Michel Temer à la tête du Brésil, attentisme de la communauté internationale

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Par Maria Barradas avec BEATRIZ BEIRAS, SANDRINE DELORME
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Tout juste en place et déjà dans l’urgence. “Nous avons peu de temps”, avait d’ailleurs prévenu jeudi le nouveau président brésilien Michel Temer

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Tout juste en place et déjà dans l’urgence. “Nous avons peu de temps”, avait d’ailleurs prévenu jeudi le nouveau président brésilien Michel Temer, lors de sa prise de fonction. Son gouvernement a ainsi dès vendredi annoncé de premières mesures, consistant en une réduction des dépenses publiques et le maintien des programmes sociaux pour les plus démunis.

L’urgence est économique. Le pays connaît sa pire récession depuis les années 1930. L’inflation est élevée et le chômage, massif. Elle est aussi politique. L’image du Brésil a été fortement abîmée ces dernières années à l‘étranger, alors que le pays traverse toujours une crise sanitaire avec la propagation du virus Zika et qu’il s’apprête à accueillir dans trois mois la plus grande des compétitions internationales : des jeux olympiques d‘été.

De plus, le nom du nouveau président est cité dans un scandale de corruption tentaculaire. C’est aussi le cas du tiers
de son gouvernement. Un gouvernement uniquement composé d’hommes. Pour couronner le tout, il est très impopulaire.

Entretien avec Andrei NettoMaria Barradas, journaliste de notre service portugais, a posé plusieurs questions à Andrei Netto, correspondant du journal brésilien Estadão à Paris, notamment sur l’avenir de Michel Temer à la tête du Brésil.

Michel Temer, a-t-il les coudées franches et la légitimité pour gouverner ?

Andrei Netto :
“Au parlement oui, Michel Temer rassemble les conditions pour gouverner parce qu’il a une base de soutiens assez large, avec le Parti du mouvement démocratique brésilien, le PMDB et le parti de la social-démocratie brésilienne, le PSDB, de centre droit, et aussi quelques petits partis qui soutiennent également son gouvernement.
D’autre part, il y a ce problème de légitimité, et c’est la question qui se pose aujourd’hui au Brésil. En ce moment même, une partie importante de la société brésilienne, se questionne pour savoir si Michel Temer a la légitimité d’exercer le pouvoir.”

La presse internationale évoque ce paradoxe : Temer est soupçonné et appelé à comparaître dans plusieurs procès pour corruption et ferait lui-même l’objet d’une procédure de destitution. Que pouvez-vous nous dire à ce propos ?

Andrei Netto :
“Il y a de fait une procédure de destitution qui est en cours à la chambre des députés contre Michel Temer, et il est vrai aussi qu’il y a certaines “situations” en rapport avec le vice-président dans l’enquête concernant l’opération Lava Jato, qui est une espèce de version brésilienne de l’opération Mains Propres.
Michel Temer, pour le moment, n’est pas parmi les personnalités les plus touchées au sein du parti centriste qu’il représente, le PMDB. Il y a des noms plus impliqués dans ces scandales de corruption comme celui de l’ancien président de la chambre des députés Edouardo Cunha, ou celui du président du sénat Renan Calheiros et aussi six des ministres qui viennent d’intégrer le nouveau gouvernement formé par Michel Temer.”

Il doit impérativement fournir des résultats convaincants dans les six prochains mois, il doit notamment commencer à assainir les comptes publics et contrer la pire récession que connaît le pays depuis des décennies. Les conditions sont-elles réunies pour le faire ?

Andrei Netto :
“Je dirai que, paradoxalement, ce n’est pas l’un des plus grands problèmes de Michel Temer. Car depuis deux ans, l‘économie brésilienne est à l’arrêt, le taux de croissance était négatif l’an dernier, moins 4 %, sous la direction de Dilma Rousseff, donc une reprise est quasiment inévitable.
Mais en plus, Michel Temer a choisi un ministre des Finances, Henrique Mereilles, qui est un homme extrêmement expérimenté. Il a travaillé, avec succès, à la Banque centrale du Brésil pendant le mandat de Luiz Inacio Lula da Silva. C’est un homme capable de rééquilibrer les comptes publics.”

Comment pensez-vous que les Brésiliens vont réagir dans l‘éventualité où Michel Temer n’obtient pas très rapidement des résultats visibles ?

Andrei Netto :
“Si Michel Temer réussit à équilibrer les comptes publics, relancer la croissance, réduire le chômage, c’est possible que de ces mesures émerge une sorte d‘état de grâce, ou un soutien populaire qui légitime Michel Temer. Dans le cas contraire, je ne doute pas que Michel Temer ne soit confronté à une grande et croissante opposition de la rue les mois prochains. Donc, les six prochains mois vont être cruciaux dans cette crise politique qui ne s’achève pas maintenant, mais continue au Brésil.”

Quelles conséquences a, selon vous, cette crise politique sur les engagements internationaux du Brésil, notamment pour les JO qui arrivent ?

Andrei Netto :
“Je ne sais pas, peut-être qu’il y aura un petit impact ou bien un impact considérable sur les Jeux olympiques parce que l’image extérieure du Brésil est endommagée.
Mais ce qui me préoccupe le plus ce ne sont pas les JO, mais la position du Brésil dans les grandes institutions internationales. Souvenons-nous par exemple que des présidents comme Barack Obama aux Etats-Unis, ou François Hollande en France, n’ont pas félicité Michel Temer, ils n’ont pas contacté le vice-président, aujourd’hui président en exercice, et cela montre une certaine réticence, une prudence, un attentisme de la communauté internationale qui se demande bien quel sera le développement de la crise politique au Brésil.”

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