L'Union économique et monétaire se cherche un avenir

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Par Euronews
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A l'heure où l'intégration européenne est mise à mal par le Brexit, l'Union économique et monétaire tente de retrouver des forces.

Comment approfondir et renforcer l’Union économique et monétaire alors même qu’elle se bat pour sa survie ? Voyons quels sont les défis à relever, les doutes à dissiper et les options à envisager pour déterminer l’avenir de l’Europe, dans cette édition de Real Economy qui fait étape en Croatie et interroge le Commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici.

Quel avenir pour l’Union économique et monétaire européenne (UEM) à l’heure où elle est critiquée de toutes parts ? Cette construction qui trouve son origine dans les années 50 a été concrétisée en 1992 par le Traité de Maastricht. L’introduction et la mise en circulation de l’euro l’ont gravé dans le marbre. Mais alors que le Royaume-Uni est en passe de quitter l’Union européenne, la dynamique d’intégration a du plomb dans l’aile.

Commençons par voir plus clairement de quoi nous parlons dans notre cours accéléré : l’Union économique et monétaire a pour objectif d’intégrer Johan, Judith, Pierre et Nathalie originaires de différents pays dans un même club. Bien que leurs nations aient des économies et des politiques nationales différentes, cette Union leur donne une monnaie unique tant qu’ils respectent les règles pour en faire partie.

Droits et obligations de l’UEM

La Banque centrale européenne – institution-clé de l’UEM – fixe la politique monétaire, les taux d’intérêt et des objectifs d’inflation qui aident les Etats membres à se coordonner et un filet de sécurité prévoit que chacun apporte sa contribution quand les choses tournent mal.

Cette Union permet aussi à Johan de vendre son fromage à travers l’Europe et donc, de se placer sur un plus grand marché. Sa cliente Nathalie ne supporte aucun coût de conversion. En lien avec eux, Judith crée des emplois comme celui de Pierre, goûteur de fromage dans la zone euro. Dix-neuf pays européens en sont membres. En dehors du Danemark qui dispose d’une clause de maintien en dehors de la monnaie unique et du cas du Royaume-Uni, il reste sept pays potentiellement éligibles à une adhésion.

“Construction UE ne sera pas otage du #Brexit. Relance UEM est notre priorité” EnricoLetta</a> présent <a href="https://twitter.com/hashtag/StrenghtenEuro?src=hash">#StrenghtenEuro</a> <a href="https://t.co/41tp9rdmYr">pic.twitter.com/41tp9rdmYr</a></p>&mdash; Delors Institute (DelorsInstitute) 17 octobre 2016

Croatie : futur adhérent à l’euro ?

L’Union économique et monétaire devait apporter la croissance en Europe, mais la crise financière a révélé ses défauts et mis en avant les défis qui se présentent à elle. Nous partons à Zagreb, capitale de la Croatie, le tout dernier pays à avoir rejoint l’Union européenne et peut-être, le prochain à rejoindre la zone euro.

Forte de sa population de 4,2 millions d’habitants et d’un PIB pour 2015 de 48,7 milliards de dollars (d’après la Banque mondiale), la Croatie affiche de bonnes perspectives de croissance pour les prochaines années.

Elle a encore sa propre monnaie, la Kuna. Allons rencontrer celui qui la pilote : le gouverneur de sa Banque centrale, Boris Vujčić. Demandons-lui quel intérêt il voit dans l’UEM en termes de compétitivité. “Il y a de la compétitivité parce que les gens peuvent faire mieux que d’autres, être moins chers que d’autres, etc. indique Boris Vujčić. Bien sûr, le taux de change, c’est toujours quelque chose d’important dans le commerce international, mais bien souvent dans le commerce, il n’y a pas de taux de change,” affirme-t-il.

Notre reporter Guillaume Desjardins l’interroge :
“L’UEM veut protéger les contribuables en déconnectant fonds publics et défaillances bancaires : est-ce que ce sera un obstacle à l’adhésion de la Croatie à la zone euro ?”

Boris Vujčić :
“Je ne crois pas, non. C’est assez courant de vouloir protéger l’argent des contribuables de toutes façons, concède-t-il avant d’ajouter : On doit être prudent sur les ressources que les banques devront avoir pour leur renflouement en interne, on doit être prudent dans la manière dont on va mettre ces mécanismes en place et je dirais que le cadre n’est pas encore totalement défini. Et la deuxième chose essentielle pour la zone euro – pour l’Union bancaire -, poursuit-il, c’est d’avoir une supervision vigilante et des règles efficaces."

Rassurer les investisseurs étrangers grâce à la monnaie unique

Alors même qu’elle n’est pas dans le club “euro”, c’est en Croatie que le chômage a le plus reculé en Europe en 2016 (avec une baisse de 14,8%) et la chute devrait être encore forte cette année (elle est estimée à 11,3%). Ce pays comme la Pologne d’ailleurs ne semble pas avoir besoin de le rejoindre pour créer des emplois.

In case of 2-speed union, #Croatia would fit in deeper one, says Boris Vujčić, CNB, now the q° is how deep does “deeper” mean? #RealEconomypic.twitter.com/IWwcgAvaF8

— Guillaume Desjardins (@GuilDesjardins) 30 mars 2017

Guillaume Desjardins poursuit son échange avec le gouverneur de la Banque centrale croate :
“Actuellement, vous utilisez des Kunas, vous voulez adopter l’euro : est-ce que cela va favoriser l’emploi ?”

