COP21 : la chasse au charbon est ouverte

COP21 : la chasse au charbon est ouverte
Par Marie Jamet avec AFP, REUTERS
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Le charbon, responsable d’un tiers des émissions de CO2, est devenu l’ennemi à abattre. Plusieurs ONG ont profité de la COP21 pour publier rapports et recommandations afin d’accélérer à la mise à mort du charbon.

Désinvestir ou profiter du charbon jusqu‘à la dernière poussière ?

Poussés par des campagnes plaidant pour le désinvestissement dans les énergies fossiles, les organismes et banques qui choisissent de retirer leurs actifs de ce secteur se multiplient. La fondation Rockefeller, dont la fortune s’est faite sur un empire pétrolier, a été la plus iconique à l’annoncer. Mais elle n’est pas seule, selon l’ONG 350.org qui publie à l’occasion de la COP21 un rapport sur le sujet : plus de 500 institutions représentant 3 400 milliards de dollars d’actifs ont désormais renoncé à certains investissements dans les énergies fossiles. En septembre 2014, ces institutions n‘étaient que 181 pesant 50 milliards de dollars, rappelle l’ONG.

Il s’agit de collectivités, d‘établissements privés, de compagnies d’assurances, de fonds de pension, de banques. Parmi les dernières institutions à avoir rejoint cette campagne de “désinvestissements” dans les fossiles, l’ONG 350.org a enregistré les engagements de “19 villes françaises“, dont Lille, Bordeaux, Dijon ou Rennes, mais aussi l’assureur Allianz ou l’Eglise protestante de la région allemande de Hesse-Nassau.

D’autres ONG portant le même programme de désinvestissement ont publié ce même jour un autre rapport portant plus précisément sur quinze grandes banques européennes et américaines entre 2009 et 2014. Le constat est moins optimiste. Selon leurs calculs, “257 milliards de dollars ont été alloués au charbon par les plus grosses banques internationales” sur cette période, soit 2,5 fois plus qu’aux énergies renouvelables, qui ont bénéficié de 105 milliards de soutien de la part de ces banques.

Les Amis de la Terre, BankTrack, urgewald et Rainforest Action Network estiment donc que ces banques “doivent accélérer de manière radicale le transfert de leurs financements du secteur du charbon vers l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables“.
Sept banques “ont pris des engagements visant à réduire leurs soutiens au secteur du charbon, à l’extraction de charbon et/ou à la production d‘électricité à partir de charbon“ dont la BNP Paribas, le Crédit Agricole, la Société Générale” et six autres “se sont engagées à ne plus financer certains projets charbon“, notamment Goldman Sachs et HSBC”. Le Crédit Suisse et la Deutsche Bank résistent et n’ont pris aucun engagement de désinvestissement.


Les banques financent l’activité minière, les systèmes de transport et les centrales à charbon. Des activités profitables tant que les politiques des pays sont favorables et soutiennent ces activités. Infographie sous licence cc par Heinrich Böll Foundation, ONG écologiste allemande.

Le charbon encore vivace

Dans le monde, la consommation de charbon a augmenté de 55% entre 1990 et 2012 selon des chiffres fournis par l’Administration américaine d’Informations sur l‘énergie (EIA).
Parmi les dix plus gros consommateurs de charbon, ils sont peu à réduire leur dépendance à cette énergie. L’Allemagne, pointée du doigt en Europe, est le pays qui a le plus réduit sa consommation de charbon avec une baisse de 34%. La Pologne l’a réduit de 27% et la Russie de près de 16%. Les Etats-Unis, deuxième plus gros consommateur de charbon, se maintiennent avec une baisse de 1,5%. Cette baisse est régulière et progressive depuis 1990 pour tous ces pays.

La Chine, première consommatrice de carbone, a augmenté sa consommation de 246% entre 1990 et 2012. Mais elle est désormais à la baisse. Pékin a annoncé ce 2 décembre viser une réduction de 60% des émissions polluantes de ses centrales à charbon d’ici 2020, en modernisant son parc et en fermant les centrales qui ne respecteraient pas les nouvelles normes environnementales. Le but est d‘éviter le rejet de 180 millions de tonnes de CO2 chaque année, d’après un communiqué officiel cité par l’agence Chine nouvelle.

L’Inde, troisième sur le podium de la consommation de charbon, a vu sa consommation de charbon augmenter de 200% entre 1990 et 2012. Mais le charbon, qui “compte pour 60,8% environ de la production d‘énergie du pays“, est clairement visé et cité à plusieurs reprise dans la contribution nationale indienne soumise en amont de la COP21.
Pour diminuer sa dépendance au charbon, le pays cherche à se réorienter vers les énergies renouvelables. Il a lancé, au premier jour de la Conférence, l’Alliance Internationale du Solaire. “Nous voulons apporter l‘énergie solaire dans nos vies, dans nos maisons en la rendant moins chère, plus fiable, et plus facile à relier au réseau“, a alors déclaré Narendra Modi, Premier ministre indien. Le pays s’est donné pour objectif d’avoir 20% d‘énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2030.

Mais le charbon résiste : sa production et ses importations dans le monde continuent d’augmenter depuis 1990. 41% de l‘électricité mondiale dans le monde provient encore du charbon.

Aux Etats-Unis, le poids du lobby du charbon est encore fort. Le Congrès américain, à majorité républicaine, a voté mardi contre les mesures anti-carbone de Barack Obama. Un vote symbolique puisque le président Obama pourra y opposer son véto mais qui révèle des résistances : ces réglementations “sont un poignard dans le coeur de l’industrie du charbon“, a notamment plaidé le représentant républicain Mike Bost.

L’Institut du marché de l‘énergie et d’analyse financière (Institute for Energy Economics and Financial Analysis) considère, lui, qu’il s’agit des dernières forces du charbon et prévoit, dans un rapport publié fin novembre, une baisse généralisée de sa consommation en 2015 : -5,7% pour la Chine et -11% pour les Etats-Unis notamment. En revanche, l’Inde devrait augmenter celle-ci de 3 à 6%.

Le charbon, incompatible avec l’objectif des 2°C

Convaincre les investisseurs afin de limiter les dégâts du charbon avant qu’il ne soit trop tard. En effet, selon l’ONG Climate Action Tracker, si les 2 440 projets de centrales à charbon, aujourd’hui dans les tuyaux des neufs pays étudiés dans son dernier rapport, étaient menés à terme, les émissions issues de ce type de centrales seraient supérieures de 400% avec les niveaux requis pour tenir les objectifs d’une augmentation de seulement +2°C.

L’ONG et ses partenaires appellent ces pays à se tourner eux aussi vers les énergies vertes. Selon Mark Hagemann du NewClimate Institute, la baisse des coûts des énergies renouvelables devrait de toute façon influencer l’avenir de ces centrales à charbon : “Il est peu probable que toutes ces centrales soient construites, en particulier lorsque le prix des alternatives peu carbonnées se sera aligné avec celui de l‘énergie carbonnée.“

Pour tenir l’objectif de contenir le réchauffement à +2°C, officiellement retenu en 2010 dans le cadre des négociations onusiennes, il faudrait laisser dans le sol 80% des réserves fossiles connues, rappellent les scientifiques.

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