Et si on mangeait les chutes de découpe de poisson ?

Et si on mangeait les chutes de découpe de poisson ?
Par Stéphanie Lafourcatère
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Dans un atelier de transformation de poissons près de Hambourg en Allemagne, nous découvrons une spécialité au poisson fumé particulièrement

Dans un atelier de transformation de poissons près de Hambourg en Allemagne, nous découvrons une spécialité au poisson fumé particulièrement goûteuse. On a du mal à croire qu’elle a été élaborée à partir de déchets de production – des chutes de découpe – avec l’aide d’une bactérie très spécifique. Résultat d’un procédé mis au point dans le cadre d’un projet de recherche européen.

L’entreprise Die Räucherei produit des spécialités à base de poisson et de fruits de mer depuis près de trente ans. Sur place, par exemple, les filets de saumon sont découpés avant d‘être livrés aux clients. Les morceaux qui sont écartés ne sont pas intéressants commercialement. Ils sont au mieux, vendus afin de servir d’ingrédients dans des aliments pour animaux. “On a enlevé la peau de ce saumon norvégien d‘élevage et on a toutes ces chutes qui jusqu‘à présent, étaient un problème pour nous parce qu’on ne pouvait pas en tirer un bon prix,” nous explique Hans-Joachim Kunkel, fondateur et propriétaire de la société.

Pour trouver une solution, l’entreprise a rejoint un projet de recherche européen baptisé FISHFERMPLUS qui vise à transformer ces chutes en un produit de valeur grâce à la fermentation. Elle mêle aux chutes, une poudre qui contient une bactérie alimentaire spécifique : il s’agit d’une culture de démarrage similaire à celle utilisée dans l’industrie laitière.

Haute valeur et meilleure durée de conservation

Dieter Elsser-Gravesen, microbiologiste alimentaire, fondateur et propriétaire de ISI Food protection et coordinateur du projet FISHFERMPLUS, nous explique dans les locaux du site de production allemand : “On a sélectionné plusieurs souches bactériennes qui sont nécessaires pour la fermentation du poisson, on les a cultivées, concentrées et ensuite lyophilisées pour aboutir à cette poudre, indique-t-il. Pour entamer le processus de fermentation, poursuit-il, on a besoin d’ajouter environ un million de cellules bactériennes par gramme de produit.”

Parmi les participants au projet, un laboratoire de microbiologie situé à Aarhus au Danemark a ainsi identifié différentes souches de bactéries alimentaires prometteuses. La fermentation naturelle du poisson est assez répandue en Asie, mais les résultats de ce processus sont aléatoires. Les chercheurs voulaient donc mettre au point un procédé sûr et fiable.

Sachant que l’on peut trouver des centaines de milliers de bactéries dans l’alimentation, l‘équipe de Dieter Elsser-Gravesen a-t-elle fait son choix ? “On devait isoler de nombreuses souches différentes pour la simple raison qu’elles devaient répondre à de nombreux critères, répond le coordinateur du projet avant d’ajouter : les denrées doivent être fermentées de manière à ce qu’on obtienne une texture, des arômes et un goût spécifiques.”

L’intérêt de ces bactéries, c’est qu’elles protègent aussi les poissons et les fruits de mer de la détérioration car la fermentation contrôlée empêche le développement de micro-organismes pathogènes. Le produit final est donc propre à la consommation, il a une longue durée de conservation sans qu’il ait été nécessaire d’ajouter des conservateurs artificiels.

“De mauvaises et de bonnes bactéries”

Mais quand on parle de bactéries, on a parfois de quoi s’inquiéter : Anne Elsser-Gravesen, microbiologiste alimentaire de chez ISI Food protection, précise : “Les mauvaises bactéries sont celles dont on entend parler aux informations ; mais les bonnes, on en mange tous les jours : on les utilise pour fabriquer beaucoup de produits délicieux comme les yaourts, les fromages, le café, le chocolat, le salami, énumère-t-elle, des produits qu’on aime et qu’on mange tout le temps sont fabriqués grâce à la fermentation, en ajoutant des bactéries.”

Retour dans les ateliers du site de production allemand : Hans-Joachim Kunkel nous montre le produit final : une spécialité à base de poisson fumé : “Dans cet exemple, après quelques jours de fermentation, le produit brut est arrivé à maturation et il présente la bonne texture et le bon goût : cela fonctionne très bien,” lance-t-il.

Les chutes de découpe de poisson sont ainsi devenues un mets à base de poisson fumé à chaud au goût subtil. L’entreprise allemande prévoit de viser le haut de gamme avec son produit et notamment les compagnies aériennes qui pourraient le proposer pour les repas en classe affaires.

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