Vivre avec le terrorisme

Vivre avec le terrorisme
Par Valérie Gauriat
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Dans le sillage des attentats de novembre 2015, la France a été placée sous état d'urgence. Un dispositif controversé, jugé nécessaire par les uns, inefficace et liberticide pour les autres. I

Ils sont étudiants, salariés, membres de professions libérales, ou entrepreneurs.
Agés de 18 à 40 ans, ils ont décidé de consacrer leurs vacances de printemps à un stage de préparation militaire de gendarmerie, dans la ville de Toulouse.

Après 15 jours de cours intensifs, la plupart des stagaires rejoindront les rangs de la réserve opérationnelle, destinée à épauler les forces de sécurité.

Le nombre de volontaires est monté en flèche, dans le sillage des attentats qui ont frappé la France.

Bernard Blondeau, lieutenant-colonel, Réserve opérationnelle de la gendarmerie : “Aujourd’hui les mentalités ont évolué. On le voit avec les jeunes et les moins jeunes, qui ont décidé de donner du temps pour la société française notamment, et pour la sauvegarde des populations.”

Ateliers pratiques et cours théoriques sont dispensés aux stagiaires, qui une fois dans la réserve, pourront être mobilisables de 30 à 150 jours par an, (pour assister les forces de gendarmerie).

Philippe Delmas, stagiaire : “s’il devait arriver quelque chose je pense que je ferais partie des personnes qui pourront aider les autres à se protéger, intervenir en cas de besoin de secouristes, c’est ce qu’on apprend par exemple aujourd’hui”

Valérie Gauriat, Euronews : “La journée a commencé à 6h du matin et ne s’arrêtera pas avant 23h. Mais tous sont plus que motivés. Qu’il s’agisse de réservistes comme ici, de pompiers volontaires ou encore de bénévoles dans des associations, on estime qu’un jeune sur 5 en France s’est engagé dans une cause depuis les attentats de 2015.”

Maniement des armes, entraînement physique, secourisme, sont au programme de la préparation militaire.

Mais les stagiaires nous disent aussi chercher ici des valeurs de solidarité, et de cohésion.

Adrien Roulet, stagiaire : “Les gens ne s’arrètent plus assez pour aider les gens, les autres personnes, ça on le retrouve içi.”

Chloé Chiron, stagiaire : “C’est important d’avoir des jeunes qui partagent les mêmes valeurs, des valeurs propres à la France très importantes, puisque a forge une société, et on est la pour ça.”

Najib Blekaci, stagiaire : “Ceux qui ont fait les attentats sont des personnes d’origine maghrebine. Moi j’ai des origines et je me suis senti encore plus visé. Donc je voulais faire comprendre qu’on n’est pas tous pareils, qu’on ne pense pas tous pareil. Et voilà si je peux donner de mon temps libre et aider les Français, parce que je suis Français, il n’y a pas de problème, je donnerai mon temps libre.”

“Ce qui s’est passé au Bataclan, explique un instructeur, ce qui s’est passé dans d’autres endroits, comme en Allemagne, etc.. ça peut vous arriver demain. Il faut vous dire aussi une chose, c’est que vous pouvez ne pas rentrer à la maison le soir, ca il faut que vous en soyez conscients.

Un risque présent dans les esprits, même s’il n’est pas question, de céder à la peur comme le constate une autre stagiaire Elodie Renaud-Lafage : “Maintenant ca devient à la limite psychotique de se demander si autour de nous iul n’y aura pas d’autres attentats. De se dire que c’est à l’intérieur du pays, et que c’est ancré, qu’on ne sait pas encore comment lutter. Tout ce qu’on peut faire c’est attendre. Mais malheureusement, on doit pouvoir se protéger, et c’est ce que je veux essayer d’apprendre aujourd’hui”.

Une semaine après notre rencontre avec les volontaires de Toulouse, un nouvel attentat survenait sur les Champs Elysées à Paris.
Le dernier épisode d’une série qui a modifié le quotidien des français, placés sous état d’urgence.

Le spectre des attentats s’est invité dans la vie publique, jusque dans les écoles, ou sont organisés des exercices dits “attentat-intrusion”.

Latifa Ibn Ziaten mène quant à elle un autre combat.

Son fils, parachutiste, fut la première victime de Mohamed Mehrah, qui en 2012 avait assassiné sept personnes, parce qu’elles étaient militaires, ou de confession juive. Dont trois enfants.

Depuis 4 ans, Latifa Ibn Ziaten parcourt la France pour sensibiliser les jeunes aux valeurs de la République et du vivre ensemble.

“Vous savez quand on est fragile on est récupéré facilement, constate Latifa Ibn Ziaten devant les élèves. Et quand on récupère un jeune on peut faire ce qu’on veut avec. Vous ne pouvez pas tomber dans le piège de Daech aujourd’hui.
Ayez confiance en vous chers élèves. Parce que si vous avez confiance en vous, je vous assure que vous arriverez.”

Une main se lève parmi les élèves : “Est-ce que vous pensez que la France est un pays islamophobe depuis les attentats ?

Latifa Ibn Ziaten : “Les gens aujourd’hui ont peur. Ils ont très peur. On doit dialoguer ! On doit se connaître ! Et c’est à vous la jeunesse, de le faire, parce que c’est vous l’avenir Parce qu’aujourd’hui la France, regardez, on la voit là, tout ce mélange, c’est une richesse.”

Applaudissements, le message fait mouche comme auprès de ce lycéen Nehemie Dzabatou :
“Les conseils qu’elle a donnés, je pense que c’est important. Je prends toujours l’exemple de mon quartier, on remarque qu’il y a plein de personnes qui arrêtent leurs études tôt après le collège, parce que ils se disent que vu leur situation… au collège ça n’a pas trop marché, ils préfèrent arrêter maintenant. Du coup ils cherchent un travail, finalement ils n’en trouvent pas. Ils se dirigent vers la drogue, ce qui les conduit souvent après en prison. Ils peuvent finir terroristes comme elle l’a dit. Et moi ça m’a touché parce que j’ai failli être dans ce cas là, j’ai failli tomber dans ce cas là, mais je me suis repris avec les parents et tout, j’ai évité.”

Ces jeunes croient-ils encore à l’avenir, et au vivre sensemble ?

“Il y a toujours de l’espoir au fond de nous”, nous dit Julian Macé. “Même si il n’est pas tout à fait là, il reste quand même caché au fond du coeur. Et un jour ou l’autre, de toutes façons, un jour ou l’autre il ressurgira et on sera fort. D’une manière ou d’une autre on sera tous ensemble.”

Latifa Ibn Ziaten de conclure: “Qui peut donner de l’espoir à la France ? C’est la société; Et la société, c’est elle qui peut donner de la lumière. Parce que l’Etat n’avancera pas seul. Il y a beaucoup de monde qui est responsable, que ce soit l’Etat, que ce soit la politique de la ville, que ce soit les familles, que ce soit l‘école, la société, les médias… Tout le monde a une responsabilité envers l’enfant aujourd’hui. Parce que l’enfant ne devient pas comme ça tout seul un délinquant. Il n’est pas né délinquant, il n’est pas né terroriste, non. Comme tous les enfants.”

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Latifa Ibn Ziaten : une main tendue à la jeunesse

Francis Eustache : étudier la mémoire des attentats

Louis Caprioli : "Il faudra vivre avec la menace terroriste"