"Violences contre les juifs et conflit israélo-palestinien sont liés"

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Par Euronews
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Spécialiste de l'antisémitisme, Nonna Mayer répond à Insiders dans un contexte de hausse des agressions antisémites, en particulier en France. Pour elle, les pics de violences ont un lien depuis 2000, avec les opérations israéliennes dans les territoires occupés.

Dans le cadre de notre émission Insiders consacrée à l'antisémitisme qui connaît une montée en puissance en Europe et en particulier en Allemagne et en France où l'on recense une hausse des actions violentes commises contre les juifs, nous interrogeons Nonna Mayer, directrice de recherche émérite au CNRS, rattachée au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po. Cette spécialiste de l'antisémitisme souligne notamment la corrélation depuis 2000 entre pics de violence antisémite et opérations israéliennes dans les territoires occupés.

Sophie Claudet, euronews :

"Pourquoi observe-t-on aujourd'hui en France et en Allemagne, une augmentation des actes violents contre la minorité juive ?"

Nonna Mayer, directrice de recherche émérite au CNRS :

"Tout d'abord, cela ne date pas d'hier. En fait, la remontée des actes et des violences antisémites à travers toute l'Europe commence en 2000 avec la seconde Intifada. Juste avant, les actes antisémites étaient devenus quasiment résiduels. Donc il y a un impact du conflit israélo-palestinien avec des pics à plus de 1000 actes et menaces recensés en France après l'opération israélienne "Bordure protectrice" [à l'été 2014] ou "Plomb durci" [hiver 2008-2009].

Mais effectivement, en 2017, on a vu une augmentation des violences. On est dans un contexte de tensions identitaires, de montée des droites radicales populistes, des droites extrêmes et surtout, les réseaux sociaux prennent de plus en plus d'importance et enflamment les débats. Tout cela est propice à une montée de la violence qui ne concerne pas simplement les actes antisémites : on le voit à l'égard des homosexuels, à l'égard des Roms, mais aussi à l'égard des femmes musulmanes portant foulard. On est dans un contexte qui incite à la violence."

"La peur d'un potentiel antisémite parmi des réfugiés venus de pays hostiles à Israël"

Sophie Claudet :

"On parle aussi d'une corrélation en Allemagne entre l'arrivée de réfugiés venant de pays qui sont en guerre avec Israël et la montée des actes antisémites. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez observé dans vos recherches ?"

Nonna Mayer :

"Il y a quelques actes isolés, mais il n'y a pas de montée. Nous avons fait une enquête dans 5 pays européens. Il y a effectivement dans les communautés juives, la peur d'un potentiel antisémite parmi des réfugiés venus de pays hostiles à Israël. Mais si vous prenez le cas de l'Allemagne, vous voyez que cette hausse d'actes violents en 2017 est pour 92%, liée à des personnes venant de l'extrême-droite. Donc c'est un peu plus complexe. Disons qu'il y a la crainte, mais que pour l'instant, rien n'est avéré."

Sophie Claudet :

"Que se passe-t-il dans le reste de l'Europe occidentale, par exemple le Royaume-Uni, la Belgique pour citer quelques pays européens voisins ?"

Nonna Mayer :

"On note partout une montée des agressions antisémites depuis 2000, l'année de la seconde Intifada, avec des pics de violence qui correspondent aux opérations israéliennes dans les territoires occupés."

"L'antisémitisme ordinaire"

Sophie Claudet :

"Là encore, c'est l'Intifada qui se joue sur nos territoires européens."

Nonna Mayer :

"Oui. Il y a aussi le terrorisme djihadiste avec al-Qaïda et maintenant, l'Etat islamique. Mais il y a aussi quelque chose dont on n'a pas parlé qui est l'antisémitisme ordinaire, au quotidien - des crachats, des insultes au quotidien - qui n'est pas nécessairement rapporté à la police, mais qui est le plus douloureux, qui pourrit la vie des personnes juives."

Sophie Claudet :

"Parlons rapidement de l'Est de l'Europe où l'antisémitisme se joue différemment et a des raisons historiques différentes."

Nonna Mayer :

"Parce que d'une certaine manière, le communisme a entraîné la glaciation de ces attitudes au niveau qu'elles avaient dans les années 30. Donc il n'y a pas eu cet acte de conscience, ce travail de mémoire qui a été fait dans les démocraties occidentales. ll y a par ailleurs, une montée des populismes d'extrême-droite dans ces pays et le juif est (vu comme) le bouc-émissaire idéal : je pense à George Soros en Hongrie ou à la réécriture ou à la révision de l'Histoire en Pologne."

"La minorité la plus stigmatisée en Europe ? Les Roms"

Sophie Claudet :

"Est-ce que les juifs sont aujourd'hui en Europe, la minorité la plus menacée ?"

Nonna Mayer :

"Si on regarde le petit nombre de juifs en Europe - et la France qui a la plus grande communauté juive, c'est 500.000 personnes, mais c'est 0,6% de l'ensemble de la population - proportionnellement à leur nombre, c'est la minorité pour laquelle les plaintes déposés auprès de la police sont plus importantes. Et tout n'est pas déclaré."

Sophie Claudet :

"Est-ce que c'est la minorité la plus stigmatisée en Europe ?"

Nonna Mayer :

"Non. La minorité de très loin, la plus stigmatisée en Europe, est celle des Roms."

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