Le film de la semaine : Divines

Le film de la semaine : Divines
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Par Frédéric Ponsard
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Caméra d’or à Cannes (meilleur premier film), Divines débarque sur les écrans avec ses (grosses) qualités et ses (petits) défauts. Un film à l’énergie communicative qui a le mérite de nous emmener au cœur d’une cité en évitant clichés et bons sentiments.

L’équipe de Divines et sa réalisatrice Houda Benyamina ont eu leur heure de gloire à Cannes en recevant la prestigieuse Caméra d’or : la réalisatrice, accompagnée de ses jeunes actrices a lancé un youyou sonore en brandissant sa récompense et lâchant un très provoquant « T’as du clito » à l’endroit du Festival de Cannes, en écho à l’une des répliques du film. Ce discours revendicatif et rageur est à l’image de ce premier film : féministe, sans concession et dénué de mièvrerie.

Divines et bâtardes

Au-delà d’une forme maîtrisée, avec beaucoup de scènes caméra épaule qui font ressentir l’urgence des situations et la violence latente du climat, le succès du film tient en grande partie à sa jeune actrice Oulaya Amamra qui tient le rôle principal de Dounia. Divines est au pluriel, mais c’est surtout le parcours de Dounia qui sert de fil rouge au film. La jeune fille de 15 ans vit dans un ghetto aux portes d’une cité avec sa mère qui l’a élevé seule. Sa condition de bâtarde lui a donné une rage de s’en sortir par tous les moyens et très vite elle va se faire renvoyer de son lycée après une altercation avec une enseignante. Son seul soutien est Maimouna, sa meilleure amie, et fille de l’imam du quartier. Elle va l’entraîner dans une spirale de trafic et de larcins… Elles finiront dealeuses pour une caïd scarifiée du quartier, complètement obsédée par l’argent. Oulaya Amamra (qui est par ailleurs la sœur de la cinéaste) donne une interprétation magistrale, faisant passer son personnage par tous les sentiments, du doute à la rébellion, de la colère à la tendresse, de la rage à l’amour.

Grâce à ce personnage éclaboussant l’écran, le film ne tombe pas dans le misérabilisme ou le discours social pesant et militant. Houda Benyamina s’est inspirée pour son histoire de sa propre jeunesse (elle a grandi dans une banlieue du sud parisien), et des événements de 2005 où deux jeunes mourraient électrocutés après avoir voulu échapper à la police qui cherchaient à les intercepter. Le climat est donc tendu, exacerbé, mais l’intelligence du propos est de ne pas pointer de responsables. Il s’agit d’abord de montrer comment une jeune femme hors système social et scolaire va essayer de s’en sortir. L’une des belles trouvailles du film est la rencontre entre Dounia et un jeune danseur, agent de sécurité dans la vie, qui va lui faire entrevoir la possibilité de s’élever par la pratique d’un art. Une histoire d’amour va connaître ses prémisses avant que la réalité brutale ne vienne rattraper les protagonistes.

Divines et humaines

La spiritualité n’est pas non plus étrangère dans le parcours chaotique de Dounia et vient surligner ses moments de doute ou d’abandon. La mosquée ou l’église sont les deux seuls lieux du film d’où la violence ou la tension sont absentes. Pour autant la réalisatrice ne tombe absolument pas dans un prosélytisme religieux, mais donne un contrepoint au consumérisme et au matérialisme qui est le moteur de la plupart des personnages du film. Les deux copines du film ont aussi l’imagination comme exutoire à leur quotidien : dans l’une des plus belles scènes du film, Dounia et Maimouna s’imaginent en Thaïlande au volant de leur Ferrari, arrivant dans une villa de luxe où le champagne coule à flot. Et la force du film réside bien là, montrer la vacuité des rêves de ceux qui n’ont comme horizon que leur barre d’immeuble, tout en pointant d’autres aspirations enfouies, refoulées, et qui ne demande qu’à émerger : les valeurs liés à la culture et à l’éducation, l’effort comme vertu, la quête de l’amour, la force de l’amitié. Un beau condensé pour un film qui ne l’est pas moins.

Frédéric Ponsard

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