Patrick Pouyanné : "L'élection de Macron est un saut dans la modernité"

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Par Euronews
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La crise entre le Qatar d’un côté, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis notamment de l’autre ; le marché iranien qui s’ouvre ; les incertitudes autour des intentions du président américain Don

La crise entre le Qatar d’un côté, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis notamment de l’autre ; le marché iranien qui s’ouvre ; les incertitudes autour des intentions du président américain Donald Trump ; les conséquences du Brexit ; en France, le quinquennat prometteur d’Emmanuel Macron : le P-DG du groupe pétrolier Total, entreprise présente dans 130 pays, Patrick Pouyanné, est l’invité de cette nouvelle édition de The Global Conversation.

Patrick Pouyanné

  • Il est Président directeur général du groupe Total depuis décembre 2015
  • Le groupe Total (entreprise pétrolière et gazière française) est présent dans 130 pays
  • 5ème entreprise européenne (en chiffre d’affaires), 24ème mondiale
  • Total est une “supermajor”, c’est-à-dire une des six plus grosses entreprises du secteur à l‘échelle mondiale, avec ExxonMobil, Shell, Chevron, BP et ConocoPhillips

David Jacquot, Euronews :
“L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis (EAU) ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Votre groupe est très présent dans cette région du monde. La crise diplomatique en cours, si elle devait empirer, pourrait-elle vous gêner dans la conduite de vos affaires ?”

Patrick Pouyanné, Total :
“Total est née au Moyen-Orient en 1924. Nous connaissons en effet bien cette zone, dans laquelle nous sommes très implantés, au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, demain, en Iran. Mais, vous savez, nous sommes d’abord une entreprise commerciale. Et donc, nous travaillons dans chacun de ces pays dans leur propre intérêt. J’observe les grands pays occidentaux faire en sorte d’essayer d’apaiser cette tension, alors que ce n’est franchement pas dans l’intérêt de grand-monde, le véritable ennemi dans cette région, aujourd’hui, étant Daesh et, plus généralement, le terrorisme.”

David Jacquot :
“Total réalise du business dans d’autres pays qui connaissent des tensions. Le vrai risque qui pèse sur votre compagnie n’est-il pas plus d’ordre géopolitique qu‘économique, puisque, aujourd’hui, Total est rentable avec un pétrole sous 50 dollars ?”

Patrick Pouyanné :
“Total travaille là où il y a du pétrole et du gaz. Ce n’est pas nous qui décidons où cela se trouve. Encore une fois, nous sommes une entreprise commerciale, nous ne faisons pas de diplomatie. On produit du gaz au Qatar et, par un tuyau, on le relie à Abu Dhabi. Tout le monde aurait pu penser qu’une telle crise aurait provoqué un arrêt, soit du côté du producteur, soit de celui du consommateur. Et ce n’est pas le cas.”

David Jacquot :
“Que répondez-vous à ceux qui affirment que, finalement, les fortes tensions géopolitiques, quel que soit l’endroit du monde, font finalement les affaires des groupes pétroliers, comme Total, parce que ça fait, a priori, monter les cours, donc ça dope les résultats ?”

Patrick Pouyanné :
“Nos affaires, attendez… Nous sommes dans un marché de matières premières. La volatilité du prix est d’abord pilotée, non par la géopolitique, même si tout le monde trouve dans la géopolitique une interprétation à tout ce qui se passe, mais par l’offre et la demande. Quand il y a trop d’offre et pas assez de demande, le prix baisse. Et vice-versa. Là sont d’abord les fondamentaux du prix du pétrole. Les marchés l’ont d’ailleurs démontré depuis deux ans, malheureusement. Alors bien sûr, pétrole et gaz sont concentrés sur huit à 10 pays qui détiennent 80% des réserves. Ce sont des pays du Golfe, la Russie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Etats-unis. Vous avez parmi eux de grandes puissances. C’est cela qui fait qu’il y a une combinaison de géopolitique et d’hydrocarbures.”

David Jacquot :
“Après la levée des sanctions internationales, Total a été la première major pétrolière occidentale à signer un protocole d’accord avec l’Iran – pour exploiter le plus grand gisement gazier du monde, Pars Sud. A quand la signature définitive de ce contrat ? A quand le premier coup de pioche de Total en Iran ?”

Patrick Pouyanné :
“On a signé en novembre 2016 un protocole d’accord et on a en effet été les premiers à le faire, autrement dit, à faire preuve d’audace. Ce champ géant de gaz est d’ailleurs partagé entre le Qatar et l’Iran. Donc, là encore, on sert de pont entre ces deux pays. Nous allons procéder à la signature dans les prochaines semaines. Notre production sera destinée au marché domestique iranien. Elle contribuera donc au développement de l‘économie iranienne.”

