En Italie, le malaise des garde-côtes face à la très populaire fermeté anti-migrants

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Par AFP
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La fermeté affichée par le gouvernement populiste italien face aux flux de migrants depuis la Libye, très populaire dans la péninsule, provoque un malaise qui commence à percer, malgré la réserve militaire, au sein des garde-côtes italiens.

Ces dernières années, ils ont coordonné le sauvetage de centaines de milliers de personnes au large de la Libye, en arrachant eux-même de l'eau une grande partie. Mais depuis juin, ils doivent renvoyer vers Tripoli la plupart des appels à l'aide et des signalements d'embarcations en détresse.

La semaine dernière, un amiral des garde-côtes, sous couvert d'anonymat, s'est insurgé contre cette politique dans un entretien au quotidien Il Sole 24 Ore, rappelant que selon la justice italienne, la Libye ne constituait pas le "lieu sûr" exigé par la convention de Hambourg pour débarquer des personnes secourues.

Il a aussi dénoncé l'absence de décret ou d'acte officiel motivé sur la politique de fermeture des ports menée par le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, qui a laissé les capitaineries démunies face aux différents navires, commerciaux ou militaires, étrangers ou italiens, restés bloqués au large souvent plusieurs jours avant d'être autorisés à débarquer des migrants secourus souvent sur leur instruction.

Mercredi soir, dans le cadre très compassé du 153e anniversaire du corps des garde-côtes, leur commandant, l'amiral Giovanni Pettorino, a évoqué le souvenir de Salvatore Todaro, un sous-marinier qui avait pris des risques importants en 1940 pour secourir les survivants d'un navire qu'il venait de couler.

"En temps de guerre, ces choses-là ne se font pas", avait tonné l'état-major allemand auquel il était rattaché. Face aux nouveaux dirigeants politiques, l'amiral Pettorino a conclu son discours en martelant la réponse de Todaro: "Nous sommes des marins, des marins italiens. Nous avons 2.000 ans de civilité derrière nous et ces choses-là, nous les faisons".

Cette partie de son discours, applaudie par l'assemblée, n'apparaît pas dans le texte envoyé ensuite à la presse.

Mais cette priorité au secours s'est manifestée le 13 juillet, lorsque les garde-côtes italiens envoyés surveiller de loin 450 migrants entassés sur une barque de pêche ont commencé à les secourir alors qu'à Rome, le gouvernement leur demandait d'attendre que Malte s'en charge.

- "Sentiment d'impuissance" -

Ce sont là aussi des officiers anonymes qui ont raconté au quotidien catholique Avvenire et à Radio Radicale les coulisses de cette intervention, en évoquant leur "sentiment d'impuissance".

Mis en sécurité sur deux navires militaires, les migrants ont encore dû attendre 48 heures, et l'engagement de six pays européens d'en accueillir une partie, pour pouvoir toucher terre.

Si l'écrasante majorité des quelque 13.000 garde-côtes italiens oeuvrent avant tout le long des 8.000 kilomètres de côtes du pays, l'institution est fière de rappeler que plus de 2.000 d'entre eux se sont relayés ces dernières années sur les navires et vedettes intervenant au large de la Libye.

Mais désormais, "le climat n'est pas des meilleurs au sein du corps des garde-côtes", a résumé Sergio Scandura, journaliste de Radio Radicale. Le mois de juin a été le plus meurtrier de ces dernières années avec 564 victimes recensées par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), alors que les départs sont en chute libre.

Malgré tout, la fermeté affichée par Rome sous l'impulsion de M. Salvini, est très populaire en Italie. Selon différents sondages ces dernières semaines, les deux-tiers des Italiens approuvent son choix de fermer les ports aux migrants secourus.

Le taux de popularité du chef de file de l'extrême droite italienne approche les 50% et son parti la Ligue est passée de 17% des voix aux législatives de mars -- de loin le meilleur score de son histoire -- à 30% des intentions de vote, au coude-à-coude avec ses alliés du Mouvement 5 étoiles (M5S).

Les voix dissonantes restent rares... et souvent catholiques. A la suite de la découverte mardi d'une miraculée et de deux cadavres sur les restes d'un canot, la Conférence des évêques d'Italie a publié jeudi un communiqué au vitriol contre "une tragédie à laquelle nous n'arrivons pas à nous habituer".

"Nous n'avons pas la prétention d'offrir des solutions bon marché. Mais (...) nous prévenons sans équivoque que pour sauver notre humanité de la vulgarité et de la barbarie, nous devons protéger la vie. Chaque vie. A partir des plus exposées, humiliées et piétinées", ont écrit les évêques.

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