Cannes, 21 ans déjà !

Cannes, 21 ans déjà !
Par Frédéric Ponsard
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1997-2017 et 21 Festivals de Cannes au compteur, et d’affilée… En regardant dans le rétroviseur, on ne garde évidemment que les bons souvenirs. Oubliées les heures d’attente pour voir un film, les gens stressés qui courent partout et n’hésitent pas à vous marcher dessus pour rentrer dans une salle, les rendez-vous reportés ou annulés, la foule toujours dense, la transpiration à éviter… Heureusement, à Cannes, le paradis et l’enfer ne sont jamais bien loin.

De la carte jaune à la pastille dorée

Pour autant, il ne s’agit pas de bouder son plaisir car vivre le Festival de Cannes de l’intérieur est en soi une expérience irremplaçable, pour autant que l’on ait les bons sésames. Car à Cannes, tout est une question de hiérarchie. Du simple quidam à l’invité officiel, le gouffre est immense. Au sein des journalistes aussi, il y a une lutte des classes et une hiérarchie très stricte et l’on ne vit pas le même festival si on est correspondant de la Charente-Libre ou si l’on est présentateur pour Canal+.

Je me souviens de mon premier festival où, très fier, je suis allé retirer mon badge Presse. En voyant la couleur jaune du sésame, je ne me doutais pas que je me retrouvais dans la caste des Intouchables, ceux qui ne rentrent à une projection de presse en compétition officielle que s’il reste de la place ! Quand on sait qu’il y a plus de 5000 journalistes accrédités chaque année et que la plus grande salle du Festival fait 2500 places, on comprend que les places soient chères… Au fil des ans, en changeant de médias et en prenant de l’ancienneté, je suis passé doucement, mais sûrement de la honteuse carte jaune à la carte bleue, puis rose pour enfin être stabilisé depuis une dizaine d’années, en carte « rose à pastille dorée » qui permet de ne pas faire la queue et d’être même prioritaire pour les séances et les conférences de presse. Le bonheur, surtout lorsque l’on n’a pas une minute à perdre !

So close, so far…

Mais à vrai dire, mon premier festival date de 1993 quand jeune étudiant, je finissais mes études par un stage… à l’Institut Lumière. A l’époque, Thierry Frémaux, aujourd’hui Délégué général du Festival, était en charge de la programmation de la cinémathèque lyonnaise et devait assister à Cannes, à la projection de « So close, So far » de Wim Wenders en compétition officielle. Ma mission : conduire Frémaux à Cannes dans la journée, trouver un hôtel pour le soir et remonter le lendemain matin. Autant dire que je n’ai vu du Festival de Cannes uniquement le parking en sous-sol du Palais des Festivals et le Formule 1 du Cannet avant de reprendre l’autoroute pour Lyon. Un rendez-vous manqué. Il ne suffit pas d’aller à Cannes pour participer au Festival, mais ce trajet avec le futur « boss » du festival reste gravé dans ma mémoire.

Thierry Frémaux : ‘Le Festival de Cannes doit être The place to be’

Yes we Cannes

Depuis, je me suis bien rattrapé. Outre les centaines de films visionnés en 21 ans, j’ai aussi eu quelques moments magiques que l’on ne peut vivre qu’à Cannes pendant le Festival. Comme cette soirée à l’Eden rock d’Antibes, le Palace des palaces, pour couvrir une soirée V.I.P. en l’honneur de… Beyoncé et Jay Z ! Monsieur avait loué les lieux pour sa dulcinée et invité pour l’occasion, la crème de la crème des stars – de Brad Pitt à Uma Thurman, en passant par Leonardo di Caprio et Will Smith -. Du beau linge, quoi ! Travail oblige, je n’ai pu goûter le champagne Dom Perignon millésimé… qu’à une heure du matin, mais qu’il était bon !

