Après Deraa, le régime syrien confronté à un dilemme cornélien

Après Deraa, le régime syrien confronté à un dilemme cornélien
Par AFP
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Face aux rebelles de Deraa, berceau de la révolte syrienne de 2011 contre Bachar al-Assad, le régime s'est offert une victoire facile. Mais sa prochaine bataille s'annonce ardue dans un pays morcelé et soumis à des luttes d'influence régionales. Plus de sept ans après le début de la guerre, le président syrien Assad a renversé les pertes subies sur le terrain face aux insurgés et aux jihadistes grâce à ses alliés russe et iranien. Il contrôle désormais plus de 60% du pays. Mais s'il décidait, pour continuer sa reconquête, d'affronter les rebelles de Qouneitra, aux portes d'Israël dans le sud ou les jihadistes de la province d'Idleb, dans le nord-ouest à la frontière avec la Turquie, le régime se trouverait sur des terrains très sensibles, pour ces deux puissances régionales impliquées dans la guerre en Syrie. Selon des experts, ces deux secteurs pourraient toutefois être rapidement dans le viseur du pouvoir de Damas, après sa victoire hautement symbolique dans la province méridionale de Deraa où avaient éclaté les premières manifestations anti-Assad en 2011, dans la foulée du Printemps arabe "Avec la chute de Deraa, Bachar al-Assad envoie un message. Ou que ce soit en Syrie, aucun territoire qui s'est soulevé contre lui n'est hors de portée", résume l'analyste Nicholas Heras analystes pour plusieurs centres de réflexion américains. Il aura fallu moins de trois semaines de violente offensive au pouvoir syrien pour faire plier les rebelles à Deraa, et les amener à accepter le 6 juillet un accord dit de "réconciliation", qui s'apparente à une capitulation. "Ca n'a pas été la bataille la plus dure du conflit syrien, mais symboliquement c'était l'une des plus importantes", confirme Karim Bitar, de l'Institut des affaires internationales et stratégiques de Paris (Iris). - "Défi militaire et politique" - L'accord parrainé par Moscou prévoit un retour des institutions étatiques dans les zones insurgées de Deraa et un abandon par les rebelles de leurs artillerie lourde et moyenne. Le régime a déjà pris le contrôle de la quasi-totalité de la province, même si les procédures prévues par l'accord n'ont pas encore débuté dans la ville. En parallèle, il a commencé à pilonner une poche dans le sud-ouest de la région, bastion du groupe Etat islamique (EI). La province de Qouneitra, voisine de Deraa dans le sud, pourrait être la prochaine dans le viseur. Mais elle jouxte la ligne de démarcation sur le plateau du Golan, en majeure partie occupé et annexé par Israël. "C'est évidemment un secteur particulièrement sensible, qui représente un défi militaire et politique pour le régime", estime Sam Heller, analyste au centre de réflexion International Crisis Group (ICG). Selon un récent rapport de l'ICG, Israël a fourni "un soutien aux factions (syriennes) armées du sud (...) apparemment pour essayer de cultiver des partenaires locaux et sécuriser une zone tampon à sa frontière". Mercredi, des tirs de missiles israéliens ont visé des positions du régime à Qouneitra. Ils intervenaient après des combats entre rebelles et forces du régime, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Ces frappes font office d'"avertissement", estime Fabrice Balanche, expert sur la Syrie attaché à des universités française et américaine. "Pour Qouneitra et surtout la zone démilitarisée du Golan (...) il faut un accord avec les Israéliens. Ces derniers ont peur que l'armée syrienne n'en sorte plus" si elle reprenait la zone, estime-t-il. - Idleb "ligne rouge" - Malgré la montée en puissance du régime, la Syrie reste un pays morcelé entre une multitude de belligérants, soutenus par des puissances régionales ou internationales aux intérêts divergents. "La guerre implique un très grand nombres d'acteurs internationaux qui considèrent qu'ils n'ont pas dit leur dernier mot. De nouvelles flambées de violence pourraient survenir dans les mois à venir", selon M. Bittar. Les insurgés contrôlent des territoires dans le Nord, où ils sont protégés par la Turquie. Des combattants kurdes appuyés par Washington tiennent des zones dans le nord-est, tandis que la province d'Idleb est dominée par des jihadistes. "Après Deraa, on pense bien sûr à Idleb. Mais c'est un gros morceau", reconnaît M. Balanche. "Il faut un accord avec la Turquie pour digérer tout cela", poursuit-il en estimant qu'Ankara pourrait "installer un +protectorat+ sur la majeure partie d'Idleb". La province est dominée par Hayat-Tahrir al-Cham, coalition jihadiste formée par l'ex-branche syrienne d'Al-Qaida. Elle accueille aussi des groupes rebelles soutenus par les Turcs. Les territoires syriens à la frontière sont considérés comme la chasse gardée de la Turquie, qui accueille déjà plus de trois millions de réfugiés chez elle et cherche à éviter tout nouvel afflux. "La Turquie s'investit pour la survie et la défense d'Idleb dont l'effondrement serait désastreux", souligne M. Heller. "Elle a elle-même affirmé considérer Idleb comme une ligne rouge".

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