Aux Philippines, des camps d'entraînement pour démonter les fausses nouvelles

Aux Philippines, des camps d'entraînement pour démonter les fausses nouvelles
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Aux Philippines, premier utilisateur mondial de réseaux sociaux, des soldats et policiers en rangs d'oignon fixent avec attention des gros titres projetés sur écran, dernières recrues en date du combat contre les fausses nouvelles qui submergent l'archipel. Aujourd'hui, il s'agit d'hommes et de femmes en uniforme mais des milliers de personnes allant des scouts aux fonctionnaires ont reçu cette formation innovante dispensée par le principal réseau de télévision philippin ABS-CBN. "Lequel est vrai?", demande Rowena Paraan, journaliste vétéran de la chaîne, dans la salle de gymnastique suffocante d'une base militaire. La télévision organise depuis longtemps des formations au journalisme citoyen mais depuis fin 2016, elle a également montré à quelque 25.000 personnes comment combattre les fausses informations qui ont accompagné l'ascension du président Rodrigo Duterte. Le premier titre concerne un groupe jihadiste du sud de l'archipel spécialisé dans les enlèvements crapuleux: "Donald Trump envoie 5.000 militaires pour combattre Abou Sayyaf". C'est faux et plusieurs élèves lèvent rapidement la main pour le dire. Mais démêler la vérité du mensonge devient de plus en plus difficile et au bout d'un moment, les pas de la formatrice sont le seul bruit qu'on entend dans la salle. Les cours, fournis gratuitement à la demande, offrent une vue générale sur le fonctionnement des "fake news" ainsi que des techniques pour les repérer et les démonter. Depuis l'élection du président en 2016, plusieurs initiatives du genre ont vu le jour, dont une formation proposée par le site d'information Rappler, connu pour son opposition à la campagne meurtrière contre la drogue de M. Duterte. Mme Paraan explique que le risque d'être manipulé par les contenus douteux n'est pas anodin. - Armée de trolls - Les fausses nouvelles "ont généré davantage de soutien pour le président", dit la journaliste à propos de la campagne électorale. "Elles encourageaient les gens à haïr les ennemis (de M. Duterte) ou à le soutenir". Le camp présidentiel a plusieurs fois été accusé par ses contempteurs d'employer une armée de trolls pour chanter ses louanges et étriller ses opposants, voire les menacer. L'entourage proche de M. Duterte a été pris en flagrant délit de propagation d'informations fausses, y compris le porte-parole de sa campagne électorale. Son gouvernement est resté silencieux sur ces formations mais a dénoncé une proposition de loi visant à punir les figures publiques qui répandraient des fausses nouvelles. L'un des exemples de fake news pro-Duterte que Mme Paraan aime à citer est celui de la Nasa, l'agence spatiale américaine qui aurait dit qu'il est le "meilleur président du système solaire". Cette "annonce" avait été partagée plus de 6.500 fois sur Facebook. "Allo? Ils ont enquêté sur Mars, Pluton?", demande-t-elle, ironique. Ils sont une bonne trentaine de policiers et de soldats à assister au cours. La policière Bernadette Leander travaille dans les relations publiques et a déjà eu affaire aux fausses informations. Une rumeur avait circulé sur les réseaux sociaux selon laquelle M. Duterte avait doublé les salaires des policiers et la police avait été inondée d'appels de recrues potentielles. - "Gardiens du temple" - "Les gens ont commencé à nous interroger sur le sujet. Nous leur avons dit que ce n'était pas vrai", raconte-t-elle à l'AFP. "Nous avons dû mené une campagne d'information" pour démentir. L'une des raisons pour lesquelles les Philippines sont le paradis des "fake news" est le volume même de l'activité en ligne. D'après le cabinet spécialisé We are Social, le Philippin moyen passe un peu moins de quatre heures par jour sur les réseaux sociaux, soit la plus longue durée du monde. D'après Facebook, 69 millions de Philippins, sur une population de 106 millions, sont inscrits sur le réseau social, soit le sixième plus important groupe national. Environ 10 millions de Philippins travaillent à l'étranger, ce qui explique aussi cet engouement. "Nous voulons toujours être connectés avec les membres de notre famille et les amis qui sont loin, et une manière de le faire c'est avec les réseaux sociaux", déclare Rica Oquias, directrice du cabinet de marketing numérique M2Social. Un autre facteur est le fait que Facebook offre aux utilisateurs sur mobile un accès internet gratuit mais limité dans les pays en développement. Cet arrangement est un terrain potentiellement fertile pour les faux car les utilisateurs voient uniquement les titres, explique Mme Paraan. Il leur faudrait acheter des connexions pour lire l'article entier, ce qui est essentiel pour en évaluer l'authenticité. Les cours donnent cependant quelques outils pour lutter, juge Luz Rimban, directrice du Centre asiatique du journalisme. "C'est une bonne chose. Il y a un flux d'informations et nous devons être nos propres gardiens du temple".

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