"L'Allemagne n'a pas de politique étrangère !" Cohn-Bendit débat avec Fischer et von der Leyen

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Par Daniel Cohn-Bendit
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Dans cette nouvelle édition d'Uncut, Daniel Cohn-Bendit interpelle l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères Joschka Fischer et l'actuelle ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen sur la présence qu'il juge timide de l'Allemagne sur la scène internationale.

Dans ce nouveau numéro d'Uncut, des conversations sans filtres et sans coupes de Daniel Cohn-Bendit avec des personnalités, l'ancien eurodéputé écologiste débat de la place de l'Allemagne dans le monde avec deux responsables politiques allemands.

Si l'ancien ministre vert des Affaires étrangères Joschka Fischer évoque le poids de l'Histoire qui selon lui, empêche encore son pays de se mettre en avant au plan international, l'actuelle ministre de la Défense Ursula von der Leyen estime que son "pays doit se préparer à prendre ses responsabilités,(...)c_'est un processus de mue._ (...) Après 25 ans de réunification, c'est le bon moment," assure-t-elle. Elle souligne également les grands progrès accomplis depuis un an et demi dans la construction de la défense européenne en indiquant : "Nous sommes une armée d'Européens, nous sommes tellement liés que nous pouvons mener des actions immédiates."

Joschka Fischer répond à Dany

L’ancien eurodéputé écologiste qui interroge ici l’un de ses amis de longue date en la personne de Joschka Fischer n’hésite pas à le provoquer en lui lançant : "L’Allemagne ne fait absolument rien en termes de politique étrangère." Ce à quoi son interlocuteur répond : "Les Allemands devraient assumer un rôle de puissance mondiale [notamment face à la politique de Donald Trump et à l’instauration d’un nouvel ordre mondial], mais ils ne le peuvent pas" du fait de leur histoire récente. "Après 1945, l’Allemagne a tiré instinctivement les enseignements [de la Seconde Guerre mondiale] en disant : ‘Plus jamais ça ! Plus jamais de guerre, de génocide, mais aussi plus de positionnement en tant que puissance mondiale, plus de politique mondiale," rappelle-t-il. "On a eu le sentiment qu’on ne pouvait pas faire cela, que cela ne nous apportait que le malheur à nous et à nos voisins et qu’on devait se concentrer sur l’économie," indique-t-il. 

"Sous le leadership de la France"

Selon l’ancien ministre, la seule manière d’agir pour l’Allemagne, "c’est de le faire uniquement dans le cadre de l’Europe, dans le cadre de l’Alliance atlantique, en coordination avec la France." Il appelle par ailleurs à un renforcement du poids de l’UE au plan international en précisant : "Ce n’est possible qu’avec l’Allemagne et la France et sous le leadership de la France." Pour lui, "faire avancer l’Europe" est crucial parce qu’"il y a un vrai danger que nous allions à notre perte."

"Transition politique en Allemagne"

Joschka Fischer évoque par ailleurs, une autre entrave qui empêche l’Allemagne de jouer un rôle international plus grand : "la situation de transition politique" dans laquelle elle se trouve et qui est similaire à ce qu'a vécu la France avec Emmanuel Macron, juge-t-il. "L’ancien système de partis typiquement ouest-allemand est en train d’évoluer de manière dramatique, voire d’exploser" citant notamment la contribution de l’extrême-droite avec le parti AfD à ce changement et soulignant l’importance à cet égard des élections régionales en Bavière et en Hesse dans les prochains mois. 

Enfin, il indique une particularité allemande qui peut aussi expliquer sa fragilité internationale : "La division que nous avons au sein de l’Union européenne est palpable, les nouveaux Länder sont plus proches de la Hongrie, de la République tchèque, de la Slovaquie que de l’Ouest de l’Allemagne," fait-il remarquer.

Joschka Fischer

  • Né le 12 avril 1948 à Gerabronn, Allemagne
  • 1985 : ministre de l'Environnement et de l'Énergie du Land de Hesse
  • 1998 : Vice-chancelier et ministre fédéral des Affaires étrangères de la République fédérale d'Allemagne dans les cabinets Schröder I et II
  • 1999 : Envoie des troupes allemandes au Kosovo - le premier conflit dans lequel l'Allemagne intervient depuis la Seconde Guerre mondiale
  • 2002 : Le parti des Verts remporte les élections législatives, deuxième mandat du gouvernement Schröder /Fischer
  • Depuis 2005 : conseiller stratégique et lobbyiste (Siemens, BMW)

Ursula von der Leyen répond à Dany

Face à l'actuelle ministre allemande de la Défense, notre chroniqueur entre tout de suite dans le vif du sujet : "Comment l'Allemagne peut-elle assumer un rôle plus important à l'international ?" A l'heure où les grandes puissances étrangères (États-Unis, Russie, Chine) sont centrées sur elles-mêmes, où "le monde multilatéral est en désordre," souligne-t-il.

"L'Allemagne doit prendre ses responsabilités"

Ursula von der Leyen n'élude pas la question : "Cela fait deux ou trois ans que le gouvernement a clairement dit qu'il était temps pour l'Allemagne d'assumer un rôle plus grand." La ministre fédérale explique alors la lente mise en place de ce positionnement nouveau sur l'échiquier international : "Notre pays doit se préparer à prendre ses responsabilités, (...) c'est un processus de mue. (...) Après 25 ans de réunification, c'est le bon moment."

Pour elle, l'Allemagne a trop longtemps porté le poids de son histoire : "Nous restons en retrait alors qu'aujourd'hui nous devons nous imposer dans le monde globalisé et défendre nos valeurs communes." Elle assure que la bonne direction a désormais été prise en citant le cas de l'Irak. "Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, nous étions prêts à envoyer des armes dans une zone de guerre, à entraîner et équiper les Peshmergas. C'est un exemple d'une approche que nous devons adopter même si ce n'est pas toujours simple. (...) Mais lorsque nous nous engageons, cela reste un gage de durabilité et de fiabilité," assure-t-elle.

"Nous sommes une armée d'Européens"

Notre chroniqueur interroge ensuite Ursula von der Leyen sur l'avenir de l'OTAN "au sein de laquelle les Américains prennent de moins en moins de responsabilités" et dont la fragilisation pourrait amener un jour à "la création d'une armée européenne".

Son interlocutrice ne croit pas à la fin de l'alliance transatlantique : "Je suis convaincue que nous aurons toujours besoin de l'OTAN pour assurer notre défense collective. (...) Nous devons discuter pour savoir quelles sont nos valeurs et ce que nous devons défendre." Quant à la mise en place d'une armée européenne, elle explique qu'aujourd'hui, déjà, "nous sommes une armée d'Européens, nous sommes tellement liés que nous pouvons mener des actions immédiates."

Ursula von der Leyen

  • Née le 8 octobre 1958 à Bruxelles, Belgique
  • 2003 : ministre CDU (Chrétiens-Démocrates) du Land de Basse-Saxe
  • 2005 : ministre fédérale des Affaires sociales, des Femmes, de la Famille et de la Santé dans le premier cabinet d'Angela Merkel
  • 2009 : ministre fédérale du Travail et des Affaires sociales dans le second cabinet d'Angela Merkel
  • Depuis 2013 : ministre fédérale de la Défense dans le troisième cabinet d'Angela Merkel
  • 2015 : accusée de plagiat dans sa thèse de doctorat, disculpée en mars 2016

Sources additionnelles • Journalistes : Pierre Michaud, Stéphanie Lafourcatère

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