"Donald Trump représente ce mélange de nationalisme et de populisme" selon Felipe Gonzalez

"Donald Trump représente ce mélange de nationalisme et de populisme" selon Felipe Gonzalez
Par Euronews
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

L'ancien Premier ministre espagnol était notre invité à Bruxelles.

PUBLICITÉ

Une social-démocratie mise à mal par la crise économique : c’est le constat de notre invité Felipe Gonzalez, ancien Premier ministre espagnol.

Ana Lazaro - Monsieur Felipe Gonzalez, bienvenue sur Euronews.

Felipe Gonzalez - Merci.

  • Il semble que la pire crise économique que l'Europe ait connue soit désormais derrière elle, mais les répercussions sont indéniables. Pensez-vous que la Grèce et les pays du sud de l'Europe ont payé un prix trop élevé ?

  • Oui, j’en suis convaincu. C’est une politique d’austérité qui a été appliquée. Il n’y a pas eu de politiques contraires au système, à part celles menées deux ans plus tard par la BCE du point de vue monétaire. Cela a été mal fait, trop de frais ont été payés, et il y a eu des souffrances inutiles et trop de fractures.

  • En Espagne, la crise nous a laissé des contrats précaires et des salaires bas. Pensez-vous que c'est une situation qui peut être changée ?

  • Absolument, elle peut être changée, mais il faut un projet et une volonté politique. La vérité, c'est que le modèle économique de la mondialisation tend à mal répartir les revenus et à créer de plus grandes inégalités. Ceci est vrai même lorsque l'économie est croissante. Mais quand elle doit être ajustée, alors cela devient dramatique et c’est ce que nous ressentons en Espagne. La contribution de l'Espagne à la sortie de la crise financière a été la dévaluation des salaires, la précarisation de l'emploi et donc la hausse des inégalités.

  • Il semble que la social-démocratie traverse une période difficile en Europe. Les partis de cette famille politique, dont vous faites partie, continuent de rencontrer des défaites. Pourquoi ?

  • Je crois, comme Willy Brant, que la social-démocratie a le potentiel de pouvoir toujours entamer un nouveau départ. Je viens de décrire le schéma de l'inégalité. Si ce schéma existe et s’il est sérieux, il y a une utilité évidente pour la social-démocratie. Il faut tenir compte des nouvelles circonstances de la mondialisation, de l'interdépendance, de la nécessité de faire face à la concurrence, voire du vieillissement de la population. Mais l'essence de la social-démocratie a pour objectif de lutter contre les inégalités en fonction des conditions actuelles et doit donc faire l'objet d'un diagnostic correct suivi de propositions appropriées.

  • Alors par exemple, au Royaume-Uni, c’est Jeremy Corbyn a pris les rênes du Parti travailliste. Pour vous, il incarne le chemin que doit emprunter la gauche ou c’est un personnage anachronique qui revendique des positions du passé ?

  • Je n'aime pas le mot anachronisme. Je crois qu'il a récupéré le vieux discours de la social-démocratie sans considérer la réalité actuelle et qui motive les inégalités.

  • Sur la scène politique européenne, vous voyez une figure représentant cette nouvelle social-démocratie ?

  • Par exemple, il y a une personnalité qui attire mon attention : il s’agit d’Antonio Costa, au Portugal. Nous lui accordons peu d'attention, mais ce qu'il fait est intéressant. Alexis Tsipras en Grèce souffre de sa position de gauche radicale, du moins à l’origine.

  • En Europe, les populismes gagnent du terrain, même dans les pays avec démocraties solides comme la France, l'Allemagne ou les Pays-Bas. Comment l'expliquez-vous ?

  • Eh bien, la première question pour les non-populistes, pour les grands partis, c’est : qu'avons-nous fait de mal pour que le populisme ait autant de place ? Car si le discours se limite à dénoncer la menace du populisme, et à créer des craintes, les populistes sont des spécialistes. Le cancer de l'Europe d'aujourd'hui c’est vraiment ce mélange de nationalisme et de populisme. Ce mélange dont le représentant fondamental dans le monde est Donald Trump.

  • Dans les derniers pays qui ont adhéré à l'Union européenne, comme la Pologne, la Hongrie ou la République tchèque, on constate qu’il y a beaucoup d'euroscepticisme. Qu'en pensez-vous ?

  • Je dirais qu'il y a du nationalisme. Mais il y a une explication historique qui a une composante psychologique et sociale. Les pays que vous avez cités ont tout récemment recouvré leur souveraineté nationale vis-à-vis du pouvoir soviétique. Et maintenant, ils ont le sentiment que c'est Bruxelles qui jouerait ce rôle. Et ils ont une réaction nationaliste parce qu'ils ne comprennent pas que la construction de l'Europe, de cet espace partagé, est un processus de transfert de souveraineté pour la partager et non pour la perdre. Ils l'ont récemment retrouvée et sont réticents à la partager.

  • Sujet inévitable : la Catalogne. Quelle est la part de responsabilité du gouvernement de Madrid et du gouvernement catalan ?

  • On ne peut pas les mettre sur un pied d’égalité. Le gouvernement de Madrid a rencontré des échecs opérationnels, et il est évident qu'il a fait moins de politique que nécessaire même dans l'application tardive de l’article 155. Mais cela ne permet pas d'établir une égalité avec les erreurs commises par les séparatistes, les nationalistes, les indépendantistes. Parce qu'ils ont tout simplement violé la Constitution, le Statut Autonome et l'intérêt général. Et ils l'ont fait en toute conscience sur ce que nous pourrions appeler un coup d'État institutionnel qui a pris fin les 6 et 7 septembre. A ces dates, les institutions catalanes ont été liquidées. Et ce n'est qu’avec l'intervention des tribunaux et du gouvernement central qu’on a rétabli ces institutions.

  • Vous avez vécu de près une intervention cruciale de la monarchie espagnole après le coup d'État de 1981. L'intervention de Felipe VI dans la crise catalane a soulevé la controverse. Selon vous, quel rôle la monarchie devrait jouer dans l'Espagne du futur ?

  • Il y a toujours une controverse qui sous-entend qu’une intervention comme celle d'octobre aurait été moins nécessaire si le gouvernement central avait occupé cet espace. Mais dans cette situation critique, c'était absolument nécessaire, essentiel, et cela a été fait conformément au mandat constitutionnel. Par conséquent, son intervention en tant que chef de l'État était indispensable. Tout le monde a-t-il aimé cette intervention ? Non, pas tous. Mais ce qui est vrai, c'est que la majorité des citoyens espagnols, qui se sentaient orphelins, ont été rassurés, je vous l'assure.

Partager cet articleDiscussion