Une nouvelle vie pour Kawa et Emina, réfugiés syriens en Allemagne

Une nouvelle vie pour Kawa et Emina, réfugiés syriens en Allemagne
Tous droits réservés 
Par Euronews avec Lars Bastian (camera)
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Euronews a pris des nouvelles d'une famille syrienne installée en Allemagne, deux ans après l'avoir rencontrée dans un camp de réfugiés en Roumanie.

Euronews vous emmène en Allemagne dans la région industrielle de la Rurh, connue pour l’extraction du charbon et la production d’acier. Une zone au taux de chômage élevé, avec un fort taux de pauvreté et une arrivée massive de migrants ces deux dernières années. De nombreux réfugiés Kurdes du Nord de la Syrie vivent aujourd’hui ici. Parmi eux, une famille que notre équipe a déjà rencontrée en 2015 dans un camp de réfugiés à l’est de la Roumanie. Que sont-ils devenus deux ans après ? Nous les retrouvons à Gladbeck, une ville de l’Ouest de l’Allemagne.

Avant ces retrouvailles, remontons quelque peu le temps…
Eté 2015. Les agences de presse envoient de premières alertes sur un bateau chargé de réfugiés sur la Mer Noire. Euronews dépêche une équipe et l’on se demande si la Mer Noire est en train de devenir un nouvel itinéraire pour les migrants, s’ajoutant à celui de la Mediterrannée.

Kawa et Emina ont fui la terreur de Kobané, leur ville natale, alors que l’Etat islamique prenait le contrôle de centaines de villages kurdes dans le Nord de la Syrie en 2014. Le jeune couple a trouvé un refuge temporaire à la frontière turque et leur fille, Huner, est née. Très vite, ils ont décidé de se construire un nouvel avenir, en Europe.

“J’ai vu la guerre, des hommes morts, des gens mourir sous mes yeux. Je les ai vu découpés… leurs jambes coupées… cet homme que je connais si bien que j’ai vu mourir… C’est difficile de voir sa propre maison détruite… partie en fumée en une fraction de seconde”, raconte avec émotion Kawa Eli.

Par une froide journée de ce mois de décembre, notre journaliste retrouve Kawa à Gladbeck en Allemagne, dans son nouvel appartement. ll vit aujourd’hui avec sa femme et sa fille dans cette ville de 77.000 habitants qui comptent quelque 1.200 réfugiés. Emina, l‘épouse, prépare le dîner et annonce qu’elle attend une fille pour le mois de janvier.

Deux ans plus tôt, les autorités roumaines ont accusé Kawa d‘être un passeur, parce qu’il avait pris sa femme et son bébé avec lui pour traverser illégalement les frontières en fuyant la Syrie. Il a alors passé six mois en détention en Roumanie. Sa femme et sa fille, ont elles été prises en charge par un conducteur de poids lourd qui les a conduites vers l’Autriche, la Hongrie et l’Allemagne. En attendant son jugement, Kawa jouait aux échecs et un jour un homme est venu le voir :

“Il m’a dit, votre femme et votre fille sont en Allemagne, elles vont bien, ne vous inquiétez pas. J’ai alors oublié la cellule, la prison, vraiment!! J‘étais très heureux qu’elles soient en Allemagne”, explique Kawa Eli.

Finalement, le tribunal en Roumanie a jugé que Kawa n‘était pas un trafiquant d‘êtres humains, mais pour avoir traversé illégalement la frontière il a dû payer 6.000 Lei, soit environ 1.300 euros. Après avoir recouvré sa liberté, Kawa est lui aussi parti en Allemagne retrouver sa femme et sa fille, Huner, qui avait grandi et savait désormais marcher.

“Elle me regardait et disait : Oh! Elle me demandait : Papa ? Elle est restée deux ou trois minutes sans bouger et ensuite elle s’est mise à rire et à jouer avec moi, avec mes cheveux. Le moment le plus fort c’est quand on lui a dit “viens vers Papa” et qu’elle s’est mise à courir vers moi. C‘était un moment extraordinaire”, se souvient Kawa Eli.