David Jacquot :
“Parlons de la politique étrangère de Donald Trump dans cette région… Comprenez-vous la logique et la cohérence du président américain, qui fait du business avec l’Arabie saoudite et le Qatar, tout en laissant les tensions diplomatiques monter entre ces deux pays, alors même que les Américains ont une base militaire au Qatar ?”

Patrick Pouyanné :
“Il faudra demander au président Trump quelle est sa politique et sa stratégie… Je pense qu’il découvre un certain nombre de problématiques diplomatiques. Je ne suis pas sûr que l’on puisse encore parler de stratégie, de politique. S’agissant de la diplomatie américaine, elle va prendre un peu de temps, je pense, à se mettre en place. Vous pouvez noter que la demande principale que les Etats-Unis adressent aujourd’hui au Qatar, c’est l’arrêt du soutien au Hamas. Une demande qui revient d’ailleurs régulièrement en arrière-plan de tout ce que dit l’administration américaine, et
donc également dans cette crise. Je pense que le sujet le plus important pour le président Trump au Proche-Orient, c’est le dossier israélo-palestinien, qu’il aimerait faire progresser.”

David Jacquot :
“En Europe, les négociations sur le Brexit s’ouvrent cette semaine. La Première ministre britannique Theresa May vient de subir un camouflet en perdant la majorité absolue aux élections législatives. Pensez-vous, au regard de ces discussions, que l’Union européenne a tout à gagner ou pas
dans un affaiblissement de la cheffe du gouvernement britannique, dans la perspective d’un meilleur accord ?”

Patrick Pouyanné :
“Je pense que le Brexit n’est une bonne chose pour personne. Ni pour la Grande-Bretagne, ni pour l’Europe. Le vrai sujet pour l’Europe, et il est posé par le Brexit, c’est la relance du projet européen. Les Britanniques se sont sans doute détachés de ce projet parce qu’il n‘était pas assez attractif. Et c’est aussi ce que pensent les peuples d’autres pays. Nous avons une eurozone avec une monnaie, il faut que nous l’approfondissions.
Il faut aussi clarifier, pour les citoyens européens, les compétences de la Commission européenne et des Etats-membres. On a un continent de 500 millions de personnes, qui est un grand marché, et ce marché libre est inachevé dans plein de domaines. Il n’est pas achevé dans l‘énergie, ce qui fait qu’on investit dans du solaire au nord de l’Allemagne alors qu’on ferait mieux de le faire au sud de l’Espagne ; il n’est pas achevé dans le numérique : pourquoi, aujourd’hui, tous les grands acteurs du numérique sont-ils américains, pourquoi n’y a-t-il pas d’acteur européen ? Ce n’est pas un problème de compétences scientifiques, c’est la conséquence d’un marché américain de 350 à 400 millions de personnes qui est, lui, totalement unifié. Quand vous développez et que vous investissez, vous avez accès immédiatement à ce marché. En Europe, on a encore des marchés fragmentés, c’est ça, le vrai défi de l’Europe.”

David Jacquot :
“Pensez-vous que l‘élection du président Macron a changé le regard des investisseurs étrangers sur la France ?”

Patrick Pouyanné :
“C’est très clair. Cette élection constitue un saut dans la modernité. Notre pays est désormais à l’avant-garde, du fait de l‘âge de notre nouveau président, du fait de son discours également, qui est ouvert. Le clivage politique que propose Emmanuel Macron est différent de l’ancien clivage libéralisme/socialisme. Il propose de choisir entre une politique d’ouverture – sur les nouvelles technologies, sur l’Europe, sur l’entreprenariat – et un repli sur soi. De ce point de vue, notre pays, en termes de compétition, redevient totalement attractif, et c’est vraiment un événement.
Le débat sur la globalisation, le refus d’y entrer, m’a frappé dans cette élection, et à d’autres moments politiques qui ont précédé. Quasiment la moitié des gens ont voté contre l‘économie de marché. Nous sommes un groupe mondial, qui a réussi à tirer parti de cette économie de marché, qui fait donc partie des vainqueurs de la mondialisation. Je pense qu’il faut apporter des réponses aux gens qui sont contre.”

David Jacquot :
“Justement, quelle est, selon vous, la réforme la plus urgente que le président Macron devrait mettre en œuvre pour rendre la France plus attractive ?”

Patrick Pouyanné :
“Le fléau du pays, c’est le chômage des jeunes. Il faut tout faire pour leur donner du travail. Il y a, pour cela, plusieurs leviers. L’un d’eux est sans doute le droit du travail, qui est trop compliqué, ce qui bloque les entrepreneurs. Il faut bien évidemment des systèmes de protection, mais aussi des incitations pour que les gens soient plus incités à travailler qu‘à rester chez eux. Je pense très important que la valeur travail soit reconnue dans ce pays comme étant la première valeur.”

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