Alcool : les limites de la prohibition

Après 20 heures, les contrôles dans magasins d'alcool se multiplient.
Après 20 heures, les contrôles dans magasins d'alcool se multiplient.
Par Euronews
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Depuis le 1er janvier la vente d'alcool aux moins de 20 ans est interdite en Lituanie. L'application de la loi s'avère compliquée, pour ne pas dire impossible.

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En Lituanie, les autorités ont sorti les grands moyens pour s'attaquer à l'alcoolisme, fléau sanitaire dans ce petit pays d'Europe du nord.
Résultat : une véritable prohibition a été instaurée depuis le 1er janvier : l'alcool y est interdit à toute personne âgée de moins de 20 ans (contre 18 ans auparavant) sans parler des restrictions en matière de vente et de publicité touchant tous les consommateurs.

En mai 2017, un rapport de l'Organisation mondiale de la santé avait causé un électrochoc dans le pays :  la Lituanie y était présentée comme la nation où la consommation d'alcool était la plus élevée au monde avec 18,2 litres par personne et par an (contre 11 litres en moyenne dans le reste de l'Europe). 

Contourner la loi

Mais deux mois après l'entrée en vigueur du nouvel arsenal législatif, force est de constater qu'il sera très difficile de faire appliquer la loi.
D'abord parce que de nombreux jeunes ont décidé de tout faire pour contourner la prohibition. Par jeu, par défi, par besoin aussi. 
Andrius, un étudiant de 19 ans, résume la tendance : "Ils pensent que les jeunes sont stupides. Mais on a tous des moyens de se procurer de l'alcool. J'ai bu avant mes 18 ans. C'était beaucoup plus intéressant parce que c'était interdit."
Kotryna, Greta et Laura, trois copines d'universités le confirment : "Nous n'avons aucun problème pour acheter de l'alcool, nous y arrivons toujours, d'une façon ou d'une autre."

Les jeunes de moins de 20 ans risquent des amendes.

Entre les patrons de bar qui ferment les yeux sur l'âge de leur client, les petits malins qui offrent leurs  services de livraison à domicile via Facebook et les achats d'alcool dans les pays voisins, la police locale fait de son mieux pour faire respecter la loi. 

Comme chaque vendredi soir, des raids ont lieu dans les grandes villes du pays. Premier objectif : repérer les échoppes (très nombreuses) qui bravent l'interdiction de vente d'alcool à emporter après 20 heures. Techniquement parlant, seule la consommation sur place est autorisée pour les plus de 20 ans. Certains vendeurs de nuit ont donc installé des chaises et quelques tables. Mais la plupart des magasins restent vides. Ces derniers sont peu ou pas chauffés et leurs clients préfèrent généralement consommer chez eux.

Amendes

En cas d'infraction, les commerçants risquent gros : une amende comprise entre 150 et 1 450 euros. Sans parler des consommateurs : s'ils sont surpris en possession d'alcool ils auront à payer entre 14 et 30 euros d'amende. 

L'un des officiers de police de Kaunas, à la tête d'une des équipes d'intervention, ne cache pas son insatisfaction quand Euronews l'interroge : "Les vendeurs contournent facilement les interdictions et sont impatients de se défendre devant les tribunaux. Les contrôles exigent beaucoup de ressources et les affaires peuvent prendre jusqu'à un an et demi pour être portées devant les tribunaux."

Rasa Lapinskien, propriétaire d'un bar dans le centre de Vilnius estime pour sa part qu'il n' y a aucun signe que les grands buveurs changent leurs habitudes. "Les gens qui veulent se soûler en Lituanie choisissent encore généralement les boutiques de nuit plutôt que les bars ", explique la gérante.

Un de ses confrères avoue avoir du mal à demander les papiers d'identité à ses jeunes clients. Il craint les bagarres et envisage d'embaucher un videur.

La vente d'alcool est désormais interdite après 20 heures pour les moins de 20 ans.

L'autre bataille que mènent les policiers se joue sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, un groupe a été repéré : il y est question de revente de bière et de brandy. Le message est clair : 'Livraison à Kaunas juste après 20 heures'. 

Réseaux sociaux

Depuis janvier, d'autres groupes ont été créés. Beaucoup semblent être administrés par des mineurs. Certains usent davantage de malice que les autres : des jeunes proposent de "prêter" de l'alcool, d'autres lancent juste des appels sans mentionner le mot alcool : "Quelqu'un est-il dans le besoin dans le centre ?"

Le combat est sans fin d'autant que les revendeurs n'ont aucun mal à s'approvisionner dans les pays limitrophes, en Pologne notamment où l'alcool est moins cher. Et dès 18 ans on peut y faire ses emplettes en toute légalité.
Les commerçants lituaniens se sont également adaptés. Certains n'ont pas hésité à ouvrir des succursales dans les pays voisins et proposent des livraisons gratuites. 

Problème majeur

Même si des études récentes ont montré que la question de l'alcoolisme est sans doute moins grave que ne l'a indiqué l'OMS, Ona Davidonien, la directrice du Centre national lituanien de santé mentale, est convaincue que l'abus et la consommation excessive d'alcool restent un problème majeur en Lituanie. Et de citer les taux élevés de crimes violents, d'abus domestique, d'accidents de la route et de suicides dans le pays.
Cependant, dit-elle, changer les attitudes est plus difficile que simplement changer la loi. "Ce ne sera pas facile, car de nombreux groupes résistent par tous les moyens disponibles et certains le font de manière déshonorante."

C.Ga avec Gil Skorwid à Kaunas

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