Espagne : Ciudadanos jouera-t-il les faiseurs de rois dans l'élection à venir ?

Espagne : Ciudadanos jouera-t-il les faiseurs de rois dans l'élection à venir ?
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Par Pierre Assémat
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Chris Burns revient sur les enjeux de la campagne électorale espagnole avec pour répondre à ses questions : Lucía Abellán, correspondante à Bruxelles du quotidien El Pais ; Karel Lannoo du Centr

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Nous sommes en pleine campagne électorale espagnole. Le Premier ministre Mariano Rajoy estime que son parti de centre-droit, le Parti populaire, devrait être réélu après avoir réussi à faire revenir la croissance dans le pays.
Le chômage est à son plus bas niveau depuis quatre ans, dépassant la barre des 21 %.

Et les douloureuses coupes budgétaires exigées par l’UE ainsi que de récents scandales ont nui à la popularité du gouvernement. Qui jouera les faiseurs de roi alors que l’extrême gauche Podemos est affaiblie et que la popularité des centristes de Ciudadanos est en hausse ?
L’affaiblissement de Rajoy –et de certains autres leaders européens– va-t-il compliquer la tâche de l’Union en ces temps de crises ?

Connectés à cette édition :
Lucía Abellán, correspondante à Bruxelles du quotidien El Pais ; Karel Lannoo du Centre d‘études des politiques européennes ou CEPS ; ainsi qu’Enrique Serbeto, correspondant à Bruxelles du quotidien espagnol ABC

Chris Burns, euronews :
Lucía, qui sera le faiseur de roi à l’issue de cette élection ? Qu’en pensez-vous ? Est-ce que ce sera Ciudadanos, Podemos ou les socialistes ?

Lucía Abellán, El Pais :
Eh bien cette élection est très indécise puisque près de 41 % des électeurs disent ne pas avoir encore décidé pour qui voter, mais je pense que Ciudadanos est le mieux placé pour être le faiseur de roi puisqu’ils peuvent se mettre en coalition avec le PP ou avec les socialistes.

Chris Burns, euronews :
Karel qu’en pensez-vous ? Êtes-vous d’accord ?

Karel Lannoo, Center for European policy studies :
Je pense la même chose même si c’est extrêmement difficile de se prononcer. Nous savons, de par les récentes élections britanniques, à quel point il est difficile de s’appuyer sur les sondages, donc personne ne peut affirmer qu’il y aura un résultat surprise.

Chris Burns, euronews :
Enrique pensez-vous que le Parti populaire puisse obtenir la majorité ?

Enrique Serbeto, ABC :
Je ne pense pas. Je pense que Ciudadanos sera la clef de la prochaine coalition, mais surtout, je me demande comment un parti politique né en Catalogne va pouvoir vraiment changer la politique de l’Espagne !

Chris Burns, euronews :
OK ; donc quel impact cela aura-t-il sur les politiques espagnoles et européennes si un tel changement générationnel s’opère tout du moins avec Ciudadanos ? Quel sera l’impact au niveau espagnol et au niveau européen ?

Lucía Abellán, El Pais :
Au niveau européen, on pourrait essayer de jouer un rôle plus important que ces quatre dernières années dans la politique européenne, mais il faut aussi rappeler que Bruxelles va demander de nouvelles coupes, de nouveaux ajustements budgétaires pour les années à venir, donc la politique européenne est très importante en Espagne.

Chris Burns, euronews :
Est-ce que cela réaffirmerait ou saperait la cure d’austérité menée par l’Union ?

Karel Lannoo, Center for European policy studies :
Cela dépendra de qui sera dans la coalition, mais ce qui est clair, c’est qu’en ce qui concerne le gouvernement, l’Espagne est clairement le meilleur élève de la classe en ce qui concerne le programme européen d’austérité. Ils ont eu une croissance de 3 % cette année, la meilleure performance si l’on ne prend pas l’Irlande en considération. C’est le meilleur des pays du sud de l’Europe. Donc il y a une certaine attente, que le pays continue sur cette voie, mais bien sûr, cela pourrait totalement changer s’il y a une coalition des socialistes avec Ciudadanos ou une coalition de Ciudadanos avec le parti populaire, dans ces cas, ils vont vouloir adoucir le programme d’austérité ce qui ne devrait pas faire plaisir à Bruxelles.

Chris Burns, euronews :
Je pense qu’il faut aussi prendre en compte le taux de chômage qui est très élevé en Espagne. Comment le combattre tout en poursuivant la politique d’austérité ? Enrique ?

Enrique Serbeto, ABC :
Eh bien, je pense que ce n’est pas le meilleur moment pour parler des nouvelles exigences de la Commission parce que nous sommes en pleine campagne électorale, mais je pense que si Ciudadanos est la clef d’une nouvelle coalition, et je pense qu’ils le seront, ils pourront introduire une nouvelle approche vis-à-vis du marché du travail et peut être qu’ils pourront changer quelque chose dans la manière dont le problème est actuellement traité.

Chris Burns, euronews :
Sur la question des réfugiés : certaines personnes, au sein du gouvernement, disent que la manière dont ils prennent en charge les réfugiés et la manière dont ils traitent avec les pays d’origine pourraient servir de modèle au reste de l’Europe. Qu’en pensez-vous Lucia ?

Lucía Abellán, El Pais :
C’est une partie de la solution. Je veux dire qu’une partie de la solution bien sûr est d’essayer de passer des accords avec les pays d’origine et les pays de transits pour éviter que les gens viennent ici. Mais d’autre part, il y a la réalité, à savoir que des centaines de milliers de migrants et de réfugiés sont déjà là, et nous avons besoin de nouvelles solutions.

