Nuits Sonores 2016 : déambulation et « ragga en continuum »

Nuits Sonores 2016 : déambulation et « ragga en continuum »
Par Vicenç Batalla
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Un des moments les plus intimes de cette édition 2016 des Nuits Sonores a eu lieu dans l’une des plus grandes salles du festival, la halle 2 de l’ancien Marché Gros durant la nuit de vendredi. Sur scène : le producteur iconoclaste James Holden accompagné du percussionniste Camilo Tirado.


Tirado&Holden

Ensemble, ils ont livré une réinterprétation de la pièce ‘Outdoor Museum of Fractals’ du minimaliste Terry Riley. Assis par terre, le son analogique de Holden s’élevait et se répandait en continuum partout dans la salle, alors que Tirado jouait doucement de sa tabla, sans besoin d’hausser le ton, mais dans un ragga infini.


Tirado&Holden

Cette performance s’inscrit dans l’une des tonalités marquantes de cette quatorzième édition, où le son atavique de continents non anglo-saxons a mené la danse. Ce même vendredi, les Congolais de Mbongwana Star, dans un premier temps, suivis par leurs compatriotes de Konono n°1, ont mis le feu à la halle 3, toujours dans l’ancien Marché Gros. A un moment donné, les derniers cités sont sortis danser sur la musique des premiers, lesquels insufflaient un afro-ska contagieux même aux fauteuils roulants.

Pas loin de là, sur la scène où se sont produits Holden-Tirado, les Vénitiens de Ninos du Brasil ont redoublé de vigueur avec leurs tambours, accompagnés du groupe de Tanger Mémoires d’Avenir. Une batucada, dont les échos ont pu être perceptibles dans les sets des Berlinois d’Africaine 808*et de l’Ecossais, d’origine indienne, *Auntie Flo, tous deux accompagnés de batteurs et qui ont joué avant et après les « machines congolaises ». Un courant psychédélique avait définitivement envahi la Confluence.

La nuit d’après, c’est la pop du futur qui a fait son apparition dans cette même halle 3, la plus petite et la plus accueillante. Premier mutant : A-Wa, le groupe des trois sœurs Haim, israéliennes d’origine yéménite. Leur groove châabi – constitué par cette voix impressionnante bien servie par une partie instrumentale à la hauteur – tient avec ‘Habib Galbi’ un tube en puissance. Les Palestiniens 47Soul ont ensuite démontré que leur électro chantée trouve ses racines autant dans les territoires occupés que dans les visions du monde de demain.

L’égyptien Islam Chipsy, accompagnés des deux batteurs de EEK, a maintenu cette ambiance folle, prestation magnifiée par l’impossible chorégraphie de Dj K-Sets, un Espagnol mixant des cassettes de rythmes orientaux.


Dj K-Sets

Cette connexion Afrique-Amérique, était également palpable au Sucre, un club juché sur le toit de la Sucrière, l’une des scènes des Nuits Sonores. Les journées de jeudi, vendredi et samedi ont vu défiler des légendes comme le batteur nigérien Tony Allen et le chanteur de soul nord-américain Leroy Burgess, toujours au top quatre décennies plus tard. Mais ce fut aussi l’occasion de croiser de jeunes Français, inspirés par la Martinique, comme Chassol et son projet de musiques et images synchronisées racontant la vie des insulaires des Caraïbes.

L’hommage rendu à Prince a été l’un des beaux moments passés sur les toits avec un autre morceau de bravoure : le funk futuriste de Seven Davis Jr.. Au rayon des découvertes, mention spéciale à la carte blanche de Seth Troxler dédiée à Chicago. Kate Simko & Tevo Howard aka PolyRhymic se sont bien défendus. Mais la prestation du canadien Mathew Jonson, et son électro expérimentale mâtinée de jazz, a été l’une des plus mémorables.

En descendant d’un niveau, à la Sucrière, la fête a également battu son plein pendant trois jours. La première journée a été marquée par la house de Motor City Drum Ensemble et par le reggae de The Black Madonna. Le lendemain, l’ecstasy de Laurent Garnier et ses collèges d’un jour Jay Robinson, Copy Paste Soul et Jackmaster* ont fait danser les foules. Dédicace au maire de Lyon, Gérard Collomb, dont la tête est apparue par une porte pour profiter des beats. Le troisième jour, Seth Troxler et ses acolytes new-yorkais de Martínez Brothers ont joué leurs partitions, celles de la nouvelle house underground. Avec sa configuration, le spot de la Confluence a été idéal pour les passants. Derrière les barrières, au soleil, le son était passable. Mais il valait mieux dépenser quelques dizaines d’euros pour apprécier l’ambiance depuis l’esplanade des NS Days.

La nuit a aussi apporté d’autres moments d’exception, comme dans la grande halle 1, où l’Allemand Pantha du Prince a présenté son nouveau projet The Triad, avec le batteur norvégien Bendik Hovik Kjeldsberg et le dj de Brooklyn Scott Mou. Le Berlinois continue sa recherche de la nouvelle house qui émerge au nord de l’Europe. Max Cooper, venu d’Angleterre, a été l’un des grands délices avec son électro ambiante sublimée sur scène par des images originales. Les Allemands de Moderat, bien que tête d’affiche, ont été moins convaincants. A l’image de leur nouvel album ‘III’, ces derniers se sont perdus dans des mélodies trop sucrées ponctuées de trop de fioritures. La performance visuelle la plus agréable a été celle de Pfadfinderei. La logistique mise en place a permis au plus grand nombre de contempler le visuel projeté durant le set. La musique, quant à elle, était audible à pratiquement un demi-kilomètre de la scène. La halle 3, par contre, a été bien trop petite pour suivre la performance de l’irrévérencieuse Peaches et de ses deux danseuses. Il a été beaucoup plus facile d’apprécier le rappeur du New Jersey Cakes Da Killa et sa prestation anti-homophobe hip hop, ironique, sensuelle et provocatrice.

Côté rock, après le forfait des Palma Violets, les trois filles riot grrrls d’Atlanta The Coathangers ont tenu la baraque en balançant une bonne dose de garage punk dans un “joyeux bordel” plein d’envie et d’énergie. Le punk-disco des londoniens de Shopping a été aussi appréciable. Au niveau des Français présents à Lyon, les airs krautrock et années soixante de Turzi et le pop électro de Bajram Bili sont à mentionner.


The Coathangers

Derrière les platines, Regis, et ses rafales hard-techno, a rayonné. Red Axes, Rodhad, Dixon et Bambounou ont également été remarquables.
The Hacker est revenu avec panache à ses origines acid-techno. Et le tant attendu Lil’Louis n’a pas déçu. Il a débuté son set en lançant une bande préenregistrée pour rappeler que la house venait de Chicago. Et en moins de vingt minutes, Marvin Louis Burns avait déjà élevé son tee-shirt et, même si le set a été irrégulier, il a fini comme il faut avec le tube ‘French Kiss’ et ses soupirs d’orgasme. Et cet orgasme a atteint un niveau paroxysmique lors du set de clôture d’un autre vétéran, Dj Harvey. A 5h15, tous les organisateurs de cette 14e édition des Nuits Sonores se sont retrouvés derrière la scène de la halle 2. Dj Harvey, lui, est monté sur sa table de mix, tournant le dos au public et finissant sa performance en lançant un bon vieux riff de guitare.


Dj Harvey

Photo d’illustration : Mbongwana Star par b-rob.com

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