Panama : Mossack Fonseca, la bonne adresse pour aller au paradis (fiscal)

Panama : Mossack Fonseca, la bonne adresse pour aller au paradis (fiscal)
Par Joël Chatreau
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Le lundi 4 avril 2016 restera une pénible journée de “gueule de bois” pour un bon nombre de dirigeants politiques du monde entier, pour certains membres de leurs familles ou certains de leurs meilleurs amis, ainsi que pour des célébrités du monde sportif, particulièrement du football. Une gigantesque fuite de plus de 11 millions de documents, jusqu‘à présent à l’abri dans un cabinet d’avocats du Panama, a permis de révéler que 140 personnalités ont mis de belles sommes d’argent de côté dans des paradis fiscaux réputés, principalement du Pacifique et des Caraïbes. Le nombre de scandales potentiels est tellement énorme qu’il a fallu près d’un an à des médias de plus de 70 pays pour éplucher la montagne de documents normalement “ultra confidentiels”. C’est le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) qui a géré “la fuite”, dont le nom “Panama papers” fera date, et a réparti le travail.

“Cette fuite sera probablement le plus grand coup jamais porté aux paradis fiscaux à cause de l‘étendue des documents”, a estimé le directeur de l’ICIJ, Gérard Rylé.

“La plus grande fuite de l’histoire du journalisme vient de voir le jour, et elle concerne la corruption”, a commenté sur Twitter Edward Snowden, le fondateur de WikiLeaks, qui en connaît un rayon dans ce domaine…

Biggest leak in the history of data journalism just went live, and it's about corruption. https://t.co/dYNjD6eIeZpic.twitter.com/638aIu8oSU

— Edward Snowden (@Snowden) 3 avril 2016

  • 370 de nos confrères ont enquêté à travers le monde. Le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung a été le premier à mener la charge.
  • Les documents s‘étendent sur une trentaine d’années, de 1977 à 2007.
  • En tout, 214 000 sociétés écrans offshore sont impliquées dans des opérations financières douteuses. Elles sont implantées dans plus de 200 pays.
  • Dans le milieu du football, 4 responsables de la Fifa, qui n’avait vraiment pas besoin de cela, sont cités. Une vingtaine de noms de joueurs de grands clubs apparaissent également, dont Lionel Messi.

Le Panama, tête de la pieuvre

Oh, il ne paie pas de mine, le cabinet d’avocats Mossack Fonseca installé dans un immeuble de verre comme il y en a tant à Panama City. Il a été ouvert il y a environ quarante ans par deux associés, Juergen Mossack et Ramon Fonseca, qui avaient déjà exercé leurs talents en matière d‘évasion fiscale dans les îles Vierges britanniques, dont la réputation de “paradis” n’est plus à faire. C’est d’ailleurs là, affirme l’ICIJ, que le cabinet a créé la moitié de ses sociétés écrans, soit 113 000. Mossack Fonseca a aussi des filiales sur des îles du Pacifique et des Caraïbes.

Il a beau vouloir rester discret (C’est raté désormais !), le duo d’avocats a depuis longtemps une prestigieuse clientèle, et très fidèle. Juergen Mossack est d’origine allemande mais son père, un ancien SS qui figurait sur une liste de l’armée américaine à la sortie de la Seconde guerre mondiale, a émigré au Panama. Son associé, Ramon Fonseca, a été notamment conseiller de l’actuel président panaméen, Juan Carlos Varela. En mars, il a soudainement annoncé qu’il se mettait quelque temps en congé, “pour défendre son honneur”,a-t-il expliqué. Il faut dire qu’avant le présent tsunami médiatique, les accusations à l’encontre du cabinet ne faisaient qu’augmenter dans le scandale du groupe pétrolier Petrobras au Brésil, vaste affaire de corruption dans laquelle la présidente brésilienne elle-même, Dilma Rousseff, est empêtrée…

Ramon Fonseca ici en photo :

Ramón Fonseca Mora, de Mossack Fonseca, era Ministro consejero del actual Presidente de Panamá. pic.twitter.com/5Bgh0Dvqck

— Braulio Jatar Alonso (@BraulioJatarA) April 4, 2016

L’Amérique latine gangrenée par l‘évasion fiscale

“Panama papers” éclate on ne peut plus mal pour la favorite de l‘élection présidentielle qui va se tenir dimanche 10 avril prochain au Pérou. Keiko Fujimori est-elle la digne héritière de son père, l’ancien président péruvien, Alberto Fujimori, condamné et emprisonné entre autres pour corruption ? En tout cas, deux personnalités qui soutiennent financièrement sa campagne électorale sont clairement mises en cause : Jorge Javier Yoshiyama Sasaki et Sil Yok Lee sont cités par le site d’information en ligne Ojo Publico, qui est membre de l’ICIJ. Le cabinet Mossack Fonseca oeuvre au Pérou depuis une quinzaine d’années.

