Conséquences du Brexit : quid de la libre circulation ?

Conséquences du Brexit : quid de la libre circulation ?
Par Alasdair Sandford avec Pierre Le Duff
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Si tous les Européens seront, d’une manière ou d’une autre, affectés par une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le futur de cinq millions d’entre eux sera encore plus directement impacté par

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Si tous les Européens seront, d’une manière ou d’une autre, affectés par une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le futur de cinq millions d’entre eux sera encore plus directement impacté par le résultat du référendum.

Ce sont soit les citoyens européens vivant au Royaume-Uni ou les citoyens britanniques résidant dans un autre pays de l’Union européenne.

D’après les chiffres de l’ONU, il y a environ 1,2 million de citoyens britanniques vivant dans un autre pays de l’Union européenne, et 3,3 millions de citoyens non-britanniques vivant au Royaume-Uni.

On ne sait pas exactement ce qui se passerait en cas de Brexit, les experts en droit européen et international ne le savent pas eux-mêmes.

Mais qui sont ces Européens dont l’avenir est potentiellement en jeu ? D’où sont-ils et où vivent-ils ?

Les citoyens britanniques vivant dans l’Union européenne

Sur 1,2 millions de Britanniques résidant à l‘étranger, les communautés les plus importantes sont installées en Espagne, en Irlande, en France et en Allemagne. Beaucoup d’entre eux ne travaillent plus et vivent sur leurs économies ou de leur pensions de retraite. On estime que le gouvernement britannique dépense environ 1,8 milliards d’euros pour payer les retraites des Britanniques vivant dans une autre pays de l’Union européenne. Le service national de santé (NHS), qui règle la facture pour les soins médicaux de ces retraités a reversé un peu plus de 600 millions d’euros à d’autres pays membres pendant l’année 2013-2014. Dans le Sud-Ouest de la France où ils sont très nombreux, certains expatriés britanniques sont très inquiets

Les citoyens européens vivant au Royaume-Uni

Alors que les expatriés britanniques privilégient le Sud et l’Ouest de l’Europe pour commencer leur nouvelle vie, c’est d’Europe de l’Est que viennent en plus grand nombre les Européens expatriés au Royaume-Uni. Les Polonais sont par exemple les plus nombreux à vivre au Royaume-Uni (883 000 selon l’ONU).

Alors que pourrait-il se passer pour les citoyens britanniques vivant sur le continent, et réciproquement pour les citoyens européens vivant au Royaume-Uni si le pays décide quitter l’Union le 23 juin ?

Beaucoup dépendrait des accords post-Brexit conclus entre Bruxelles et Londres – et une distinction immédiate risque d‘être établie entre les résidents actuels et les nouveaux arrivants potentiels. Rien ne va changer non plus du jour au lendemain, car le Royaume-Uni resterait membre de l’UE jusqu‘à ce que la procédure de départ officiel soit achevée. L’article 50 du traité de Lisbonne que David Cameron a prévu d’invoquer, impose un délai maximal de deux ans. Certains partisans du “Brexit” ont laissé entendre que le processus pourrait prendre plus de temps.

Pas d’impact sur les droits de ceux qui sont déjà installés ?

Politiquement, même en cas de dégradation des relations entre le Royaume-Uni et l’UE en cas de Brexit, les deux camps auraient tout intérêt à consolider les droits des résidents actuels. Bien sûr, personne n’envisage des déportations en masse. Même le plus farouche partisan du “Brexit”, Nigel Farage, le leader du UKIP, a déclaré que les migrants originaires d’un pays membre de l’Union européenne qui se sont installés de manière légale aux Etats-Unis auront le droit de rester.

Cependant, en ce qui concerne le statut légal des résidents, l’incertitude demeure. On mentionne des accords internationaux comme la convention de Vienne sur la droit des traités qui protègent les droits acquis des citoyens. Il n’est cependant pas sûr qu’elle s’applique au cas britannique. La convention se réfère aux droits des états plutôt qu‘à ceux des citoyens.

Il y a eu des affirmations contradictoires sur le sujet. L’ex-ministre des Finances Lord Lawson, un fervent défenseur du “Brexit”, a affirmé que les Britanniques résidant en France n’avaient rien d’autre à craindre que de la paperasserie supplémentaire. Cependant, le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy a averti des conséquences terribles pour les 100 000 Espagnols vivant et travaillant au Royaume-Uni et les 400 000 Britanniques installés en Espagne, affirmant que le Brexit “serait très mauvais pour le Royaume-Uni, pour l’Espagne et pour l’ensemble des Européens”.

