Syrie : comment démêler le vrai du faux ?

Syrie : comment démêler le vrai du faux ?
Par Euronews
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Les journalistes sont aujourd'hui très peu nombreux à couvrir, sur le terrain, le conflit syrien. En leur absence, les sources d'information sont nombreuses mais potentiellement partisanes. Car au-d

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Les journalistes sont aujourd’hui très peu nombreux à couvrir, sur le terrain, le conflit syrien. Et pour cause : en plus de cinq ans de guerre, nombre d’entre eux y ont laissé leur vie. Et le danger est permanent. “Les journalistes n’ont pas eu d’autre choix que de fuir les pays devenus trop dangereux pour eux, en particulier la Syrie (…) Ces exils massifs ont créé des trous noirs de l’information”, écrit dans son dernier rapport l’ONG Reporter sans frontières, qui a recensé en 2016 la mort de 57 journalistes dans la monde, dont 19 rien qu’en Syrie.

En l’absence de reporters dans le pays, il est souvent difficile de démêler le vrai du faux. Car au-delà d’une guerre militaire, se joue aussi une guerre de l’information.

Qui informe en Syrie ?

Malgré la quasi-absence de journalistes en Syrie – la plupart des correspondants sont basés au Liban voisin – les sources d’information sont nombreuses, mais toutes potentiellement partisanes et donc contestables :

  • Les sources militaires (armée syrienne loyale au président Assad, armée russe, coalition internationale, forces kurdes, milices chiites…)
  • L’opposition armée (différents groupes rebelles présents en Syrie)
  • Les sources gouvernementales (régime de Damas, Russie, Turquie, Ligue arabe, ONU…)
  • Les agences onusiennes (ex : UNHCR)
  • Les ONG (Croix-Rouge, Médecins sans frontières, Amnesty International etc.).
  • Les blogeurs, témoignages de civils…

Mis à part ces sources potentielles, deux “organisations” contibuent régulièrement à relayer l’information en Syrie.

  • L’Observatoire syrien des droits de l’Homme :

Cette organisation est régulièrement citée par les agences de presse – AFP, Reuters, AP – comme source d’information suite à un bombardement, des combats armés etc… L’OSDH communique ainsi chaque jour ou presque des bilans de victimes civiles et militaires, des chiffres relatifs aux personnes déplacées ou évacuées. Mais qui se cache derrière l’OSDH ? L’organisation n’est pas basée en Syrie, mais à Coventry au Royaume-Uni. Elle est pilotée depuis environ dix ans par un Syrien, Rami Abdulrahman, qui dit s’appuyer sur un réseau de plus de 200 activistes sur le terrain. Leurs informations sont centralisées sur le site internet de l’observatoire, mais leur leur neutralité et leur fiabilité font débat, l’OSDH étant considéré comme proche de l’opposition, même si son fondateur se présente comme un “journaliste indépendant”.

  • Les Casques blancs syriens

Ils étaient présentés comme de possibles lauréats au prix Nobel de la paix : Les Casques blancs syriens interviennent régulièrement dans les zones civiles touchées par des bombardements. Comme l’OSDH, ils contribuent ainsi à relayer l’information sur le terrain. Créée en 2013, l’organisation, qui comptait à l’origine une poignée d’hommes, a reçu durant le conflit syrien le renfort de nombreux bénévoles: des civils pour la plupart, animés par le désir de sauver des vies. Ces secouristes interviennent dans les ruines des immeubles touchés par des bombardements, où ils tentent d’extraire des survivants des décombres. Ils jouent également un rôle de pompier, ambulancier, infirmier… Si certains les présentent comme des héros, d’autres, le régime de Damas en tête, les accusent d‘être liés aux groupes rebelles extrémistes et de sauver la vie des terroristes.

La guerre de l’information

La guerre de l’information qui se joue actuellement autour de la Syrie a été illustrée par cette vidéo publiée le 13 novembre par le site “Russia Today”, financé par Moscou, et intitulée : “Une journaliste démonte en deux minutes la rhétorique des médias traditionnels sur la Syrie.”

Dans ce document, une journaliste indépendante, Eva Bartlett, assure que les médias occidentaux ne s’appuient sur “aucune source fiable” en Syrie. Elle prend l’exemple de l’OSDH, des Casques blancs syriens et des militants anonymes. Aucun d’eux n’est “crédible” dit-elle.

Voici ce qu’elle dit notamment sur les Casques blancs syriens : “Ils prétendent sauver des civils à Alep-Est et à Idlib. Pourtant, personne à Alep-Est n’a jamais entendu parler d’eux (…) Les Casques blancs prétendent être neutres et pourtant on peut les voir porter des armes près des corps de soldats syriens. Dans les vidéos qu’ils produisent figurent des images d’enfants visibles dans d’autres rapports. On peut y trouver une fille prénommée Aya apparaître dans des rapports, en août, et ensuite, le mois suivant, dans deux endroits différents. Ils ne sont donc pas crédibles.”

Eva Bartlett conteste également l’idée selon laquelle le gouvernement syrien s’attaquerait à la population civile à Alep, “alors que chaque personne qui revient de ces territoires occupés dit le contraire.”

Les témoignages de Syriens

Depuis le début du conflit, de nombreux Syriens s’expriment via les réseaux sociaux, notamment une jeune habitante d’Alep, Bana Al-Abed, 7 ans, qui, avec l’aide de sa mère, a multiplié les tweets ces derniers mois pour alerter la communauté internationale sur sa situation et plus généralement sur celle des civils à Alep-Est. Les messages sont écrits en anglais. Mais beaucoup doutent de leur crédibilité, y compris le président Assad qui a vu derrière ce compte Twitter et ses 334.000 followers un outil de propagande. “C’est un jeu, un jeu de propagande, un jeu des médias”, avait affirmé le président syrien en octobre dernier à la chaîne danoise TV2.

Good afternoon from #Aleppo I'm reading to forget the war. pic.twitter.com/Uwsdn0lNGm

— Bana Alabed (@AlabedBana) 26 septembre 2016

AlabedBana</a> and her mother make an somber, urgent plea to Michelle Obama <a href="https://twitter.com/FLOTUS">FLOTUS to help them make it safely out of east #Aleppo. pic.twitter.com/GlTd7O4ONQ

— Richard Engel (@RichardEngel) 16 décembre 2016

Le site britannique d’investisagation Bellingcat a mené son enquête pour démonter les arguments de ceux qui prétendent que la petite Bana n’existe pas ou qu’elle ne peut pas communiquer via Internet depuis une région en guerre. Il a pu démontrer que ses tweets étaient envoyés depuis une zone alors sous contrôle des rebelles à Alep-Est.

Par ailleurs, les rédactions internationales multiplient les interviews via Skype avec des Syriens sur place. Ainsi, le 14 décembre dernier, la journaliste d’euronews, Daleen Hassan, avait joint le photographe de presse Salah al-Ashqar. Il se trouvait dans un quartier d’Alep Est bombardé par l’armée syrienne.

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