Un autre souvenir amusant fut une pause cigarette lors d’une réception dans un grand hôtel. Sur le perron, une jeune femme blonde vient me demander du feu… Paris Hilton ! Etre aussi riche et ne pas avoir de briquet Dupont, n’a pas la classe qui veut ! A Cannes, tout peut donc arriver si vous êtes au bon endroit, au bon moment… Au même endroit, l’an dernier, c’est à Kim Kardashian que je tendais mon micro… L’Eden Rock est à Antibes, pas à Cannes, et les stars bling-bling n’ont pas forcément le talent pour monter les marches du Palais…

A tout Seigneur, tout honneur…

Mais les vrais stars du festival, il ne faut pas l’oublier, ce sont les films. Les gens se battent pour les voir, les sifflent, les conspuent ou au contraire les encensent, les portent aux nues. A Cannes, il faut séparer le bon grain de l’ivraie, se méfier des rumeurs et des avis unanimes. Et pour cela, il faut être assidu aux projections, se lever tôt le matin pour la projection de presse de 8h30 qui permet de voir qui montera les marches le soir même. Entre temps, le travail du journaliste est de caler des interviews, d’assister à des conférences de presse, de voir un autre film, de dérusher les images tournées le jour, de faire un montage, puis de se préparer pour le tapis rouge et attendre que les stars arrivent dans leurs plus beaux atours. Et de voir ses idoles débouler ensemble comme l’an dernier bras dessus, bras dessous, en l’occurence Jim Jarmusch, l’un de mes cinéastes fétiches, et Iggy Pop, l’Iguane en personne sous mes yeux ébahis.

De la jeunesse et du rock n’roll au Festival de Cannes

… Les stars sont des gens normaux exceptionnels !

Le jeu en vaut la chandelle et je garde tellement d’émotions de films vus pendant le festival qu’il est difficile de faire une hiérarchie. Reste quand même la Palme d’or de Lars von Trier pour Dancer in the Dark, la moitié de la salle pleurait et j’y suis allé aussi de ma petite larme. Plus près de nous, en 2014, la projection de Timbuktu d’Abderrahmane Sissako qui s’est terminé par une stand-up ovation de plus de 20 minutes alors que les attentats des djihadistes touchaient déjà le monde entier ! Ou encore la montée des marches, balle au pied, de Diego Maradona, accompagné d’Emir Kusturica qui lui avait consacré un documentaire en sélection officielle hors compétition. Ou encore Steven Spielberg assis à côté de moi pour une séance matinale, en compagnie de sa femme. Ou encore Sean Penn, déboulant des coulisses du Palais en colère, insultant je ne sais qui au téléphone… ou encore Abbas Kiarostami à qui je demande un selfie en fan transi. Le grand cinéaste iranien nous a quittés depuis, mais a laissé de nombreux films inoubliables dont Le Goût de la cerise, Palme d’or ex-aequo en 1997.

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Manoel de Oliveira, le doyen des cinéastes qui nous a quittés en 2015 à 106 ans, que j’ai croisé incognito sur la Croisette il y a quelques années, en train de faire une promenade de santé ! Sans oublier Sophie Marceau qui m’a accueilli dans sa chambre d’hôtel du Majestic pour une interview de plus d’une demi-heure, Gon Li me faisant attendre près de cinq heures au Carlton pour une interview qui a duré 4 minutes montre en main ou encore Marion Cotillard à ses débuts, il y a plus de 15 ans, qui tremblotait à chaque question et qui a pris un malaise d’angoisse avant la fin de l’interview. Depuis, elle est passée par Hollywood et fait preuve de beaucoup plus de professionnalisme… au détriment de la spontanéité !

Pour (presque) finir, comment ne pas parler du tapis rouge où tous les jours défilent les plus belles femmes du monde, dans les plus belles robes de haute-couture, parées des plus beaux diamants des grands bijoutiers. Impossible de s’en lasser, il faut revenir chaque année !

Enfin, la question que l’on m’a le plus posée peut-être en 21 ans, et surtout par la gente féminine : « Quelle est la plus belle femme que tu aies vue à Cannes ? ». Sans hésiter, je réponds Julia Roberts. Elle ressemble d’ailleurs à la femme que j’aime.

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