Avec cette incertitude, de nombreux migrants européens vivant au Royaume-Uni auraient déjà entrepris les démarches pour obtenir la nationalité britannique, et l’inverse est vrai aussi.

De futures restrictions réciproques?

Le cas des personnes se déplaçant entre un Royaume-Uni post-Brexit et d’autres pays de l’Union eurpéenne pourrait être beaucoup plus problématique à l’avenir, d’autant que l’argument-clé en faveur du Brexit repose sur une “reprise de contrôle” de ses frontières par le Royaume-Uni. Si Londres imposait à l’avenir des restrictions draconiennes aux migrants issus de pays membres de l’Union, le reste de l’Europe continuerait-il à accueillir à bras ouverts les Britanniques ?

Il est très probable que que le droit des migrants issus d’un pays membre de l’UE à vivre et travailler au Royaume-Uni ne sera plus automatique, et qu’il y aura des restrictions réciproques imposées aux expatriés britanniques

Les partisans du Brexit ont proposé un système de points “à l’australienne” pour les personnes souhaitant s’installer au Royaume-Uni, et d’encourager les candidats extra-européens qualifiés. L’immigration en provenance de pays non membres de l’Union représente toujours plus de la moitié des arrivées, donc la pression pour freiner l’immigration en provenance des pays de l’UE pourrait être énorme – en particulier parce que c’est elle qui est perçue comme ayant bouleversé certaines régions du Royaume-Uni, avec des effets négatifs sur l’emploi et les services, même si elle bénéficie par ailleurs à l‘économie.

Si à l’avenir les migrants européens au Royaume-Uni étaient soumis à des règles appliquées aux travailleurs extra-européens, trois quarts des Européens qui travaillent aujourd’hui au Royaume-Uni ne rempliraient pas les conditions pour obtenir un visa. Un rapport de l’observatoire de l’université d’Oxford sur les migrations affirme que l’impact serait ferait sentir sur le secteur de l’hôtellerie-restauration, et dans le domaines agricole, industriel, énergétique, du BTP et des transports.

A la recherche d’indices

Est-ce que des pays du continent européen ayant des accords avec l’UE, sans en être membres, offrent un modèle en termes de règles au sujet du permis de séjour et de la liberté de mouvement ?

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En tant que membres de l’Espace Economique Européen, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein sont soumis aux règles existantes de l’UE en termes de liberté de mouvement pour obtenir un libre accès au marché unique européen. Cela signifie que leurs ressortissants ont le droit de vivre et de travailler dans l’Union européenne, et vice-versa.

Au Royaume-Uni, les partisans du Brexit citent souvent l’accord avec la Suisse comme possible issue. N‘étant pas membre de l’EEE, la Suisse a aussi signé un accord de libre circulation avec Bruxelles pour obtenir un accès illimité au marché unique. Cependant, en 2014, les Suisses ont voté lors d’un référendum pour introduire des quotas en matière migrants européens à partir de 2017. Bruxelles a répondu en menaçant de suspendre ses accords bilatéraux avec Berne si ces quotas étaient imposés.

Le Royaume-Uni devrait-il rejoindre l’EEE ? En cas d’accord semblable à celui qui lie la Suisse avec l’UE, Bruxelles devrait demander au Royaume-Uni qu’il accepte aussi la libre circulation des travailleurs. Mais un tel scénario serait-il acceptable, étant donné que la question de l’immigration a été un thème central pendant la campagne référendaire.

Pour le moment, on ne sait toujours pas à quoi pourraient ressembler de futurs accords migratoires, à moins que Londres puisse négocier un accord spécifique.

“Personne ne comprend vraiment la complexité d’une sortie de l’UE parce que personne n’a jamais quitté le bloc”, affirme Jurga McCluskey du cabinet d’audit et de conseil Deloitte, en charge des questions d’immigration vers le Royaume-Uni. “Si nous quittons l’Union européenne, le paysage de l’immigration va changer. La question n’est pas tant de savoir ce que l’on fait mais avec qui on travaille. Qui seront ces migrants ?”

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