Le regroupement des familles est l’une des procédures les plus courantes dans la protection des réfugiés en Europe. Emina aussi se souvient avec émotion de ce moment de joie intense quand elle a su qu’elle allait revoir son mari…

“Ce fut ma première joie d’apprendre que mon mari allait sortir de prison. Et la deuxième quand je l’ai vu de mes propres yeux à la gare en Allemagne. Au début je n’arrivais pas à croire qu’il allait vraiment arriver ici. C‘était tellement fort de se retrouver. Quand le train est arrivé, je n’ai pas vu Kawa en premier mais ces valises que je connaissais bien. J’ai vu les valises et j’ai été submergée d‘émotion. C‘était bien la réalité. Kawa était bien de retour. Il arrivait vraiment. Je l’ai compris en voyant ces valises : j’ai commencé à courir et ensuite il est apparu pour de vrai. Je l’ai serré contre moi”, raconte Emina.

Filming INSIDERS in Gladbeck, GermanyAu départ la famille a été placée à l’est de l’Allemagne mais de nombreux proches ont été déplacés à l’ouest alors Emina et Huner ont suivi.

L’adjoint au maire de Gladbeck nous explique cette situation :
“Ici à Gladbeck, en particulier pendant l‘été 2016, nous avons remarqué que les réfugiés que nous avions enregistrés en Allemagne avaient quitté en masse l’est du pays vers la Rurh à l’Ouest, vers Gladbeck. Ils ne sentaient pas vraiment en sécurité à l’est. Et pourtant quand ont regarde le taux de chômage, l’est de l’Allemagne est mieux loti que la région de la Ruhr”, explique Rainer Weichelt.

Pour faciliter l’intégration de la famille dans la société allemande, Kawa s’est procuré quelques adresses de structures pour la petite enfance. Parmi elle, une maternelle chrétienne dirigée par une communauté religieuse locale. Huner aimerait jouer avec d’autres enfants mais jusqu‘à présent elle ne peut pas car il n’y a pas de place pour elle dans cet établissement. La ville de Gladbeck a eu soudain à gérer l’arrivée de 150 petits réfugiés, et malgré ses problèmes financiers, elle a décidé de lancer la construction d’une nouvelle garderie.

“Je suis sûre que ma fille ira facilement vers les autres. Nous sommes allés à la maternelle mais ils n’ont pas pu encore accueillir Huner parcequ’elle a deux ans et qu’ils prennent les enfants à 4 ans. Nous préferons que Huner apprenne l’Allemand à la maternelle et nous lui parlerons Kurde à la maison”, explique Kawa.

Jusqu‘à présent, la famille ne s’est pas encore fait d’amis Allemands. La plupart de leurs relations se sont tissées au sein de la communauté kurde. Un grand nombre de réfugiés syriens de Kobané, la ville natale de Kawa, vivent ici.
Loin des caméras, certains officiels Allemands parlent d’une “génération perdue”… des réfugiés qui ne trouveront un emploi que dans 5 ou dix ans au mieux.

“Apprendre la langue du pays est le plus important. J’ai une question bien précise à vous poser : y a t’il suffisament de cours de langue ou les listes d’attente sont-elles longues ?”

“Les temps d’attente sont longs. Il n’y a aucune autre façon de gérer ça. Entre l‘été 2015 et jusqu‘à cet été, nous avons connu une situation difficile : quand 1 ou 2 millions de personnes arrivent dans un pays, il est impossible de tout faire avancer juste en appuyant sur un bouton magique. Nous devons d’abord développer petit à petit les structures administratives”, explique l’adjoint au maire.

Gladbeck est devenu une ville pendant la révolution industrielle quand des dizaines de milliers de migrants sont arrivés de Pologne. Et aujourd’hui cette ville est appelée à grandir encore avec l’arrivée de Kawa et des autres réfugiés.

“En ce moment, je pense seulement à prendre des cours d’Allemand et des leçons de conduite. Dans les cinq années à venir, je pense que ça serait bien d’avoir un instrument de musique et de m’occuper de ça. Je vais rester ici en Allemagne si l’on m’y autorise”, espère Kawa.

Leur fille Huner ne cache pas sa joie. Elle a retrouvé Mia et Julie, ses amies du square pour aller faire du manège. Un moment de rire et d’insousiance offert par la grand-mère des petites filles. Un signe d’accueil très apprécié par Kawa et Emina. Un petit pas vers leur intégration en Allemagne.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

L'espoir déçu de Mokdad, réfugié irakien en Suède

Aide aux victimes : les leçons tirées des attentats du 13 novembre 2015 à Paris

Allemagne : la transition énergétique face aux résistances locales et aux lourdeurs administratives