#PanamaPapers Keiko Fujimori implicada en escándalo fiscal ► https://t.co/zgUO0Nznx5pic.twitter.com/6W2Dvzo9RJ

— MSN Perú (@msnpe) April 4, 2016

Au Mexique, c’est un homme d’affaires proche du président Enrique Peña Nieto et de son épouse qui est une nouvelle fois éclaboussé par le scandale. Juan Armando Hinojosa Cantu, nous apprend le journal Aristegui Noticias sur son site internet, “a détourné plus de 100 millions de dollars” grâce à l’aide du cabinet panaméen. Ce journal avait déjà révélé en 2014 une fraude organisée par le même homme afin d’aider la première dame mexicaine à acquérir une luxueuse propriété de plus de trois millions de dollars.

Ils se voulaient exemplaires

On le savait déjà mais à partir d’aujourd’hui, en Chine, le Bureau politique du Parti communiste ne pourra plus faire croire un seul instant que ses purges et ses procès retentissants pour lutter contre la corruption ont servi à quelque chose. Pas moins de 8 anciens ou actuels hauts dirigeants ont, à un moment ou à un autre, dissimulé des avoirs dans des paradis fiscaux, selon des documents issus du cabinet Mossack Fonseca. Le président en personne, Xi Jinping, va avoir du mal à garder de la crédibilité dans sa lutte affichée contre les corrompus : dès 2009, l’un de ses beaux-frères, Deng Jiagui, était l’unique actionnaire de deux sociétés écrans dans les îles Vierges.

Comme par hasard, le site internet du Consortium international des journalistes d’investigation est bloqué dans le pays. Et les médias chinois ne prononcent ni n‘écrivent un seul mot sur “Panama papers”.

#Pipsfinder Latest: Pressure mounts on Iceland government over prime minister's #PanamaPappic.twitter.com/scnlQD3IZwpic.twitter.com/ibsTBToKaq

— info@pipsfinder.com (@pipsfinder) April 5, 2016

En Islande, le Premier ministre quadragénaire, Sigmundur David Gunnlaugsson, qui parle souvent de rupture avec la classe politique des années de récession, qui laissait tout faire aux banques du pays, risque d’avoir le rouge au front. La “fuite” panaméenne révèle qu’il possédait une compagnie offshore avec sa femme, là encore dans les îles Vierges. En Islande, on ne plaisante plus avec l’intégrité politique depuis les années de dérive peu après l’an 2000. Des milliers de protestataires sont descendus dans les rues de la capitale, Reykjavik, dès lundi soir pour réclamer la démission du chef du gouvernement. L’opposition de gauche a déposé une motion de défiance, mais sans attendre, le Parti du progrès, au pouvoir, a indiqué que le Premier ministre était décidé à démissionner.

Thousands demand #Iceland Prime Minister David Gunnlaugsson resign over #PanamaPapershttps://t.co/aCsAAe0PrJpic.twitter.com/HRMd78oHaN

— dwnews (@dwnews) April 5, 2016

La liste des personnalités “mouillées” dans le scandale est encore longue :

  • Des proches du président russe, Vladimir Poutine, auraient détourné près de 2 milliards de dollars en utilisant des sociétés écrans.

  • Le roi Salmane d’Arabie Saoudite, des enfants du président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, et du Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, détiendraient des sociétés offshore.

  • Des personnes mandatées par le président ukrainien, Petro Porochenko, auraient fait appel au cabinet Mossack Fonseca pour créer une société dans les îles Vierges.

  • Sans oublier, dans le domaine sportif, le Français Michel Platini, qui aurait eu recours aux avocats panaméens pour administrer une société offshore créée au Panama en 2007.

Il est fort à parier que vous n’avez pas fini d’entendre parler de l’affaire “Panama papers”…

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