblée.”

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