Bertrand Badie : "Etat islamique, des entrepreneurs de violences"

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Par Euronews
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Bertrand Badie, spécialiste des Relations Internationales et Professeur à Science Po Paris était l’invité ce mardi d’euronews. Mohamed Abdel Azim l’a

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Bertrand Badie, spécialiste des Relations Internationales et Professeur à Science Po Paris était l’invité ce mardi d’euronews. Mohamed Abdel Azim l’a interviewé :

Les attentats de Paris ont-ils bougé les lignes et le départ de Bashar est-il devenu secondaire par rapport à la lutte contre Daesh ?

Bertrand Badie :
“Je dirai que le gouvernement français est pris entre deux écueils, celui de changer de diplomatie sous l’effet de la crise et des événements douloureux de vendredi noir, ce qui est pratiquement impossible ; ou au contraire rester sur une ligne qui le conduisait un peu à une impasse.

Disons que le choix est un choix intermédiaire : le gouvernement français reste sur la ligne qui a été la sienne, et notamment une ligne favorable à l’intervention et aux pratiques d’intervention, avec tous les dangers qui lui sont associés, mais avec une certaine modulation.

On peut interpréter notamment le pas en direction de la Russie, le demi-pas encore implicite en direction de Bachar-al-Assad, comme étant des changements à la marge pour adapter cette diplomatie.”

Et justement face à Daesh, la communauté internationale est-elle plus unie aujourd’hui qu’avant les attentats ?

Bertrand Badie :
“Le grand problème, il est là, c’est-à- dire, qu’est-ce que Daesh, et qu’est-ce qu’une action contre Daesh, ou qu’est-ce qu’une action venant de Daesh ?

On répond à la question de manière un peu trop facile en disant : “c’est la guerre“. Mais la guerre dans notre mémoire européenne renvoie à bien d’autres choses.
Elle renvoie à un choc de puissances, à un choc d’Etats, à des armées qui se font face, à des territoires et des frontières, elle renvoie également à une diplomatie prête à agir et à entamer des négociations…

Il n’y a rien de tout ça avec Daesh, donc simplifier l’identité de Daesh en le considérant comme un proto-Etat et considérer que la meilleure façon de l’atteindre, c’est la guerre, me paraît être effectivement une réponse un peu à côté de la plaque.”

A l’heure de la globalisation, la menace terroriste repose sur des cellules dormantes, que peut faire l’Europe par rapport à ce point ?

Bertrand Badie :
“La notion de cellule dormante nous montre que ce qui est en première ligne aujourd’hui, ce ne sont plus les Etats, ni les armées, mais les sociétés.

Cette violence vient de la profondeur de la société, cette violence est organisée par des entrepreneurs spécialisés, Daesh comme Al Qaïda sont des entrepreneurs de violence, et du coup, nous continuons à penser la guerre comme s’il s’agissait d’un choc de puissances, et de puissances étatiques, alors que c’est en réalité les effets de décomposition et de transformations des sociétés.
Donc, c’est dans les sociétés qu’il faut repenser notre salut et notre sécurité.
Il faut même repenser les conditions même de fonctionnement de la société française.

Il y a dans la société française non seulement des cellules dormantes, mais des abcès de fixation, de frustration, d’humiliation, de tension, de violence, de rejet, d’intolérance de toute nature, qui sont le ferment de ce genre de catastrophe.

Et puis, il faut aussi penser aux sociétés d’origine, à la société irakienne, à la société syrienne, penser que ces sociétés sont en guerre parce qu’elles n’ont plus de contrat social, parce qu’elles sont décomposées, et donc la meilleure façon d’atteindre la paix, c’est de mobiliser les acteurs locaux, c’est de mobiliser les acteurs régionaux pour qu’ils reconstituent leur contrat social.

Je ne suis pas sûr que des interventions de puissances, d’Etat qui viennent de l’extérieur, et souvent de très loin, soient une manière de soigner ce genre de conflit.”

Voir la vidéo pour découvrir l’intégralité de l’interview de huit minutes.

Bertrand Badie est diplomé d‘études supérieures de Science politique à Sciences Po Paris, de l’Institut des Langues Orientales, et d’études approfondies en histoire du XXème siècle à Paris I. Il a obtenu son doctorat d’Etat en science politique à Sciences Po Paris en 1975 et son agrégation de Science Politique en 1982. Il est professeur des Universités à Sciences Po Paris. Il a été directeur des Collections des Presses de Sciences Po (1994-2003) et du Centre Rotary d‘études internationales sur la paix et la résolution des conflits (2001-2005).

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