La France, génératrice d'apatrides ?

La France, génératrice d'apatrides ?
Par Sophie Desjardin avec Sandrine Delorme
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Avec son projet de loi de révision constitutionnelle, la France peut théoriquement déchoir de sa nationalité n'importe quel Français qui serait condamné pour terrorisme et donc créer des apatri

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La déchéance de nationalité ne doit pas avoir pour résultat de rendre quelqu’un apatride, mais nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux aux intérêts de la Nation ou acte de terrorisme, même s’il est né Français, je dis bien “même s’il est né Français” dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité“ déclarait François Hollande à l’Assemblée nationale, le 16 novembre 2015, trois jours après les attentats de Paris.

Mais ça, c‘était avant. Avant la polémique sur la discrimination entre Français et avant donc que le gouvernement retire la référence aux binationaux du projet de loi de révision constitutionnelle.

Résultat, si la nationalité peut être retirée à tous les Français, en théorie, la France peut créer des apatrides. Elle le peut d’autant plus qu’elle n’a pas ratifié le seul texte qui pourrait l’en empêcher : la convention sur la réduction des cas d’apatridie des Nations unies de 1961.

Que disent les Nations unies ?

Cette convention, que n’ont ratifiée qu’une quarantaine de pays dans le monde, stipule que :

“Les Etats contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu si cette privation doit le rendre apatride”.
Mais elle précise aussi qu’un “Etat contractant peut conserver la faculté de privé un individu de sa nationalité si un individu, dans des conditions impliquant de sa part un manque de loyalisme envers l’Etat contractant, a eu un comportement de nature à porter un préjudice grave aux intérêts essentiels de l’Etat”.

Autrement dit, même si la France ratifiait ce texte, elle aurait, selon ce traité international, la possibilité de créer légalement des apatrides. Encore faudrait-il oser le faire. Créer des apatrides alors que les Nations unies sont de plus en plus mobilisées contre le phénomène aurait mauvaise presse.

Qui est apatride et pourquoi ?

Ils sont 12 millions à travers le monde à n’avoir pas de nationalité. Pour des raisons diverses, parfois des tournants de l’histoire comme l’effondrement de l’Union soviétique ou de la Yougoslavie : un pays éclate et tout un pan de la population se retrouve sans patrie.

Parfois ces “sans nation” se retrouvent aussi dans cette situation à cause de défaillances des services de registres civils dans leur pays de naissance.

Parfois, il s’agit d’ethnies ou de minorités qui se trouvent, soudainement, privées de leur nationalité au détour d’une décision politique argumentée par des références historiques douteuses. C’est le cas des Rohingyas, une minorité musulmane persécutée en Birmanie, qui n’est officiellement plus birmane depuis 1982.

Ces situations dramatiques privent les individus de droits élémentaires, car ils n’ont plus aucune existence citoyenne. Les apatrides peuvent en effet être privés d’accès au système de santé, à l‘éducation, aux droits de propriété ou à la liberté de circulation. Ils risquent également de subir des traitements arbitraires et des crimes comme la traite d‘êtres humains.

Terroriste = apatride ?

Priver délibérément un individu de sa nationalité pour terrorisme est encore une autre étape à franchir et une toute autre situation. Inédite.

Si le projet de loi de révision constitutionnelle “Protection de la nation” était définitivement adopté mi-mars, seule la Cour de justice européenne et la Cour européenne des droits de l’Homme pourraient interdire à la France de déchoir un citoyen de sa nationalité. Et cela, prendrait des années…

Pour aller plus loin sur l’apatridie, rendez-vous sur le site de l’UNHCR.

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