“En baissant les taux d’intérêt, on promeut l’investissement, lui répond Boris Vujčić. Tous les investisseurs étrangers regardent la situation d’un pays et l’un des principaux risques pour eux quand ils investissent, c’est que la monnaie baisse, dit-il. Si on avait l’euro, tous les investisseurs de la zone euro seraient rassurés, assure-t-il. On stimule aussi le commerce dans la même monnaie puisqu’il n’y a pas de risque de change ; tout cela encourage l’investissement et le commerce et donc, la création d’emplois.”

Pierre Moscovici : “Nous avons beaucoup de discipline, mais aussi beaucoup de divergences”

On conviendra tous que de nombreux défis se posent et que l’Europe est aujourd’hui à un carrefour. Pour recueillir le point de vue institutionnel, nous interrogeons Pierre Moscovici, il est en charge de notre stabilité économique et financière et de l’euro à la Commission européenne.

Maithreyi Seetharaman, euronews :
“Comment renouer le contact avec les citoyens et renforcer l’UEM vu ce contexte délicat ?”

Pierre Moscovici, Commissaire aux Affaires économiques et financières, fiscalité et douanes :
“Je reconnais que la situation n’est pas idéale… Mais je leur dirais tout d’abord : regardons ce que nous avons. Nous avons la Banque centrale européenne, l’Eurogroupe : des décisions communes y sont prises, notamment sur des plans pour des pays en difficulté.
Le problème, c’est qu’aujourd’hui, nous avons beaucoup de discipline, mais aussi beaucoup de divergences. Si la situation est solide uniquement dans le nord de l’Europe et faible dans le sud, alors dans le nord, ils peuvent dire : ‘Pourquoi paie-t-on pour ces gens paresseux ?’ Dans le sud, ils peuvent voir que leur économie s’affaiblit par rapport à celles du nord. C’est pour ça que nous devons bâtir de la convergence.
Certaines économies ont des efforts à faire, mais les autres pays qui disposent d’une marge de manoeuvre aussi bien du point de vue budgétaire qu’au niveau de leur excédent de balance courante peuvent contribuer davantage à l’investissement.
Et on pourrait être 19 – et peut-être même plus – dans la zone euro – parce qu’une fois que le Royaume-Uni sera parti, seul un pays aura une clause de non-participation : le Danemark. Tous les autres peuvent la rejoindre s’ils le veulent et s’ils répondent aux critères”:https://www.ecb.europa.eu/ecb/orga/escb/html/convergence-criteria.fr.html.”

“Je crois à une coalition des volontés”

Maithreyi Seetharaman :
“Cela laisse supposer qu’il y aura une Europe à deux vitesses, voire à plusieurs vitesses dans l’avenir. Qu’est-ce que cela va signifier pour les citoyens ?”

Pierre Moscovici :
“Parfois, ceux qui veulent aller plus vite doivent avoir la capacité de le faire. C’est ce que nous avons fait avec l’euro. C’est ce que nous avons fait également avec Schengen. Donc je ne pense pas à une Europe à deux vitesses, ce ne serait pas équitable. Mais je crois à une coalition des volontés.”

Maithreyi Seetharaman :
“Mais quels sont les éléments concrets d’une Europe à plusieurs vitesses : concernant l’euro, il y aurait une première Ligue et une deuxième Ligue ?”

Pierre Moscovici :
“Quand on crée l’Union bancaire, on s’assure que les intérêts de ceux qui ne sont pas dans la zone euro soient protégés. Donc une Europe à plusieurs vitesses, cela ne veut pas dire un euro à plusieurs vitesses.
Autre exemple : la taxe sur les transactions financières : nous n’avons pas pu l‘établir à 28, j’espère que nous pourrons le faire à 10. Nous devons donner la preuve par l’exemple : montrer que c’est bien d’en faire partie, que c’est mieux d‘être dans le club plutôt qu’en dehors.”

“Défis intérieurs et extérieurs”

Maithreyi Seetharaman :
“Nous avons vu aussi que des éléments centraux comme le partage des risques sont très contestés.”

Pierre Moscovici :
“Le Brexit, c’est le principal défi intérieur que nous devons relever – de manière amicale également – parce que nous devons continuer d’avoir des relations avec le Royaume-Uni. Il y a aussi des défis extérieurs : Donald Trump en est un, en particulier quand on voit comment il gère le multilatéralisme ou le protectionnisme. Vladimir Poutine représente un autre défi extérieur. Il y a aussi le terrorisme, la question des réfugiés.
Je crois que le statu quo n’est pas une option. Si nous maintenons la situation actuelle, je crois que les forces qui tendent à détricoter l’Union seront encore plus puissantes.”

Maithreyi Seetharaman :
“Y a-t-il un risque que tout cela n’aboutisse à rien ?”

Pierre Moscovici :
“Oui, c’est un grand risque. Il y a des gens comme dans mon pays avec Marine Le Pen qui veulent que la France sorte de l’Europe, de l’euro… Et franchement, une Europe et un Euro sans la France, cela n’a pas de sens.
Donc je dis aux pro-Européens : Ne soyez pas si timides, n’ayez pas honte d‘être Européens, soyez-en fiers, mais soyez fiers de ce que vous avez fait et de ce que vous pouvez faire.”

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