Chris Burns, euronews :
Donc les politiques menées pourraient changer. Qu’en pensez-vous Karel ?

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Karel Lannoo, Center for European policy studies :
Ce que l’on oublie souvent, c’est que l’Espagne était un modèle d’intégration et de migration au début des années 2000 avec des milliers de Roumains et de latinos qui sont venus en Espagne et qui d’une certaine manière se sont parfaitement intégrés et cela a été oublié. Maintenant dans la crise actuelle des réfugiés, l’Espagne pourrait enseigner certaines choses au reste de l’Europe. De plus, la manière dont ils ont géré les réfugiés africains était et devrait être un modèle pour le reste de l’Europe.

Chris Burns, euronews :
Bien, changeons de sujet : parlons du terrorisme et de la manière de le combattre, on voit qu’avec monsieur Rajoy on doit attendre le résultat des élections pour voir comment il va aider la France et la construction d’une coalition contre le terrorisme. Lucia, que va-t-il se passer selon vous après les élections ? Quelle direction va prendre le gouvernement ?

Lucía Abellán, El Pais :
Je pense que l’Espagne est prête en ce qui concerne le terrorisme parce que le pays a souffert pendant de nombreuses années, donc les forces de sécurité sont bien entraînées. Et je pense que la clef pour combattre ce que l’on appelle le terrorisme islamiste est de partager les informations avec les autres pays.

Chris Burns, euronews :
D’accord, mais pensez-vous que les électeurs auront le cran de rejoindre une coalition qui pourrait amener des soldats à se faire tuer ?

Enrique Serbeto, ABC :
Je pense que c’est un sujet très électoraliste. Tout le monde se rappelle ce qui est arrivé avec la guerre en Irak et la manière dont les partis de gauche étaient opposés au rôle de l’Espagne dans la coalition américaine. Donc je pense que Mariano Rajoy ne fera rien qui pourrait raviver ce souvenir pénible.

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Chris Burns, euronews :
Parlons rapidement des pourparlers sur le climat et de la position de l’Espagne. Quel genre de rôle le pays peut-il jouer ici ? LEs Espagnols utilisent beaucoup les énergies renouvelables, donc pensez-vous que le pays peut jouer un rôle important pour pousser à la réduction des émissions de CO2 ? Lucia ?

Lucía Abellán, El Pais :
Ils ne l’ont pas fait par le passé. Ils ont commencé, et bien sûr, le pays utilise suffisamment d‘énergies renouvelables pour en faire le point de départ d’une politique espagnole concernant l‘énergie, mais ils ne l’ont pas fait. Avec un peu d’espoir, ce sera maintenant le cas puisque la Commission insiste vraiment sur la question.

Chris Burns, euronews :
Pourquoi ne pas l’avoir encore fait ?

Lucía Abellán, El Pais :
Parce qu’ils pensaient que les énergies renouvelables étaient trop subventionnées et que ce n‘était pas suffisamment profitable donc ils ont songé à changer le modèle.

Chris Burns, euronews :
Pensez-vous qu’il y aura du changement sur la question de l‘énergie s’il y a une coalition avec Ciudadanos ?

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Enrique Serbeto, ABC :
Le changement est déjà en cours. Nous avons une sorte de bulle du renouvelable en Espagne donc le mouvement est lancé, mais je pense que les grandes compagnies électriques sont déboussolées et je pense que le prochain gouvernement devra trouver une nouvelle approche pour ce problème.

Chris Burns, euronews :
Sur la question de la Catalogne, s’il y a une coalition avec Ciudadanos, quel en sera l’impact sur le mouvement d’indépendance ?

Karel Lannoo, Center for European policy studies :
En tant que Flamand et vu la façon dont nous avons surmonté nos problèmes nationalistes… Enfin ce qui s’est passé en Espagne selon moi c’est que Rajoy s’est montré bien trop borné en ne voulant pas parler, tout du moins ouvertement, avec Artur Mas, avec les Catalans, en refusant toute conversation ou toute forme de compromis. Je pense que si Ciudadanos entre au gouvernement ou s’il est le faiseur de roi, cela pourrait changer entièrement les choses.

Chris Burns, euronews :
Est-ce que cela pourrait atténuer le ton entre les deux camps et aider à trouver une solution ?

Lucía Abellán, El Pais :
Oui, peut être, peut être même en créant une véritable structure fédérale ce qui ne serait pas très différent de ce que nous avons déjà en Espagne. Je pense que cela serait un signe de bonne volonté pour un dialogue avec les Catalans. De toute façon je ne suis pas sûre que Ciudadanos impulsera l’effort dans cette supposée coalition gouvernementale pour une approche par le dialogue puisqu’ils ont déjà adopté depuis longtemps une position ferme contre une indépendance de la Catalogne.

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Chris Burns, euronews :
Dernier mot, Enrique, est-ce que cela pourrait fournir une bonne solution qui aurait un impact au niveau européen, par exemple sur la question d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union, peut être en décourageant les Britanniques de le faire ?

Enrique Serbeto, ABC :
Ciudadanos est un parti né en Catalogne et il va changer le paysage politique espagnol, c’est un symbole selon moi. Et d’après les sondages le premier parti politique en Catalogne pour ces élections sera Podemos, qui est un parti né à Madrid, donc je pense que d’une certaine manière le lien existe toujours. Alors essayons de trouver une solution à travers le dialogue.

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